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Turquie: nouvelles manifestations malgré les interdictions après l'incarcération du maire d'Istanbul

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De nouveaux rassemblements, pourtant interdits, ont eu lieu ce lundi 24 mars partout en Turquie suite à l'arrestation d'Ekrem Imamoglu dimanche. Accusé de terrorisme, le maire d'Istanbul est retenu prisonnier par le régime de Recep Tayyip Erdogan. Plus d'un millier de personnes ont été arrêtées depuis le début de cette mobilisation.

L'opposition a organisé de nouveaux rassemblements, ce lundi 24 mars en Turquie, avec une mobilisation étudiante qui enfle pour protester contre l'incarcération du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu.

"Ce n'est pas un rassemblement mais une action de défiance contre le fascisme", a lancé Ozgur Ozel, le leader du CHP, principal parti d'opposition, aux dizaines de milliers de personnes réunies devant la municipalité d'Istanbul où des manifestations sont organisées tous les soirs depuis l'arrestation du maire mercredi 19 mars.

"Enterrez ceux qui vous ignorent", a également déclaré Ozgur Ozel, en référence aux chaînes progouvernementales qui ne diffusent pas les images des manifestations.
La police anti-émeute disperse les manifestants devant l'hôtel de ville lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul qui a été arrêté, à Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025.
La police anti-émeute disperse les manifestants devant l'hôtel de ville lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul qui a été arrêté, à Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025. © OZAN KOSE / AFP

Il a appelé au boycott de ces chaînes et d'une dizaine de compagnies qu'il estime proches du gouvernement, dont une chaîne de cafés. Des manifestations ont également eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays, selon un décompte de l'Agence France Presse.

Des manifestations dans tout le pays

Ce mouvement, d'une ampleur inédite depuis la grande vague de protestation de Gezi à Istanbul, en 2013, suscite une réaction musclée des autorités. Les manifestations ont, par ailleurs, été interdites dans les trois plus grandes villes du pays: Istanbul, Ankara et Izmir, et plus de 1.130 personnes ont été interpellées en six jours tandis que 43 ont été arrêtées ce lundi soir, selon le ministre de l'Intérieur.

"Cessez de troubler la paix de nos concitoyens par vos provocations", a martelé lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan en s'adressant à l'opposition lors d'un discours télévisé. "Ne jouez plus avec les nerfs de la nation", a-t-il affirmé.

Un manifestant porte un masque à gaz près de l'hôtel de ville d'Istanbul lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025.
Un manifestant porte un masque à gaz près de l'hôtel de ville d'Istanbul lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025. © OZAN KOSE / AFP

Démis de ses fonctions et incarcéré dimanche dernier, le maire d'Istanbul était au même moment investi par son parti, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force de l'opposition, comme son candidat à la prochaine présidentielle prévue en 2028. Cette primaire purement symbolique, maintenue dimanche par le CHP de Mustafa Kemal, le fondateur de la République turque, a réuni quelque 15 millions de votants en soutien à l'édile.

Plus de 1.300 arrestations

Face à la contestation, les autorités ont déployé d'importants effectifs de police qui ont procédé à plus de 1.300 arrestations depuis mercredi 19 mars, selon le ministre de l'Intérieur. Ce dernier a affirmé que 123 policiers avaient été blessés dans des heurts en marge des rassemblements.

Des manifestants brandissent des fusées rouges devant des policiers anti-émeutes turcs près de l'hôtel de ville d'Istanbul lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025.
Des manifestants brandissent des fusées rouges devant des policiers anti-émeutes turcs près de l'hôtel de ville d'Istanbul lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025. © Angelos Tzortzinis / AFP

Au moins dix journalistes, dont un photographe de l'AFP, ont été arrêtés ce lundi à l'aube à leur domicile à Istanbul et Izmir, a rapporté l'association turque de défense des droits humains MLSA.

"Ces attaques et entraves à la liberté de la presse doivent cesser immédiatement. (...) Nous demandons la libération des journalistes interpellés et appelons le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya à prendre des mesures pour s'assurer que les forces de l'ordre respectent le droit d'informer", a réagi Erol Önderoglu, représentant de Reporter sans frontières (RSF) en Turquie.

Un manifestant tient un drapeau turc avec une photo du père fondateur de l'État moderne turc, Mustafa Kemal Ataturk, devant des policiers anti-émeutes turcs lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul arrêté, près de l'hôtel de ville d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025.
Un manifestant tient un drapeau turc avec une photo du père fondateur de l'État moderne turc, Mustafa Kemal Ataturk, devant des policiers anti-émeutes turcs lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul arrêté, près de l'hôtel de ville d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025. © OZAN KOSE / AFP

"Les autorités turques doivent mettre fin à l'usage inutile et aveugle de la force par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques, et enquêter sur les actes de violence illégaux commis par la police", a déclaré de son côté Amnesty International dans un communiqué.

Des réactions en provenance du monde entier

La Grèce s'est émue lundi de la situation "instable et préoccupante" chez sa voisine. Et l'Union européenne a appelé la Turquie à "respecter les valeurs démocratiques". "L'incarcération du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie", a déploré ce dimanche 23 mars la diplomatie française, après avoir déjà condamné son arrestation mercredi dernier.

Un manifestant tient une photo du père fondateur de l'État moderne turc, Mustafa Kemal Ataturk, à côté de drapeaux turcs lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul à l'hôtel de ville d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025.
Un manifestant tient une photo du père fondateur de l'État moderne turc, Mustafa Kemal Ataturk, à côté de drapeaux turcs lors d'un rassemblement de soutien au maire arrêté d'Istanbul à l'hôtel de ville d'Istanbul (Turquie), le 24 mars 2025. © Angelos Tzortzinis / AFP

À l'unisson, l'Allemagne, où vit la plus grande communauté turque à l'étranger, a condamné lundi l'incarcération et la suspension "totalement inacceptables" de Ekrem Imamoglu, Berlin y voyant un "mauvais signal pour la démocratie". Une manifestation a, par ailleurs, réuni plus d'un millier de personnes dimanche à Berlin, ont rapporté les médias locaux.

Outre Ekrem Imamoglu, près de cinquante co-accusés ont également été placés en détention dimanche pour "corruption" et "terrorisme", selon la presse turque. Parmi eux figurent deux maires d'arrondissement d'Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l'un d'eux, accusé de "terrorisme", a été remplacé par un administrateur nommé par l'État, ont annoncé les autorités.

L'arrestation du maire a mis sous pression l'économie de la Turquie, déjà aux prises avec une grave crise inflationniste, entraînant une chute de la Bourse ainsi que de la livre turque, tombée à son plus bas historique face au dollar.

Dictateur ou "homme providentiel", qui est Recep Tayyip Erdoğan ?
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Le président turc a évoqué lundi "des fluctuations artificielles sans fondement dans l'économie". "Nous avons géré avec succès la récente volatilité du marché en utilisant efficacement les outils à notre disposition", a-t-il assuré.

C.D. avec AFP