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Chute de Bachar al-Assad: et maintenant, quel scénario pour la Syrie?

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Après la chute du tyran Bachar al-Assad, se pose la question de l'avenir politique de la Syrie. Du côté de l'Occident, l'heure est à la prudence.

Après 24 ans d'un règne dictatorial et sanguinaire, Bachar al-Assad n'est plus à la tête de la Syrie. Le dictateur, qui avait pris la succession de son père en 2000, a été chassé du pouvoir ce dimanche, après une offensive éclair de 11 jours menée par des forces islamistes et rebelles.

Désormais réfugié à Moscou, Bachar al-Assad laisse vacante la place de dirigeant de la Syrie, un pays ravagé par plus de 10 ans de guerre civile qui a fait plus de 500.000 morts et plusieurs millions de déplacés, selon l'ONU. De son côté, le Parlement syrien a indiqué ce lundi 9 décembre "respecter la volonté du peuple" pour construire "une nouvelle Syrie."

Jolani, le nouvel homme fort de la Syrie

Parmi les forces qui ont renversé le dictateur syrien figure l'armée syrienne libre ou encore le groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTS), notamment soutenu par la Turquie. À la tête de cette organisation, se trouve Abou Mohammed Al-Jolani. L'homme de 42 ans a rompu ses liens avec Daesh puis avec al-Qaïda en 2016, et dirigeait jusqu'alors d'une main de fer la région d'Idleb, dans le nord ouest de la Syrie.

Il est désormais l'homme fort du pays. La preuve, il a échangé avec l'ex-Premier ministre Mohammad al-Jalali afin de "coordonner la transition du pouvoir (...) garantissant la fourniture des services" aux civils. "Nous sommes prêts à coopérer avec tout leadership choisi par le peuple syrien", a-t-il poursuivi. Ce lundi, le parti Baas, celui de Bachar al-Assad, a dit soutenir une phase de transition.

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Ce mardi, les rebelles qui ont pris le pouvoir à Damas ont nommé un chef de gouvernement transitoire, Mohammad al-Bachir. Il assurera ses fonctions jusqu'au 1er mars 2025, selon un communiqué officiel diffusé par la télévision. Mohammad al-Bachir dirigeait jusqu'à présent le "Gouvernement de salut" du bastion rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie.

"On est dans une phase où les choses se lissent", observe sur BFMTV Amélie Chelly, sociologue, spécialiste des islams politiques, au sujet de l'organisation Hayat Tahrir Al-Cham. "On est dans la perspective d'être ami avec toutes les minorités, c'est ce qui est dit", poursuit-elle.

Ces derniers ont insisté ces dernières années sur les distances prises avec al-Qaïda. Son groupe est néanmoins toujours classé comme "terroriste" par les chancelleries occidentales qui appellent à la prudence. "La question aujourd'hui est de savoir s'il est honnête. Pour l'heure, il y a des signaux plutôt rassurants et encourageants. Il n'y a pas eu de bains de sang ces derniers jours", cite Élise Daniaud, chercheuse associée et doctorante à l'université LUISS Guido Carli de Rome.

Son action sera particulièrement scrutée à l'ouest. Le président américain Joe Biden a partagé ce dimanche "un optimisme prudent", rappelant que "certains des groupes rebelles" avaient des "antécédents de terrorisme."

"Nous ne devons pas être aveuglés sur les risques de ce moment, la chute d'Assad n'apporte aucune garantie de paix", a déclaré David Lammy, ministre britannique des Affaires étrangères, ce lundi.

"Une démocratie sous le pouvoir d'islamistes, même pragmatiques, ça ne s'est jamais vu nulle part", prévient, lui, Frédéric Encel, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. "Les scènes de liesse concernaient non pas seulement les sunnites mais également les minorités dont on disait qu'elles étaient protégées par Assad puisque lui-même, à la tête des alaouites, était lui-même minoritaire. Je pense qu'on s'est trompé sur Assad, sa répression était extrêmement violente", poursuit-il.

Le départ d'Al-Assad, "ça vaut de l'or"

Cette prudence est partagée par les Syriens eux-mêmes. "Il y a eu plein de gens qui ont été emprisonnés et torturés car quelqu'un les a dénoncés ou car ils ont dit quelque chose. Maintenant, l'impression générale est qu'on peut dire quelque chose sans conséquence. Ça vaut de l'or, c'est un soulagement", se félicite Samir Aïta, économiste syrien et président du Cercle des économistes arabes, dans le podcast de BFMTV Le Titre à la une.

"Mais on a vécu ça en Égypte en 2011 à un certain moment. Mais là plus personne n'ose dire quoi que ce soit", nuance-t-il, soulignant les "signaux contradictoires" de HTS.

Les rebelles et les forces islamistes devront aussi composer avec les kurdes qui contrôlent le nord-est du pays, ce qui correspond à environ un tiers de la Syrie. Sur ce territoire, des milliers de jihadistes de l'État islamique sont détenus, dont plusieurs dizaines de Français, femmes et enfants inclus.

"Il y a beaucoup de défis qui se posent maintenant. En Syrie, pays fragmenté et multi-ethnique, il va falloir réussir à trouver une nouvelle identité tout en protégeant l'intégrité territoriale", pose Élise Daniaud, pointant les prétentions régionales d'Israël ou de l'Iran.

Matthieu Heyman