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Conflit Iran-Israël: le rôle très ambigu des États-Unis et de "l'enfant roi" Donald Trump

Le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi, donne une conférence de presse à Koweït City le 22 octobre 2024.

Le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi, donne une conférence de presse à Koweït City le 22 octobre 2024. - Yasser Al-Zayyat / AFP

Donald Trump a affirmé que les États-Unis, alliés d'Israël, n'étaient "pas impliqués" dans le conflit entre Téhéran et l'État hébreu, mais a estimé "possible" que Washington s'implique. De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères a affirmé avoir des "preuves solides" d'un soutien américain à Israël.

Alors que l'escalade militaire se poursuit pour le quatrième jour ce lundi 16 juin entre l'Iran et Israël, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a affirmé dimanche 15 juin que son pays disposait de "preuves solides" d'un soutien des forces américaines à l'attaque sans précédent lancée vendredi par Israël contre le territoire iranien.

Des représentants iraniens ont déjà accusé à plusieurs reprises ces derniers jours les États-Unis d'être impliqués dans les attaques israéliennes. Le représentant iranien à l'ONU Amir Saeid Iravani a notamment affirmé samedi dernier que la complicité de Washington dans les frappes israéliennes ne faisait "aucun doute", rapporte Reuters.

"Ceux qui soutiennent ce régime (israélien NDLR), les États-Unis en tête, doivent comprendre qu'ils sont complices", a clamé Amir Saeid Iravani lors du Conseil de sécurité. "En soutenant et en permettant ces crimes, ils partagent l'entière responsabilité de leurs conséquences", a-t-il dit.

Washington dément toute implication

De leur côté, les États-Unis démentent toute implication dans le conflit. Déjà vendredi, peu après le début des frappes, les États-Unis avaient qualifié l'attaque israélienne en Iran "d'unilatérale".

Alors que le président était confiant jeudi sur la conclusion d'un accord avec l'Iran sur le nucléaire, il avait lancé:

"Je ne veux pas qu'ils interviennent (car) cela ferait tout capoter", suggérant ainsi qu'il n'était pas au courant d'une attaque à venir.

Le président américain a ensuite réaffirmé dimanche que Washington "n'avait rien à voir" avec les attaques israéliennes contre l'Iran. Donald Trump a toutefois ouvert la porte à une évolution, assurant dans la nuit qu'il était "possible" que son pays s'implique à l'avenir dans ces échanges meurtriers.

Les États-Unis au soutien de la défense israélienne

Évoquant samedi dernier les pourparlers prévus le lendemain avec les États-Unis sur le nucléaire iranien, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien Esmaeil Baqaei avait déclaré "qu'il n'y aurait pas de sens à participer à un dialogue avec une partie qui est le plus grand soutien et complice de l'agresseur". Les pourparlers ne se sont finalement pas tenus dimanche, l'Iran accusant Israël de les avoir sapés.

De fait, Israël est allié avec les États-Unis, un soutien que n'hésite pas à revendiquer l'État hébreu. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ainsi menacé de "frapper tous les sites et les cibles du régime (iranien)" en affirmant avoir le "soutien manifeste" de Washington.

Si Washington assure ne pas être impliqué dans le conflit Iran-Israël, les États-Unis contribuent à la défense israélienne. Un responsable américain a reconnu vendredi dernier auprès de l'AFP que son pays "aidait" Israël à abattre certains missiles iraniens visant le territoire israélien. Et déjà, en octobre 2024, alors que l'Iran avait mené une attaque contre Israël, les États-Unis avaient aidé leur allié de façon similaire.

En outre, les Américains sont présents au Moyen-Orient, où ils possèdent des bases militaires et où ils ont déployé au moins 40.000 soldats.

Un président américain "imprévisible"

Mais pourraient-ils s'impliquer davantage dans le conflit? Alors que l'ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, a déclaré ce lundi qu'un bâtiment de sa représentation diplomatique à Tel-Aviv avait été légèrement endommagé suite aux frappes iraniennes sur le pays pendant la nuit, la question se pose plus que jamais.

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Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po Paris, note, ce lundi sur RMC-BFMTV, que "les États-Unis se tiennent pour l'instant officiellement en retrait", mais que maintenant qu'une branche de l'ambassade américaine en Israël a été touchée, "les Américains pourraient riposter de manière extrêmement rédhibitoire".

"Le problème, c'est qu'à la tête des États-Unis, on a un enfant roi (Donald Trump NDLR), il est tellement imprévisible", nuance cependant dans la foulée le géopolitologue.

Si les États-Unis sont de grands alliés d'Israël, le soutien américain ne se fera pas à n'importe quel prix, selon Frédéric Encel. "Trump veut bien continuer à soutenir Israël à condition qu'une victoire israélienne, qui sera manifeste, ne soit pas trop importante parce qu'elle pousserait la République islamique d'Iran peut-être dans ses derniers retranchements et notamment à tenter de tout casser dans la région", estime-t-il.

Une possible implication si leurs bases sont visées?

Pour Michel Fayad, analyste politique et géopolitique, "les États-Unis pourraient intervenir dans deux cas". Premier cas de figure, "si leurs bases militaires sont attaquées", ce qui est par exemple possible, selon lui, avec celle située en Irak, si jamais l'Iran "se sent impuissant par rapport aux Israéliens du point de vue militaire".

"En 2020, il a fallu que le consulat américain se fasse attaquer à Bassora (ville irakienne NDLR) pour qu'ils (les Américains) tuent (Qassem) Soleimani qui était la figure la plus importante à part le guide en Iran", appuie-t-il sur notre plateau.

Deuxième cas de figure, les États-Unis pourraient intervenir "si l'Arabie saoudite est attaquée", selon Michel Fayad, Riyad étant un partenaire stratégique de Washington.

"Depuis quelques années, au moment où il y a un dégel entre l'Arabie saoudite et l'Iran, il y a eu un accord tacite comme quoi les Houthis n'allaient plus attaquer les champs pétroliers d'Arabie saoudite, mais depuis le début de cette campagne, Israël est en train d'utiliser le ciel saoudien et ça, c'est une première", voire une "trahison totale de la part de l'Arabie saoudite", développe l'analyste. De quoi potentiellement entraîner une intervention américaine, mais cette fois à la demande de l'Arabie saoudite, selon Michel Fayad.

Pour Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du monde arabe et méditerranéen, dans le cas où les États-Unis s'impliqueraient dans le conflit, cela poserait la question de l'intervention d'autres puissances occidentales "pour un résultat qui est quand même incertain".

"Personne n'est préparé à ce changement de régime à Téhéran. Où sont les groupes d'opposition, ou sont les forces organisées qui peuvent remplacer les mollahs?", s'interroge-t-il également auprès de BFMTV.

Juliette Desmonceaux