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"Lupin", "The Witcher", "Bridgerton"... quand les séries donnent envie de lire

Omar Sy dans "Lupin",  Phoebe Dynevor dans "Bridgerton" et Henry Cavill dans "The Witcher"

Omar Sy dans "Lupin", Phoebe Dynevor dans "Bridgerton" et Henry Cavill dans "The Witcher" - Netflix

La série "Lupin", de retour sur Netflix ce vendredi, a redonné un coup de jeune à Maurice Leblanc et relancé la vente de ses livres. D'autres livres ou sagas littéraires connaissent un destin similaire, comme "Bridgerton" ou "The Witcher".

Lupin est de retour. Et les héritiers de Maurice Leblanc se frottent sans doute déjà les mains. La série qui a connu en janvier dernier un énorme succès sur Netflix, a également redonné un gros coup de jeune aux aventures d'Arsène Lupin. La série avec Omar Sy a en effet propulsé en tête des ventes les classiques de Maurice Leblanc. À tel point que Hachette a dû réimprimer en urgence 10.000 exemplaires du volume Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur.

Si Netflix a remis Leblanc à la mode, les plateformes contribuent régulièrement à gonfler les ventes de livres, de sagas littéraires, de mangas, BD et comics. Netflix - et dans une moindre mesure, OCS Canal+, Amazon, Disney+ et les autres plateformes - a ainsi le "pouvoir" de ressusciter des livres oubliés, d'en révéler d'autres, et même parfois de faire découvrir l'œuvre entière d'un auteur ou d'une autrice.

Des ventes multipliées par 100

"La diffusion de la série sur Netflix multiplie quasiment les ventes par 100", note ainsi Hélène George, cheffe de produit BD et mangas à la Fnac, citant l'exemple de L'Attaque des Titans et Umbrella Academy. "Cette explosion des ventes se renouvelle même à chaque saison", note-t-elle.

S'il n'est pas toujours aussi fort, "l'effet Netflix" fonctionne "à chaque fois", estime Hélène George. "Ça peut être concentré sur les premiers tomes, et s'essouffler. Ou à l'inverse, cela fait revendre toute la série", souligne-t-elle. Le succès est plus lié à l'exposition de la série qu'à son genre. Et il est international, comme le souligne Netflix dans un communiqué. Les aventures sur papier d'Arsène Lupin se sont ainsi vendues en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, et même en Corée, réalisant en 15 jours l'équivalent d'un an de ventes.

Des livres aux oubliettes

Pour Lupin, si le titre qui a le mieux marché est celui que l'on voit dans la série - Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur -, toute l'œuvre de Maurice Leblanc s'en est trouvée revigorée. "Maurice Leblanc, on en a au moins jusqu'à la fin de l'année", prédit Jean-Pierre Saucy, responsable des romans policiers et de la science-fiction à la Fnac.

"Lupin avec Omar Sy est une adaptation actuelle, on est pas du tout sur une réécriture des origines au XIXe siècle, mais sur une forme de continuité et d'héritage d'Arsène Lupin, souligne Vladimir Lifschutz, docteur en lettres et arts, spécialiste des séries télé et auteur de This is the end - Finir une série TV. C'est aussi une façon de renvoyer à l'œuvre, par un effet miroir. C'est ce qu'a fait la série Sherlock, avec l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle".

Pour d'autres sagas littéraires, l'effet "série" est encore plus flagrant. C'est le cas de la saga de fantasy du Polonais Andrzej Sapkowski, Le Sorceleur éditée il y a une dizaine d'années en France et restée relativement confidentielle, malgré le succès du jeu vidéo. La série The Witcher l'a fait exploser, à la manière de Game of Thrones qui a révélé au grand public la saga du prolifique George R.R. Martin.

"Beaucoup de joueurs n'avaient jamais lu les romans d'Andrzej Sapkowski, et la série est devenue une sorte de passerelle entre le jeu et les livres, en invitant à découvrir l'œuvre originale, en passant par un autre média qui est la série télévisée. Ce qui s'est joué ici, [pour les fans de la série et du jeu] c'est approfondir ses connaissances de l'univers en découvrant ou redécouvrant les œuvres littéraires à son origine".

Un public nouveau

Et puis, soulignent les spécialistes de la Fnac, unanimes, ces séries fédèrent un public nouveau. Un public qui, sans la série, n'achèterait pas ce type de livres. Les performances du bel Henry Cavill dans The Witcher ont ainsi amené à la fantasy, des lecteurs qui ne connaissaient pas le genre. "Ils sont allés acheter Le Sorceleur, ils ne savaient même pas dans quel rayon c'était!", se souvient Jean-Pierre Saucy. De la même manière, Umbrella Academy a fait découvrir les comics à un public qui n'en lisait pas.

