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Police-Justice

Affaire Bétharram: 40 nouvelles plaintes déposées, la question de la prescription posée

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Des témoignages venus d'Irlande, du Mexique, d'Australie ou de Suisse ont été récoltés par le collectif des victimes de Bétharram.

La liste de témoignages ne cesse de s'allonger. Le collectif des victimes de Bétharram portera 40 nouvelles "lettres plaintes" au parquet de Pau en marge d'une rencontre prévue ce jeudi 27 février entre les victimes de violences dans cet institut catholique des Pyrénées-Atlantiques entre 1970 et 1990 et le procureur de la ville du Béarn.

"Un corpus de 40 nouvelles plaintes, dont 18 portant sur des faits de nature sexuelle", sera remis au parquet avant la rencontre prévue à 9h30, a confirmé à l'AFP le porte-parole du collectif des victimes, Alain Esquerre, établissant à 152 le nombre de dénonciations.

Parmi ces nouvelles victimes, "nombreuses sont celles qui vivent à l'étranger", a-t-il précisé, citant l'Irlande, le Mexique, l'Australie ou la Suisse.

"Rafale de baffes", fessée...

Dans ces nouvelles plaintes, treize prêtres sont visés par des accusations concernant des faits de nature sexuelle, selon les informations de BFMTV. Pour ces mêmes incriminations sexuelles, quatre laïcs, trois surveillants et un enseignant en sport, sont aussi visés.

Parmi les faits dénoncés: une fessée avec une grande règle en bois sur un enfant de 12 ans, une "rafale de baffes" sur un enfant de 13 ans, un enfant de 10 ans à qui l’on demande d’être nu pour la confession et qui subit des attouchements, une agression sexuelle sur un enfant de 12 ans, un viol sur un autre garçon de 12 ans...

Parmi les individus mis en cause, un ancien surveillant placé en garde à vue la semaine dernière mais relâché pour cause de prescription, est de nouveau cité, a affirmé de son côté Alain Esquerre.

Cet homme né en 1955, surnommé "Cheval" par les élèves en référence à sa chevalière qu'il utilisait pour les frapper, "est parti en 1990 de Bétharram". "Ce sont donc encore des faits prescrits, mais on va continuer à les marteler, peut-être que cela fera évoluer le législateur", a ajouté le porte-parole du collectif.

La semaine dernière, un prêtre né en 1931 avait également été placé en garde à vue puis relâché pour prescription des faits. Seul un ancien surveillant, né en 1965, a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles et placé en détention provisoire.

Les huit autres hommes mis en cause jusqu'ici pour des violences sexuelles à Bétharram sont déjà morts, avait indiqué vendredi dernier le procureur.

Personne morale

Pour plusieurs de ces plaintes, la question de la prescription se pose puisqu'un plusieurs des agresseurs sont déjà morts. Interrogé par BFMTV, Jérôme, une ancienne victime, souhaite désormais que l'établissement privé soit mise en cause comme une personne morale. "Ce serait bien qu’elle regarde en face son histoire", dit-il.

"Ce serait bien, pour tous les gens qui ont souffert, les générations de gamins qui ont souffert entre ces murs, d’entendre l’institution dire: ‘oui ça s’est passé, ce n'est pas normal, on n'aurait pas dû faire ça, les gens qui ont fait ça ont eu tort", ajoute-t-il.

Ce jeudi, Alain Esquerre compte insister auprès du procureur de Pau, Rodolphe Jarry, sur "l'importance d'inclure l'institution Bétharram dans l'information judiciaire, pour interroger les responsabilités de l'établissement", longtemps réservé aux garçons, avec son pensionnat connu dans toute la région pour ses méthodes autoritaires.

Cette question de la prescription se pose dans bon nombre des cas, souligne une avocate à BFMTV. "Cela ne veut pas dire que les crimes n'ont pas été commis, mais ça veut dire qu'on ne peut pas poursuivre de tels faits. Ils ne pourront pas avoir un résultat juridique autre qu’un classement sans suite", assure-t-elle.

Prise de conscience

Après l'ouverture d'une information judiciaire, Alain Esquerre s'était félicité "d'être enfin entendu par la justice" et avait exhorté les anciens élèves ayant pu subir des violences à se manifester dans ce dossier "tentaculaire".

Près d'une semaine plus tard, "ça arrive de partout. La prise de conscience est en train de s'opérer. C'est cataclysmique, vertigineux", dit-il.

Des collectifs d'anciens élèves disant avoir subi des violences physiques et sexuelles dans d'autres établissements privés situés dans les Landes, les Pyrénées-Atlantiques ou encore les Hautes-Pyrénées fleurissent sur les réseaux sociaux ces derniers jours.

Guillaume Barki, Nassim Gomri et Matthias Tesson avec Hugo Septier