DOCUMENT BFMTV. Affaire Bétharram: des victimes dénoncent dans une lettre "un système criminel organisé"

Le collectif des victimes de violences physiques et sexuelles vécues à Notre-Dame-de-Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) a remis, ce jeudi 27 janvier, une lettre au procureur de la République de Pau pour demander une enquête sur l'ensemble des faits évoqués par leurs plaintes.
Plusieurs décennies après les faits, commis des années 1950 aux années 2000, le parquet de Pau a ouvert en février 2024 une enquête préliminaire à la suite du dépôt d'une vingtaine de plaintes d'anciens élèves de cet établissement catholique béarnais.
À ce jour, 152 plaintes, pour viols, violences physiques ou sexuelles, ont été déposées, dont 40 nouvelles présentées ce jeudi, selon le porte-parole du collectif des victimes, Alain Esquerre. Il ne s'agit pas de plaintes officiellement déposées, mais de "lettres plaintes", dans lesquelles les victimes décrivent les faits qu'elles ont subis.
"Rafale de baffes"
Parmi ces 40 nouvelles plaintes, 18 portent sur des faits de nature sexuelle. BFMTV a pris connaissance de leur contenu. Il y est dénoncé plusieurs faits, notamment une fessée avec une grande règle en bois sur un enfant de 12 ans.
Mais aussi une "rafale de baffes" sur un enfant de 13 ans, une agression sexuelle sur un enfant de 12 ans, ainsi qu'un viol sur un autre garçon, lui aussi âgé de 12 ans. Dans l'une de ces plaintes, il est question d'un enfant de dix ans à qui l'on demande d'être nu pour la confession et qui subit des attouchements.
Un "système criminel organisé"
Dans la lettre de trois pages remise au procureur jeudi que BFMTV a pu consulter, le collectif qualifie de Notre-Dame-de-Betharram de "système criminel organisé et structuré, couvrant plusieurs décennies, au sein duquel des violences sexuelles, physiques et psychologiques ont été commises dans un cadre institutionnel favorisant l’impunité des agresseurs."
Vendredi dernier, une information judiciaire a été ouverte. Seul un homme, un ex-surveillant général de Bétharram, a été mis en examen pour viol et placé en détention provisoire. Tous les autres visés par les plaintes, des prêtres ou des surveillants laïcs, sont soit morts soit protégés par la prescription. La prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice n'est plus recevable.
Les membres du collectif de victimes estiment que l'instruction en cours est "insuffisante au regard de l’ampleur des infractions commises et des responsabilités impliquées". Ils veulent qu'elle soit étendue aux faits prescrits qui représentent pour l'instant l'immense majorité des faits dénoncés.
"L'application mécanique de la prescription est inadaptée lorsque la dissimulation institutionnelle a empêché la révélation des faits dans les délais légaux", affirme leur lettre, qui plaide pour le "réexamen de toutes les plaintes classées pour prescription".
Des cas de strangulation
Le collectif demande aussi "la requalification des faits en actes de torture et de barbarie", dénonçant notamment des "punitions sadiques", des "arrachages de cheveux", des coups et des cas de strangulation et des piqûres à l'eau "pour terroriser les enfants. Les victimes souhaitent "la mise en examen de l’institution pour complicité d’abus et crimes en bande organisée".
"Les faits démontrent que ces crimes n’étaient pas isolés, mais qu’ils s’inscrivaient dans un schéma systémique de violences, marqué par une dissimulation institutionnelle, une obstruction active à la justice et des complicités internes ayant permis aux auteurs de ces crimes d’agir en toute impunité pendant plusieurs décennies", affirment-elles.
Une soixantaine de membres du collectif, uniquement des hommes, se sont rendues jeudi au palais de justice de Pau pour un temps d'échange avec le procureur de la République. "On ne peut plus dire à des victimes 'C'est prescrit'. Ce n'est plus suffisant parce qu'elles peuvent être amnésiques traumatiques et avoir une remontée de leur trauma à un moment où le dossier est prescrit", a lancé à la presse l'une des victimes, Pascal Gélie, avant de rencontrer le procureur.