Turquie: 1.400 personnes interpellées depuis le début de la fronde liée à l'arrestation du maire d'Istanbul

Un manifestant tient un drapeau turc lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul arrêté dimanche 23 mars, près de l'hôtel de ville d'Istanbul (Turquie), le 25 mars 2025. - Angelos Tzortzinis / AFP
Les manifestants se sont de nouveau massés dans la rue ce mardi 25 mars en Turquie, où plus de 1.400 personnes ont été arrêtées depuis le début d'une vaste fronde déclenchée par l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu le 19 mars. L'homme est en effet le principal rival du président Recep Tayyip Erdogan.
Pour le septième soir consécutif, des dizaines de milliers de personnes ont convergé devant l'hôtel de ville d'Istanbul à l'appel de l'opposition, poursuivant une contestation d'une ampleur inédite depuis le mouvement de Gezi, parti de la place Taksim d'Istanbul, en 2013.
Des milliers d'étudiants, la plupart le visage masqué de peur d'être identifiés par la police, ont également défilé sous les applaudissements de riverains dans un arrondissement de la ville dont le maire a lui aussi été incarcéré, ont constaté des journalistes de l'Agence France Presse. Des étudiants en nombre qui ont également défilé par milliers à Ankara, la capitale, selon les images de médias turcs.

Plus de 1.400 personnes arrêtées jusqu'à présent
Un total de 1.418 personnes accusées d'avoir participé à des manifestations, interdites depuis la semaine dernière à Istanbul, Ankara et Izmir, les trois plus grandes villes du pays, ont été arrêtées, ont annoncé les autorités.
Dans ce contexte, un tribunal d'Istanbul a ordonné, ce mardi, le placement en détention provisoire de sept journalistes turcs, dont un de l'Agence France Presse, en les accusant d'avoir participé à des rassemblements illégaux. Le PDG de l'AFP, Fabrice Fries, a appelé la présidence turque à "la libération rapide" de son photographe.
"Yasin Akgül ne manifestait pas, il couvrait comme journaliste l'un des nombreux rassemblements organisés dans le pays depuis le mercredi 19 mars", a-t-il fait valoir.


L'ONG Reporters sans Frontières (RSF) a, elle, condamné une "décision scandaleuse (qui) reflète une situation gravissime en cours en Turquie".
Au total, 979 manifestants se trouvaient en garde à vue ce mardi 26 mars, tandis que 478 personnes avaient été déférées devant des tribunaux, a annoncé le ministre turc de l'Intérieur, Ali Yerlikaya.
Un "coup d'État politique"
Face à la poursuite de la contestation née de l'arrestation pour "corruption" de Ekrem Imamoglu, le gouvernorat d'Ankara a prolongé jusqu'au 1er avril prochain une interdiction de manifester. Les autorités ont pris une décision similaire à Izmir jusqu'au 29 mars. Une même interdiction est en vigueur à Istanbul, bravée chaque soir par des dizaines de milliers de personnes qui se réunissent devant le siège de la municipalité à l'appel du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force de l'opposition qui a dénoncé un "coup d'État politique".
Son chef, Özgür Özel, a appelé à un très large rassemblement samedi sur la rive asiatique d'Istanbul.
"Nous ne pouvons pas livrer cette patrie céleste à la terreur de la rue", avait averti peu avant le président Erdogan. "Si vous aviez commis dans un pays occidental le millième des actes de vandalisme que vous avez commis dans notre pays, vous ne savez pas ce qu'il vous serait arrivé", a-t-il ajouté en accusant les manifestants d'attaquer la police et de "brûler les rues et les cours des mosquées".

Signe de l'onde de choc déclenchée par l'arrestation de Ekrem Imamoglu, des manifestations, parfois très importantes comme à Ankara et Izmir, ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays depuis le début de la contestation, selon un décompte de l'AFP. "C'est notre responsabilité historique en tant que jeunes de descendre dans la rue", a déclaré à l'AFP Kerem Gümre, un étudiant 23 ans.
Une situation qui inquiète à l'international
"Si vous frappez un jeune avec une matraque ou le visez avec du gaz lacrymogène ou une balle en caoutchouc ce soir, je vous demanderai des comptes", a lancé mardi soir le chef du CHP à l'endroit de la police.

Özgür Özel s'était rendu plus tôt à la prison de Silivri, en lisière d'Istanbul, où sont incarcérés depuis dimanche le maire de la ville et 48 co-accusés, parmi lesquels deux maires d'arrondissements également membres du CHP. "J'ai rencontré trois lions à l'intérieur. Ils sont debout, la tête haute", a-t-il déclaré.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a aussi fait part de ses "préoccupations les récentes arrestations et manifestations en Turquie", après une réunion avec son homologue turc, Hakan Fidan, sa première réaction officielle depuis le début de la vague de contestation. Mardi soir, la présidence française a appelé la Turquie se comporter comme un "grand partenaire démocratique", demandant la libération de Ekrem Imamoglu. L'ONU s'est également dite "très préoccupée" face aux arrestations dans le pays.
Le CHP, qui a investi dimanche Ekrem Imamoglu comme son candidat à la prochaine élection présidentielle prévue en 2028, a lui appelé au boycott d'une vingtaine d'enseignes turques réputées proches du pouvoir, dont une célèbre chaîne de cafés.
"Le café on peut le faire nous-mêmes", a lancé Özgür Özel.