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Palestine

Ce que l'on sait de la frappe israélienne qui a tué cinq journalistes d'Al Jazeera à Gaza

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Le média Al Jazeera a annoncé la mort de cinq journalistes à Gaza. L'armée israélienne a affirmé avoir ciblé le correspondant Anas al-Sharif, qu'elle a qualifié de "terroriste" qui "se faisait passer pour un journaliste".

Cinq journalistes travaillant pour Al Jazeera, qui couvraient les événements de la bande de Gaza, ainsi qu'un journaliste-pigiste ont été tués ce dimanche 10 août par une frappe israélienne devant l'hôpital al-Shifa. Parmi eux, Anas al-Sharif, un reporter bien connu pour sa couverture du territoire enclavé, que l'armée israélienne a confirmé avoir ciblé.

• Israël affirme avoir ciblé un "terroriste"

La chaîne de télévision basée au Qatar a annoncé que cinq journalistes sont morts dans une frappe sur une tente utilisée par ses journalistes à Gaza-ville, devant l'hôpital al-Shifa.

Les victimes sont les deux correspondants Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh et les trois cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa. L'armée israélienne a reconnu avoir ciblé le premier reporter de cette liste, le qualifiant de "terroriste" qui "se faisait passer pour un journaliste".

Un journaliste pigiste, Mohammed Al-Khaldi, qui collaborait occasionnellement avec des médias locaux, a également été tué dans l'attaque israélienne, selon le directeur de l'hôpital.

Israël a affirmé sur Telegram qu'Anas al-Sharif était "le chef d'une cellule terroriste au sein de l'organisation terroriste Hamas et était responsable de la préparation d'attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes" israéliennes, justifiant ainsi sa frappe ce dimanche.

Selon Reporters sans Frontières, près de 200 journalistes palestiniens ont déjà perdu la vie dans les frappes qui touchent la bande de Gaza depuis le début du conflit il y a plus de 20 mois.

Les funérailles des cinq journalistes de la chaîne Al Jazeera ont eu lieu ce lundi 11 août dans le territoire paestinien. Des dizaines d'hommes, certains en pleurs et s'épaulant par moment, ont porté en terre les corps des victimes au cimetière Cheikh Redouane, dans la ville de Gaza, selon un vidéaste de l'AFP.

Sur le site de l'attaque, un mur blanc criblé d'éclats, des matelas souillés sur le sol ou encore des ventilateurs tordus par les flammes témoignaient de la frappe sur la tente de plastique, dont il ne restait plus rien ou presque à l'exception de sa structure métal.

• Anas al-Sharif, figure palestinienne d'Al Jazeera

À 28 ans, Anas al-Sharif était l'un des visages les plus connus de la chaîne Al Jazeera et couvrait le quotidien des Palestiniens au cœur du conflit entre le Hamas et Israël depuis l'attaque du 7-Octobre.

Il faisait partie des quelques journalistes locaux encore présents dans l'enclave malgré l'interdiction générale des reporters internationaux de pénétrer dans la bande de Gaza. Né dans le camp de Jabaliya, le plus grand camp de réfugiés de Palestine, il était marié et avait deux enfants.

Dans une ultime interview, il expliquait être conscient de représenter une cible pour l'armée israélienne. "Ces menaces sont perpétuelles, mais c'est mon devoir. Je montre la souffrance du peuple palestinien parmi lequel je vis, la souffrance que je vis moi aussi."

Dans cette idée, il a préparé en avril dernier un "dernier message" à publier sur son compte X en cas de mort, ce qui a été fait ce lundi 11 août. "J'ai vécu la douleur dans tous ses détails, goûté à la souffrance et à la perte de nombreuses fois pourtant je n'ai jamais hésité une seule fois à partager la vérité telle qu'elle est, sans distorsion ni falsification", écrit-il.

• Al Jazeera condamne et appelle au cessez-le-feu

Al Jazeera a condamné "l'assassinat de ses journalistes par les forces d'occupation israéliennes" et dénoncé "une énième attaque flagrante et préméditée sur la liberté de la presse".