"Et L'Attaque des Titans a été un tel phénomène, que beaucoup de gens qui ne lisaient pas de mangas se sont mis à regarder la série animée et ont eu envie d'acheter le manga papier", relève Hélène George.

La Fantasy n'est pas le seul domaine à profiter d'un public vierge. La chronique des Bridgerton a connu un destin similaire à The Witcher, expose Pauline Armenoult, cheffe de produit Littérature à la Fnac. Le roman à l'eau de rose époque Régence, de l'Américaine Julia Quinn, qui vivotait depuis sa publication en France en 2008, a décollé grâce au beau Regé-Jean Page. Là encore, la série a attiré un public, qui ne connaissait pas du tout la précédente édition très marquée "romance". L'éditeur a d'ailleurs entrepris de rééditer les huit volumes de l'histoire, sous la forme de quatre livres, avec de nouvelles couvertures, estampillées Netflix... Les tomes 5 et 6, qui viennent de sortir, étaient à la 4e place des meilleures ventes de livres en France début juin 2021, selon le classement établi par EdiStat.

La saga littéraire "La Chronique des Bridgerton", de Julia Quinn.
La saga littéraire "La Chronique des Bridgerton", de Julia Quinn. © Editions J'ai Lu

Pour les éditeurs, l'enjeu est très important. Les éditions Milan, qui éditent en France, depuis 2016, la saga pour adolescents Shadow and Bone: la saga Grisha, ont ainsi suivi cette stratégie. Comme nous le précise l'éditeur, "À l’occasion de la série Netflix, nous avons décidé de faire de nouvelles éditions de ces cinq livres, avec des jaquettes à l’effigie de la série Netflix".

L'effet s'est manifesté avant même la diffusion de la série. "Les semaines précédant la sortie de la série sur Netflix, le 23 avril, ont vu le buzz s’amplifier, entraînant un effet d’emballement sur les ventes des nouvelles éditions, qui sont tombées en rupture très vite après parution et dont nous avons immédiatement lancé des réimpressions", indique l'éditeur qui note que cet 'effet Netflix' "s’est manifesté aussi sur nos réseaux sociaux, où la communauté de fans des livres, déjà importante, s’est rapidement développée dès l’annonce de la série".

Shadow and Bones
Shadow and Bones © Editions Milan

Pour l'éditeur, le timing est en effet la clé de tout. Une publication désynchronisée, trop en amont ou trop tardive, avec la diffusion de la série peut ainsi ruiner l'effet Netflix. Avec le Jeu de la dame et Unorthodox, les éditeurs ont ainsi raté le coche en publiant la traduction française trop loin de la série. "Les livres ne se sont pas aussi bien vendus que le succès de la série le laissait présumer", relève ainsi Pauline Armenoult.

"Les séries ont pris le relais"

Le Jeu de la dame a, en revanche, fait les riches heures des jeux d'échecs et des clubs. Et même inspiré la publication d'autres livres. Un éditeur s'apprête ainsi à publier la biographie d'un joueur d'échec célèbre. "Les éditeurs jouent sur le phénomène Netflix", souligne encore Pauline Armenoult.

La série La Servante écarlate, diffusée sur OCS, a elle aussi eu un retentissement qui dépasse celui du livre. "Le roman a mis en lumière toute l'œuvre de Margaret Atwood, qui n'était pas particulièrement connue en France jusqu'alors", indique Pauline Armenoult.

Et si le cinéma a pu ces dernières années faire vendre des livres, comme les films tirés du Seigneur des Anneaux, de Harry Potter, de Hunger Games ou de l'univers Marvel, aujourd'hui, les séries ont pris le relais.

Un retour aux sources, pour les séries, héritières des romans-feuilletons du XIXe siècle, auxquels elles empruntent leurs codes, comme le rappelle Vladimir Lifschutz:

"Renvoyer à la littérature c'est une sorte de retour aux origines pour la série télé qui vient de là. Ca marche aussi, parce qu'il y a ces codes qui sont très ancrés dans la série télévisée. On revient à ce qu'était la série télévisée à l'origine, c'est-à-dire des romans feuilletons publiés dans des journaux, qui se terminaient avec des cliffhangers.
Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV