La reprise de Raqqa, une victoire majeure contre Daesh

Un combattant des Forces démocratiques syriennes savoure la reprise totale de Raqqa, le 17 octobre 2017. - Bulent Kilic - AFP
Une nouvelle victoire hautement symbolique. Après trois ans sous le joug de Daesh et plusieurs mois de combats dévastateurs, la ville de Raqqa, connue pour être le fief de l'organisation jihadiste en Syrie, est tombée totalement ce mardi aux mains de forces soutenues par les Etats-Unis. La libération de la ville a été annoncée par un porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), la coalition de combattants arabes et kurdes soutenue par les Etats-Unis. Une annonce majeure, qui symbolise l'effondrement du califat proclamé il y a trois ans par Daesh, dont le territoire se résume désormais à quelques poches. Explications.
> Que symbolise la libération de Raqqa?
Raqqa, ville millénaire à majorité sunnite située au nord de la Syrie, est devenue en mars 2013 la première capitale provinciale à tomber aux mains de groupes de combattants opposés au régime de Bachar al-Assad, deux ans après le début de la révolte. Les insurgés s'emparent alors du siège des renseignements militaires, l'un des pires centres de détention dans la province de Raqqa, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Début 2014, l'organisation jihadiste Etat islamique en Irak et au Levant, qui allait ensuite devenir l'Etat islamique, ou Daesh, chasse par les armes les groupes rebelles et prend totalement le contrôle de la cité, qui devient alors sa "capitale". Le 29 juin 2014, le groupe proclame un "califat" sur les territoires conquis à cheval sur la Syrie et l'Irak. Deux mois plus tard, Daesh contrôle toute la province de Raqqa.
Rapidement, le groupe extrémiste impose sa loi dans la ville en procédant à de nombreuses décapitations, exécutions massives, viols, et rapts. Le groupe lapide des femmes soupçonnées d'adultère et inflige des morts atroces à des homosexuels. Certaines atrocités commises à Raqqa sont mises en scène dans des vidéos, devenues une arme de propagande des jihadistes.
Avec la reprise de son bastion Raqqa, qui suit de quelques mois la reprise de Mossoul, le "califat" s'effondre. Trois ans après avoir capturé un territoire aussi grand que l'Italie, Daesh a perdu ses villes clés au fil des batailles: Kobané, Palmyre, Tikrit, Ramadi, Fallouja, Mossoul, et Raqqa. Le groupe jihadiste ne dispose désormais plus que de quelques pans de territoire, à la frontière irako-syrienne.

> Combien de temps a duré la bataille de Raqqa?
Plus de onze mois au total. La reconquête de la ville est amorcée le 5 novembre 2016, lorsque les Forces démocratiques syriennes (FDS) lancent l'offensive "Colère de l'Euphrate" pour chasser Daesh de Raqqa. Elles sont appuyées dans les airs par la coalition internationale et au sol par des conseillers militaires américains.
Le 10 mai 2017, les FDS s'emparent de Tabqa et de son barrage, un verrou à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Raqqa. Le 6 juin, elles entrent dans la ville, ce qui marque le début de la phase finale de la reconquête. Le 1er septembre, l'alliance, qui a déjà chassé les jihadistes de plus de 60% de la cité, s'empare de la vieille ville. Le 20 septembre, l'OSDH indique que les FDS contrôlent 90% de la ville. La bataille "touche à sa fin", estiment ces forces. Le lendemain, l'ONG annonce que Daesh ne tient plus que quelques poches. Ce mardi 17 octobre, les FDS ont finalement annoncé avoir libéré la ville, après la prise des dernières positions jihadistes.

> Qui a combattu pour reprendre la ville?
La reprise de la ville des mains de Daesh est le fruit de la mobilisation des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants arabes et kurdes soutenue par des forces spéciales américaines. Cette alliance est le principal partenaire en Syrie de la coalition internationale anti-jihadistes menée par les Etats-Unis.
Rivales du régime de Bachar al-Assad, les FDS ont été créées en 2015, alors que les Etats-Unis, qui avaient lancé leur campagne aérienne l'année précédente, avaient besoin de trouver un allié fiable sur le terrain.
Elles sont composées de quelque 30.000 hommes et femmes, dont 25.000 Kurdes et 5.000 Arabes, tous Syriens. Ces forces ont reçu une aide conséquente des Etats-Unis, en armement mais aussi en soutien aérien à leurs opérations. Leurs rangs sont nettement dominés par les Unités de défense du peuple kurde (YPG), mais les FDS comptent aussi des Arabes musulmans et chrétiens ainsi que quelques Turkmènes, tous issus des populations présentes dans des régions septentrionales qui échappent au contrôle du régime d'Assad.

> Que vont devenir les habitants de Raqqa?
En attendant la libération de leur ville, des milliers d'habitants ont survécu dans l'immense camp d'Aïn Issa, à 50 kilomètres au nord de Raqqa. Pour les aider au retour, un conseil civil de la ville a été créé au mois d'avril 2017, chargé par la coalition de la gestion de la ville une fois Daesh chassé.
"La région de Raqqa est très vaste. le coût de la campagne antiterroriste d'un côté et des actes de terreur perpétrés par Daesh de l'autre, est énorme. Toutes les infrastructures sont totalement détruites, plus un service public ne fonctionne, donc la reconstruction sera un immense défi pour le conseil", explique Ibrahim Hassan, superviseur de la reconstruction de la ville, tandis que l'ONG Save The Children a alerté ce mardi sur une situation humanitaire "plus grave que jamais" à Raqqa.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), la bataille de Raqqa a fait 3250 morts -1130 civils y compris 270 enfants et 2120 combattants des deux bords. Raqqa a été régulièrement la cible de frappes aériennes du régime syrien, de la Russie ainsi que de la coalition internationale, qui l'ont réduite à l'état de ruines.
