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Eurovision: choix de la chanson, humeur du public... Pourquoi la France ne gagne jamais

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La déception a été rude, samedi soir, après la septième place de Louane à l'Eurovision à Bâle. Cela fait maintenant près de 50 ans que la France n'a pas remporté le concours.

Chaque année c'est la même chose. La France est parmi les favoris des bookmakers, l'accueil du public est bon et puis finalement non, ça ne prend pas. Malgré quelques classements tout à fait honorables, comme Barbara Pravi 2e en 2021, Slimane 4e l'année dernière, ou encore Louane, 7e cette année, la victoire semble hors de portée.

La déception est telle, cette année, que ni Louane, ni la délégation française n'ont voulu s'exprimer à chaud après le concours. Comme pour se laisser le temps de digérer un classement particulièrement mal vécu après s'être ainsi mis à nu et avoir tant donné et espéré.

"Parfois, on ne comprend pas tout", a ainsi expliqué la cheffe de la délégation française, Alexandra Redde-Amiel, décrivant la "mécanique imprévisible" de l'Eurovision.

Pourtant, Louane n'a pas démérité, estime sur BFMTV William Martin-Grenier, producteur du podcast Euromania. Car si le public l'a boudée, lui accordant seulement 50 points, elle a été plébiscitée par le jury - composé de professionnels de la musique -, qui l'a placée en troisième position. Le public a ainsi accordé 297 points à la candidate israélienne, 258 à l'Estonie, dont la chanson moquait l'Italie, et 195 points au groupe suédois, qui interprétait une chanson très décalée sur les saunas.

C'est finalement le candidat autrichien, JJ, avec sa chanson Wasted love et sa voix de contre-ténor, qui a remporté la compétition.

"L'humeur du soir"

"Le vote du public est complètement irrationnel", analyse William Martin-Grenier, expliquant que les choix du public et ceux du jury sont parfois aux antipodes. "La Suisse, par exemple a été deuxième du vote du jury, le public lui a donné zéro point".

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Pour ce spécialiste, le vote du public dépend ainsi "beaucoup de l'humeur du soir". "Si on est d'humeur festive, on va voter pour une chanson un peu plus délirante, et si on est d'humeur triste, on va voter pour une ballade".

"Les gens votent vraiment avec leurs tripes. La plupart voient les chansons pour la première fois le soir de l'Eurovision".

Quand la géopolitique s'invite

Chaque année également, le thème de la géopolitique s'invite dans les analyses. Qu'il y ait des conflits - comme c'est le cas ces dernières années avec l'Ukraine et Israël - ou non.

"Toute compétition non guerrière renvoie le champ de bataille sur un autre terrain", rappelait ainsi en 2024, sur le plateau de BFMTV, le professeur de criminologie Alain Bauer.

"Il y a des biais d'attachement culturel pour certains pays", note pour sa part William Martin-Grenier, "mais si les votes étaient vraiment politiques, il y aurait le même classement tous les ans". "L'Autriche qui a gagné cette année était avant-dernière l'an dernier", souligne-t-il encore. Ce n'est donc pas une science exacte.

Les observateurs du concours relèvent cependant des "clubs de pays" qui se soutiennent. La France a ainsi bénéficié des votes de ses voisins francophones, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, mais aussi de l'Espagne et du Royaume-Uni. C'est le cas pour d'autres régions, dont les pays sont souvent solidaires entre eux, comme les pays scandinaves ou les États baltes, qui affichent leurs affinités culturelles.

"L'Eurovision offre une photo, prise à l'instant-T, des affinités entre les nations", expliquait ainsi auprès de BFMTV.com Farid Toubal, professeur de sciences économiques à l'Université Paris-Dauphine, co-auteur de l'étude "Eurovision: bien chanter ne suffit pas" en 2008. Il parlait alors de "géopolitique exprimée par le peuple".

On a tout essayé

Et de fait, la valeur artistique des candidats sélectionnés pour représenter la France ne semble pas seule en cause. La France a, au cours de ces longues années, essayé toutes les formules, y compris dans le mode de présélection du candidat.

Ainsi, en 2018, 2019, 2021 et 2022, c'est l'émission Destination Eurovision, rebaptisée Eurovision France, c'est vous qui décidez!, où le public était appelé à voter, qui a déterminé le candidat.

Si elle a privilégié les chansons "à texte", avec Barbara Pravi, Slimane ou Louane, la France s'est essayée à tous les genres, de la pop à la chanson française, en passant par l'électro-pop ou les variétés. Des chansons à message (Mercy de Madame Monsieur en 2018), des chansons sans message (Allez ola olé de Jessy Matador), des chansons parodiques avec Les Fatals Picards en 2007 et les Twin Twin, en 2014 - arrivés derniers. Beaucoup de chansons tristes, comme avec Patricia Kaas en 2009, Amandine Bourgeois en 2013 ou Lisa Angell en 2015 et des chansons plus festives avec Amir en 2016, Alma en 2017 ou La Zarra en 2023.

La France a également envoyé des chanteurs populaires, comme cette année Louane, ou avant elle Slimane, Anguun et Patricia Kaas, comme de parfaits inconnus, comme Virginie Pouchain en 2006 ou Sandrine François en 2002.

On s'est même essayé à quelques mots d'anglais dans les chansons, comme Bilal Hassani avec Roi ou Anguun avec Echo (You and I), et même à des langues régionales comme le breton, qui a valu une 24e place à Alvan et Ahez en 2022 et une 19e place à Dan Ar Braz en 1996, ou le corse, porté par Patrick Fiori en 1993 et Amaury Vassili en 2011.

De kitsch à cool

En 2016, Anguun évoquait auprès de BFMTV.com des "histoires de lobbying", non pas entre pays mais entre délégations. "En France on regarde l'Eurovision avec un peu de dédain", confiait-elle. Ces années semblent cependant révolues et la délégation française a beaucoup misé sur Louane, allant jusqu'à recruter le scénographe suédois du gagnant de l'année dernière, Nemo.

"Il y a 10 ans on me disait 'l'Eurovision c'est kitsch, pourquoi tu vas là-bas?', aujourd'hui, à Paris on a des fan zones, la chanson (de Louane) a été streamée plus de 5 millions de fois".

Mais de fait, la France qui est chaque année qualifiée d'office, car faisant partir du "Big Five", le club des cinq plus gros contributeurs à l'Eurovision, n'a pas gagné le concours depuis 1977. Seule l'Espagne fait moins bien. Sa dernière victoire remonte à 1969.

Magali Rangin