"Ciblage délibéré", "assassinat revendiqué"... Indignations après la mort de six journalistes dans une frappe israélienne à Gaza

Anas al-Sharif, correspondant pour Al-Jazeera dans la bande de Gaza, le 1er août 2024. - AFP / AFPTV / AFP
L'émotion après l'horreur. En marge des annonces faites par Benjamin Netanyahu concernant son plan de contrôle de la ville de Gaza par l'armée israélienne, six journalistes sont morts dans une attaque de drone visant la tente qui les abritait.
Ces disparitions s'inscrivent dans le lourd bilan de pertes humaines, où près de 200 reporters ont été tués depuis les 18 derniers mois, "dont au moins 42 ont été vraisemblablement ciblés en raison de leur métier", précise Reporters sans frontières (RSF). Selon ses comptes, l'ONU évoque "au moins 242 journalistes tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023".
Parmi les victimes, figurent les deux correspondants d'Al Jazeera Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh, leurs trois cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa, ainsi que le journaliste pigiste Mohammed Al-Khaldi, qui collaborait régulièrement avec des médias locaux. Le bilan fait aussi état de trois autres journalistes blessés lors de la frappe fatale pour leurs confrères.
À l'international, comme dans les rangs politiques français, cette attaque est vivement critiquée.
"Une violation du droit international",
L'armée israélienne a tenté de justifier l'assassinat de ces journalistes en accusant Anas al-Sharif, figure médiatique connue à Gaza pour sa couverture du conflit depuis octobre 2023, d'être le "chef d'une cellule terroriste au sein de l'organisation terroriste Hamas", ajoutant que la victime était "responsable de la préparation d'attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes" israéliennes.
L'Organisation des Nations unies a condamné "le meurtre par l'armée israélienne de six Palestiniens en ciblant leur tente, en grave violation du droit international humanitaire", sommant Israël de "respecter et protéger tous les civils, y compris les journalistes. [...] Nous appelons à un accès immédiat, sûr et sans entrave à Gaza pour tous les journalistes".
À travers un communiqué transmis à l'AFP, Reporters sans frontières dénonce ce lundi 11 août "avec force et colère l'assassinat revendiqué" par l'armée israélienne des journalistes d'Al Jazeera. "Anas al-Sharif, l'un des journalistes les plus célèbres de la bande de Gaza, était la voix de la souffrance imposée par Israël aux Palestiniens de Gaza", ajoute l'ONG.
Pour le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les journalistes "ne doivent jamais être ciblés en temps de guerre". Jodie Ginsberg, la directrice de cette ONG, rappelle que "les journalistes sont des civils" et les cibler en temps de guerre "est un crime de guerre".
Et d'ajouter qu'une demande d'interview a été adressée au bureau des médias de l'armée israélienne pour l'Amérique du Nord afin de demander des commentaires sur les meurtres et des détails supplémentaires sur les allégations de terrorisme, sans avoir obtenu immédiatement de réponse.
"L'armée de Netanyahu tue des journalistes"
L'ensemble des journalistes tués ce dimanche travaillaient ou ont travaillé pour la chaîne Al Jazeera, dont le siège est au Qatar. Dans un communiqué publié sur X ce lundi, la chaîne écrit en anglais "Anas et ses collègues étaient parmi les dernières voix restantes depuis Gaza informant le monde sans filtre, depuis le temps, de la réalité endurée par les gazaouis".
Le Premier ministre du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, a également condamné cette attaque, la qualifiant de "ciblage délibéré" et de "violation choquante de la liberté de la presse".
En France, certaines personnalités politiques de gauche ont également réagi. La députée LFI du Val-de-Marne Mathilde Panot évoque ce lundi des journalistes "tués par centaines par l’armée criminelle de Netanyahu [qui] bat chaque jour des records dans l’innommable". Une dénonciation reprise de concert par l'eurodéputée LFI Manon Aubry qui évoque "l'objectif de Netanyahou: commettre un génocide sans témoin".
Cette énième attaque relance le sujet de la place des journalistes au coeur de ce conflit lancé depuis près de deux ans. Les médias internationaux autorisés à pénétrer sur le territoire israélien sont rares, chaque reportage étant ensuite soumis à une censure militaire, comme le dénonce RSF depuis plusieurs mois.
Plus tôt dans la journée de ce dimanche 10 août, Benjamin Netanyahu a affirmé devant la presse internationale avoir donné l'ordre à l'armée d'autoriser un plus grand nombre de journalistes de la presse internationale à travailler, sous son contrôle, dans la bande de Gaza.