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Psychiatre, subventions, examens... Comment Israël prend en charge les otages après leur libération

Des manifestants tiennent des portraits d'otages israéliens lors d'une manifestation de familles d'otages retenus dans la bande de Gaza par le Hamas depuis le 7 octobre 2023, devant la résidence du Premier ministre israélien à Jérusalem, le 24 octobre 2024.

Des manifestants tiennent des portraits d'otages israéliens lors d'une manifestation de familles d'otages retenus dans la bande de Gaza par le Hamas depuis le 7 octobre 2023, devant la résidence du Premier ministre israélien à Jérusalem, le 24 octobre 2024. - Ahmad GHARABLI / AFP

Les personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre 2023 reçoivent, à leur retour en Israël, une aide médicale, psychologique et financière, face aux lourdes séquelles de cette captivité.

Le chemin de la reconstruction s'annonce long. Israël attend le retour, dans les prochaines semaines, de 33 otages détenus depuis le 7 octobre 2023 par le Hamas à Gaza, dans le cadre d'un accord de cessez-le-feu annoncé ce mercredi 15 janvier.

Lors d'une première phase le six semaines à partir de dimanche, "le Hamas libérera 33 captifs israéliens parmi lesquels des femmes (...), des enfants, des personnes âgées, des malades civils et des blessés, en échange de prisonniers détenus dans les prisons israéliennes", a affirmé lors d'une conférence de presse à Doha le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.

Sur les plus de 250 personnes prises en otage le 7 octobre, 94 captifs sont encore détenus à Gaza, parmi lesquels 34 ont été déclarés morts par l'armée israélienne. Une centaine est revenue vivante, à l'occasion d'un accord avec le Hamas ou grâce à des opérations militaires israéliennes à Gaza. Israël a mis en place un protocole pour le retour des ex-otages depuis novembre 2023.

Hospitalisation et aide psychologique

Lorsqu'ils reviennent de Gaza, les ex-otages sont hospitalisés pendant "au moins quatre jours" en Israël, selon le ministère de la Santé. Ils y sont accompagnés pour différents examens, des tests de dépistages de maladies infectieuses, reçoivent des soins en fonction de leurs besoins et ont diverses consultations. Ils voient par exemple des diététiciens, afin de se réacclimater après des mois de malnutrition. Ils y sont aussi accompagnés par des psychiatres.

Pour préserver leur intimité, les hôpitaux doivent dresser une "liste fixe" des personnes autorisées à pénétrer dans leurs bâtiments, qui comprend les professionnels de santé et le personnel de sécurité. Chaque otage rapatrié se voit attribuer une infirmière de liaison, qui coordonne les différents soins dont il bénéficie et la transition avec des soins de proximité lors de sa sortie d'hôpital.

Ils ont également des travailleurs sociaux dédiés qui leur apportent "un soutien personnel, notamment en le mettant en contact avec des entités connexes telles que le ministère des Affaires sociales et l'institut national d'assurance".

Ce dernier, responsable du système israélien de sécurité sociale, verse aux otages des subventions de 60.000 shekels (environ 16.000 euros) à leur retour en Israël, auxquelles s'ajoutent d'autres prestations, variables selon les profils.

De lourdes séquelles

Les spécialistes avertissent que les otages qui seront libérés dans les prochaines semaines, après plus de 450 jours de captivité, ne seront pas dans le même état que ceux libérés lors du premier cessez-le-feu en novembre 2023.

"Nous avons vu que les otages étaient alors dans un état difficile, même s’ils n’avaient que peu de problèmes médicaux", a déclaré au Times of Israel Noa Ziv, médecin au centre pédiatrique israélien Schneider, dans la ville de Petah Tikva.

"C’était après environ 50 jours de captivité. On ne peut que spéculer sur l’état de santé et l’état mental complexes des otages après 466 jours de captivité", a ajouté la médecin, qui a mené une étude sur le retour de certains ex-otages.

Les otages rapatriés en Israël ces 15 derniers mois subissent de lourdes séquelles de leur captivité. Un rapport remis en décembre par le gouvernement israélien à la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la torture explique que "les femmes, les hommes et les enfants qui sont revenus de captivité ont déclaré avoir subi de graves violences physiques et sexuelles, telles que des passages à tabac, de l'isolement, de la privation de nourriture et d'eau, du marquage au fer rouge, de l'arrachage des cheveux et des agressions sexuelles". Ils "se sont vu refuser un traitement médical pour les blessures graves causées le 7 octobre" et pour leurs maladies chroniques.

"Environ la moitié des otages rapatriés ont déclaré avoir été délibérément affamés pendant leur captivité", ajoute ce rapport.

"J'ai perdu 11 kilos en captivité. J'ai aussi subi des abus. J'ai été brûlée, j'ai perdu une partie de mon audition du côté gauche, je me suis déboîté la mâchoire. J'ai été victime de harcèlement sexuel lors de l'enlèvement (...) je continue d'en subir les conséquences. Pour l'instant, je ne peux pas commencer la rééducation", a ainsi raconté en janvier à l'AFP Ilana Gritzewsky, 31 ans, otage libérée de Gaza il y a plus de 400 jours.

Cauchemars, dépression, paranoïa...

Sur le plan psychologique, le gouvernement israélien décrit une captivité faite pour "briser" les otages, qui ont été confrontés à des violences sexuelles, à la mort d'autres prisonniers devant eux, au manque de sommeil, à une détention solitaire...

En conséquence, de nombreux rescapés présentent depuis leur retour des troubles de l'humeur et ont des difficultés à s'adapter à la réalité, ce qui se manifeste pour certains par des épisodes de dissociation. "Certains otages de retour au pays avaient des angoisses paranoïaques, craignant des représailles contre leurs proches encore en captivité s'ils parlaient de ce qu'ils avaient vécu", ajoute le gouvernement israélien.

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Les otages ont fait état de graves cauchemars, de troubles du sommeil et d'un état de peur constant. Certains n'osaient pas quitter leur chambre d'hôpital et ont reproduit des comportements relatifs à leur captivité, comme le fait de ne pas manger. D'autres "ont accumulé de la nourriture, craignant de ne pas en avoir assez pour le lendemain, tout en sachant que c'était irrationnel".

L'identité des otages qui seront libérés à partir de dimanche n'est pas connue. La deuxième phase, après six semaines, de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas doit permettre la libération des derniers otages et un retrait complet israélien de Gaza, a déclaré mercredi le président américain, Joe Biden. La troisième et dernière phase doit être consacrée à la reconstruction de Gaza et à la restitution des corps des otages tués durant leur captivité.

Sophie Cazaux