"L'ordre d'assassiner Anas al-Sharif, l'un des journalistes les plus courageux de Gaza, et de ses collègues est une tentative désespérée de réduire au silence les voix qui dénoncent l'occupation de Gaza", écrit la chaîne qatarie dans un communiqué publié ce lundi.

Le média appelle la communauté internationale à "prendre des mesures pour arrêter le génocide en cours et mettre fin au ciblage délibéré des journalistes".

Les relations entre Israël et la chaîne Al Jazeera sont depuis près de deux ans très tendues. En mai 2024, le pays avait décidé d'interdire la diffusion d'Al Jazeera sur son territoire et d'y fermer ses bureaux, résultat d'un conflit de longue date entre le média et le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui s'est aggravé pendant la guerre en cours dans la bande de Gaza.

La chaîne a diffusé dès le 7 octobre 2023 des reportages en continu sur les conséquences des opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien. Des émissions qui sont parmi les plus suivies au Moyen-Orient.

L'armée israélienne a accusé à plusieurs reprises les journalistes de cette chaîne d'être des "agents terroristes" à Gaza affiliés au Hamas.

• L'ONU, RSF et le Qatar dénoncent la frappe israélienne

L'organisation de défense de la presse Reporters sans frontières a dénoncé "avec force et colère l'assassinat revendiqué" d'Anas al-Sharif dans un communiqué ce lundi. "Anas al-Sharif, l'un des journalistes les plus célèbres de la bande de Gaza, était la voix de la souffrance imposée par Israël aux Palestiniens de Gaza", a estimé l'ONG.

L'ONG rétorque également les accusations "sans preuves" de l'armée israélienne quant à l'action terroriste d'Anas al-Shari, estimant qu'elles reproduisent "un procédé connu et déjà éprouvé, notamment contre des journalistes d'Al-Jazeera". Elle prend l'exemple des reporters Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi, tués dans une frappe israélienne ciblée en juillet 2024.

Tout comme le média Al Jazeera, RSF a demandé une "action forte de la communauté internationale pour stopper l'armée israélienne".

L'ONU a aussi communiqué ce lundi sur X, condamnant "le meurtre par l'armée israélienne de six journalistes palestiniens" à Gaza.

Le Premier ministre du Qatar, pays où la chaîne Al Jazeera est basée, a également pris la parole ce lundi pour dénoncer le "ciblage délibéré" des journalistes par Israël. "Le ciblage délibéré des journalistes par Israël dans la bande de Gaza révèle à quel point ces crimes dépassent l'imagination", a déclaré sur X Mohammed ben Abdulrahmane Al-Thani.

Il a rendu hommage à la mémoire d'"Anas al-Sharif, Mohammed Qreiqeh, et leurs collègues" tués dans l'attaque sur une tente dans la ville de Gaza.

• La difficulté d'accès à Gaza pour les journalistes

Plus généralement, la presse internationale n'est pas autorisée à travailler librement dans le territoire palestinien depuis le début du conflit. Seuls quelques médias, triés sur le volet, y sont entrés embarqués avec l'armée israélienne, leurs reportages étant soumis à une stricte censure militaire.

Fin juillet, plusieurs agences de presse dont l'AFP ont alerté sur la famine et le manque de soins de leurs collaborateurs à Gaza, évoquant une "situation effroyable". "Sans intervention immédiate", ces reporters "vont mourir", avait dénoncé la société des journalistes de l'AFP.

Benjamin Netanyahu a affirmé ce dimanche 10 août avoir donné l'ordre à l'armée d'autoriser un plus grand nombre de journalistes de la presse internationale à travailler sous son contrôle dans la bande de Gaza.

En parallèle, le Premier ministre israélien a présenté son plan pour mettre fin à la guerre "de la meilleure des façons", qui consiste à désarmer le Hamas, libérer tous les otages, démilitariser Gaza, prendre la main sur un contrôle de sécurité prépondérant et enfin mettre en place une administration civile pacifique non israélienne.

Juliette Moreau Alvarez avec AFP