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Turquie: arrêté pour "corruption" et "terrorisme", le maire d'Istanbul dénonce des accusations "sans fondement"

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Des manifestants se sont rassemblés pour la quatrième soirée consécutive devant l'hôtel de ville d'Istanbul pour protester contre l'arrestation de l'édile, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.

Ils se sont rassemblés pour le quatrième soir consécutif. Les partisans du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, arrêté pour "corruption" et "terrorisme", ont déferlé ce samedi 22 mars par dizaines de milliers devant l'hôtel de ville afin de soutenir l'élu d'opposition, qui a dénoncé des accusations "immorales et sans fondement".

Pour la quatrième nuit de mobilisation, la foule est apparue encore plus dense et plus nombreuse, prenant d'assaut les rames de métro et les abords de l'hôtel de Ville, congestionnés, en agitant des drapeaux et des pancartes exprimant sa colère: "Les dictateurs sont des lâches !", "L'AKP (le parti au pouvoir, ndlr) ne nous fera pas taire".

Le maire a été amené en début de soirée avec 90 de ses co-accusés dans un palais de justice en état de siège, protégé par des dizaines de fourgons anti-émeutes et un solide cordon de policiers, pour y être présenté à un procureur.

"Ce qui se passe est illégal"

Selon ses avocats, son audition dans le volet "terrorisme" de l'accusation est terminée et l'autre a commencé. Malgré les restrictions d'accès, plus d'un millier de personnes, selon l'AFP, se pressaient dans la nuit aux abords du tribunal de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier.

"Les gens ne sont pas là uniquement pour Imamoglu, mais pour défendre leurs droits", justifie Elif Cakir, un étudiant de 18 ans. "La Constitution nous accorde le droit de manifester et de nous réunir, mais on nous l'interdit". "Nous ne sommes pas les ennemis de l'Etat mais ce qui se passe est illégal", estime également Aykut Cenk, 30 ans, en agitant un drapeau turc.

Les accusations de "soutien au terrorisme" portées contre l'édile de 53 ans, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan, pourraient lui valoir une incarcération et son remplacement par un administrateur nommé par l'État.

Ekrem Imamoglu a promis de "porter plainte" contre les instigateurs de cette procédure, dans une déclaration aux enquêteurs transmise à l'AFP par la municipalité d'Istanbul.

Des canons à eau utilisés par les policiers

S'adressant à la foule massée devant l'hôtel de ville, le président du parti CHP - dont est issu Ekrem Imamoglu - a assuré qu'ils étaient "plus d'un demi-million" et encore autant au loin qui ne pouvaient s'approcher. Özgür Özel a juré de "défendre Saraçhane (la mairie), de défendre le président Ekrem et de marcher sur (le tribunal) si nécessaire".

"Ce soir, l'Histoire s'écrira ici, à Istanbul. Ne vous y opposez pas", a-t-il lancé aux policiers déployés en nombre.

Ceux-ci ont néanmoins commencé à disperser la manifestation peu après minuit (22 heures, heure française), usant de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Des incidents avaient éclaté un peu plus tôt entre jeunes manifestants et policiers, déployés en nombre.

Des manifestants à Istanbul, en Turquie, ce samedi 22 mars 2025.
Des manifestants à Istanbul, en Turquie, ce samedi 22 mars 2025. © OZAN KOSE/AFP

A Ankara, la capitale, les manifestants ont été repoussés à jets de canon à eau et à Izamir, troisième ville du pays, la police a bloqué des étudiants qui tentaient de marcher sur les locaux du parti AKP au pouvoir. Le président Erdogan, prenant la parole devant des membres de son parti, a accusé samedi soir l'opposition de faire "depuis quatre jours tout son possible pour perturber la paix de la nation et diviser notre peuple".

Le gouvernorat d'Istanbul a prolongé jusqu'au 26 mars l'interdiction de rassemblement en vigueur depuis mercredi et imposé de nouvelles restrictions d'entrée en ville aux personnes "susceptibles" de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en oeuvre.

Plus de 300 arrestations de vendredi soir à samedi matin

Depuis mercredi, la contestation s'est répandue à travers la Turquie et des manifestations étaient annoncées dans de nombreuses villes, d'ouest en est. Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l'AFP.

La police a procédé à 343 arrestations vendredi soir et samedi matin dans neuf villes du pays dont Istanbul, Izmir, Ankara, Edirne et Çanakkale dans le nord-ouest et Adana et Antalya dans le sud, selon le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya. "Ceux qui cherchent le chaos et la provocation ne seront pas tolérés", a-t-il mis en garde sur X.

"Si les gens ne lâchent rien, ça débouchera peut-être sur quelque chose de positif", a déclaré à l'AFP Ara Yildirim, un étudiant en médecine d'Istanbul âgé de 20 ans, mobilisé comme beaucoup d'autres jeunes Turcs.

Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire de Recep Tayyi Erdogan, qui fut lui-même maire d'Istanbul dans les années 1990, quand il a ravi en 2019 la capitale économique de la Turquie au parti AKP du chef de l'Etat.

L'édile, triomphalement réélu l'an passé, devait être désigné dimanche candidat de son parti à la présidentielle, prévue pour 2028. Le CHP a décidé de maintenir l'organisation de cette primaire et appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part dès 8 heures dimanche (6 heures, heure française).

V.G. avec AFP