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Santé des otages, déclarations de Trump... La trêve entre le Hamas et Israël est-elle menacée?

Un convoi de la Croix-Rouge traverse des décombres de bâtiments alors qu'il arrive pour la remise de l'otage israélien Agam Berger à Jabalia, le 30 janvier 2025, dans le cadre de leur troisième échange d'otages et de prisonniers.

Un convoi de la Croix-Rouge traverse des décombres de bâtiments alors qu'il arrive pour la remise de l'otage israélien Agam Berger à Jabalia, le 30 janvier 2025, dans le cadre de leur troisième échange d'otages et de prisonniers. - BASHAR TALEB / AFP

La trêve en vigueur depuis le 19 janvier entre Israël et le Hamas est fragilisée tant par les propos de Donald Trump sur le futur de la bande de Gaza que par la dernière libération de trois otages israéliens en mauvaise santé.

Après trois semaines, la trêve entre Israël et le Hamas chancelle. La branche armée du Hamas a annoncé ce lundi 10 février reporter "jusqu'à nouvel ordre" la prochaine libération d'otages israéliens captifs à Gaza devant se faire en échange de celle de Palestiniens détenus par Israël.

Cette annonce a poussé le gouvernement de Benjamin Netanyahu à ordonner à son armée de se préparer à "tous les scénarios". Et à Donald Trump de promettre "un véritable enfer" à Gaza si les otages n'étaient pas "tous ramenés avant samedi midi". Pour le président américain, Israël devrait "annuler" l'accord de cessez-le-feu si cette date limite est dépassée. Pour le Hamas, les menaces du milliardaire républicain ne font que "compliquer les choses".

Avant ces dernières montées des tensions entre les deux parties, le ton était déjà vif depuis quelques jours. L'État hébreu a condamné samedi 8 février le "cruel spectacle" auquel s'est livré le mouvement islamiste palestinien en libérant trois otages israéliens, apparus amaigris et le visage émacié.

"Nous avons une fois de plus vu à quel point le Hamas est un monstre. Ce sont les mêmes monstres qui ont massacré nos civils et maltraité nos otages, et je leur dis une fois de plus, ils payeront pour leurs actes", a déclaré le Premier ministre israélien.

De son côté, le Hamas a mis en garde Israël. "Reprendre la guerre n'est absolument pas notre souhait, ni notre décision, mais si l'ennemi décide de le faire, notre peuple qui a enduré 15 mois de guerre et la résistance seront certainement prêts à réagir de manière appropriée", a avancé Bassem Naïm, membre du bureau politique du Hamas et ancien ministre de la Santé du gouvernement de Gaza.

Le mouvement islamiste a, de plus, lui aussi accusé Israël de mauvais traitements après la libération de 183 prisonniers palestiniens. Il a condamné ce qu'il a qualifié de "meurtre à petit feu" des détenus palestiniens après l'hospitalisation de sept d'entre eux tout juste libérés.

Avec pour jeter de l'huile sur le feu à une situation déjà fragile: Donald Trump qui a réitère son envie de prendre le contrôle de la bande de Gaza et de la vider de sa population afin de la transformer en "Côte d'Azur du Moyen-Orient".

"La trêve est extrêmement fragile"

"La trêve est extrêmement fragile. N'importe quelle déclaration, mise en scène, peut conduire à la fin de la trêve", estime notre consultant défense, le général Jérôme Pellistrandi. "Les déclarations des uns et des autres ne vont pas dans le sens de l'apaisement."

Les propos du président américain, particulièrement, compromettraient les chances de poursuite du cessez-le-feu. "Ce que nous avons entendu de la Maison Blanche cette semaine, à mon humble avis, a complètement détruit l'accord de cessez-le-feu", affirme au micro d'Al Jazeera Khalil Jahshan, directeur exécutif du Centre arabe de Washington DC.

Pour l'analyste politique palestino-américain, "cela a privé l’accord de cessez-le-feu de son objectif initial: une solution pour le lendemain pour Gaza et sa population".

La première phase de l'accord de trêve, entrée en vigueur le 19 janvier dernier, prévoit la libération de 33 otages israéliens ainsi qu'un retrait partiel de Tsahal de l'enclave d'ici le 1er mars. À ce stade, 16 otages ont été relâchés auxquels s'ajoutent cinq Thaïlandais (hors accord), en échange de 765 prisonniers palestiniens. Et l'armée israélienne a achevé dimanche son retrait de l'important couloir de Netzarim, qui coupe en deux la bande de Gaza permettant ainsi la libre circulation entre le nord et le sud du territoire.

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La deuxième phase, dont les négociations commencent à peine, est censée prévoir le retrait total des forces israéliennes de l'enclave, un cessez-le-feu permanent et la libération de tous les prisonniers encore détenus par le Hamas. Quand une troisième phase viserait à établir un plan de reconstruction de Gaza.

"Je m'inquiète énormément de la charge émotionnelle alors que nous sommes sur le point d'entrer dans les négociations de la deuxième phase de la trêve", souligne auprès du média allemand DW News, Ahmed Alkhatib, chercheur au sein du think tank américain spécialisé dans les relations internationales Atlantic Council. "Je ne suis pas optimiste" quant à leur déroulement.

"En aucun cas, Israël ne va s'arrêter là"

Au contraire pour le spécialiste du Moyen-Orient, Frédéric Encel, contacté par BFMTV.com, cette première phase de la trêve va tenir car les deux parties, Israël comme le Hamas y voient un intérêt. Si le mouvement islamiste palestinien est "écrasé militairement", il veut maximiser ses chances "d'obtenir un poste dans le futur gouvernement palestinien unifié" en montrant qu'il est capable de tenir sa parole en libérant les otages.

Avec les images de la libération, "le Hamas continuer de jouer la politique du pire", assure le professeur à Sciences Po Paris. "Mais en dépit de ces images, la trêve ne s'arrêtera pas".

Le Hamas profite aussi du cessez-le-feu pour montrer qu'il n'est pas totalement défait. Pour le chercheur Ahmed Alkhatib, en choisissant la ville de Deir al-Balah pour effectuer la cinquième libération d'otages - une "des rares villes qui n'a pas subi une invasion militaire israélienne à grande échelle" dans le centre de la bande de Gaza - le Hamas veut "faire croire qu'il est toujours fort". Le mouvement veut apparaître comme une puissance militaire intacte.

"Le Hamas profite aussi de cette trêve pour rassembler ses forces", note le général Jérôme Pellistrandi. Car les spécialistes sont unanimes: une fois que tous les otages seront libérés, les combats reprendront.

Si pour le moment "Netanyahu ne peut en aucun cas aller à l'encontre de la volonté de Trump" d'obtenir la libération de tous les otages, il n'y aura ensuite "pas de négociation imaginable".

"Il n'y aura pas forcément d'offensive au sol, mais je suis absolument certain que les Israéliens frapperont systématiquement pour anéantir le Hamas", assure Frédéric Encel. "Surtout, après le comportement du Hamas ces derniers jours".

"En aucun cas, Israël ne va s'arrêter là", abonde le général Jérôme Pellistrandi. "On n'est pas dans le cadre d'un processus de paix, mais bien de trêve. Il n'y a aucune perspective de réconciliation, de pacification tellement la haine est totale des deux côtés."

Juliette Brossault