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Washington accuse Moscou de préparer une fausse vidéo pour servir de prétexte à une invasion de l'Ukraine

Un soldat ukrainien se tient face à des chars près du village de Klugino-Bashkirivka le 31 janvier 2022.

Un soldat ukrainien se tient face à des chars près du village de Klugino-Bashkirivka le 31 janvier 2022. - SERGEY BOBOK / AFP

Cette opération "sous fausse bannière" aurait pour objectif de montrer comment Kiev martyrise les Ukrainiens russophones, justifiant l'intervention de Moscou.

Ce jeudi, les Etats-Unis ont accusé Moscou de vouloir préparer une fausse vidéo, qui aurait pour but de justifier une invasion de l'Ukraine. Le document, "très violent" selon le porte-parole du Pentagone John Kirby, montrerait des cadavres, des bâtiments détruits et des acteurs jouant le rôle de personnes endeuillées. Les victimes? Des citoyens russophones résidants en Ukraine, ou des citoyens russes. Les responsables? Les Ukrainiens, et dans une moindre mesure, l'OTAN, organisation de coopération militaire dont la France fait partie.

Opération "sous fausse bannière"

"Nous avons des informations selon lesquelles les Russes veulent probablement fabriquer un prétexte pour une invasion, ce qui correspond tout à fait à leurs façons de faire", a déclaré John Kirby, jeudi 3 février.

Et d'ajouter: "Une des options est que le gouvernement russe, nous le pensons, prépare une fausse attaque de soldats ou d'agents de renseignement ukrainiens contre le territoire russe ou des russophones (d'Ukraine)".

Ce type de manœuvre, dite "sous fausse bannière", correspond à l'utilisation de marqueurs du camp ennemi pour semer la confusion dans un conflit. Dans le cas de la possible vidéo russe, l'objectif de Moscou serait de laisser penser que des armes ukrainiennes sont responsables de la mort de citoyens russophones en Ukraine. En pointant également du doigt des drones turcs Bayraktar.

Une manière pour Moscou d'impliquer l'OTAN, dont font partie la Turquie et les Etats-Unis, mais également la France.

John Kirby a également ajouté que ce genre de tactique est en général "approuvé au plus haut niveau du gouvernement russe", soit une manière d'accuser le Kremlin et Vladimir Poutine sans les nommer directement.

Les Etats-Unis ont cependant refusé de révéler des preuves directes de ces allégations, et la manière dont ils en ont eu connaissance, avançant qu'une telle décision pourrait venir compromettre leurs sources et leurs méthodes, comme le rapporte le New York Times. Mais en déclassifiant cette information, Washington espère tuer dans l'œuf la possible initiative russe.

En produisant une telle vidéo, Moscou souhaiterait réutiliser un vieil argument, concernant le sort qui serait réservé aux citoyens russophones d'Ukraine. C'est déjà leur situation qui avait été évoquée par la Russie pour justifier en partie l'annexion de la Crimée en 2014. La vidéo de propagande aurait pour objectif de documenter un soi-disant génocide commis par Kiev contre cette population, comme le rapporte The Guardian.

Soutien du Royaume-Uni

De l'autre côté de l'Atlantique, le Royaume-Uni est venu appuyer les révélations faites par les Etats-Unis. Depuis le début de la crise, Londres s'est montré particulièrement volontariste concernant son soutien à Washington, alors que le Premier ministre Boris Johnson est empêtré dans le scandale du "Partygate" et que son départ de Downing Street est une option sur la table.

La secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères Liz Truss a estimé dans une déclaration que "le Royaume-Uni et ses alliés vont continuer à dévoiler les subterfuges et la propagande russe".

Dans un tweet, James Roscoe, diplomate britannique auprès des Nations unies, a déclaré: "La Russie dit qu'elle n'envahira jamais l'Ukraine. À moins qu'elle ne soit provoquée. Donc juste au cas où, elle a massé 100.000 soldats à la frontière ukrainienne".

Visite de Macron à Moscou

De son côté, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réfuté les allégations américaines concernant la production d'une fausse vidéo, estimant que "des accusations similaires ont déjà été portées par le passé. Mais rien ne s'est jamais produit".

Les révélations américaines interviennent alors que les échanges diplomatiques s'intensifient afin d'éviter une escalade des violences. Dans cette optique, l'Elysée a d'ailleurs annoncé ce vendredi qu'Emmanuel Macron se rendra en Russie lundi et en Ukraine mardi. Des efforts vains, à la vue des dernières révélations concernant la vidéo russe?

"La Russie a signalé qu'elle souhaitait poursuivre les échanges diplomatiques pour parvenir à une désescalade, mais des actes comme celui-ci suggèrent le contraire", a estimé Ned Price, le porte-parole du département d'Etat américain, en référence au projet de vidéo.
Jules Fresard avec AFP