Avec l'attentat de Beyrouth, Daesh exporte sa terreur et change de stratégie

Moins de trois heures après l’attentat de Beyrouth, jeudi, Daesh publiait un communiqué sur Internet, dans lequel il revendiquait la double attaque suicide. En commettant un attentat kamikaze dans la banlieue sud de la capitale libanaise, l'un des fiefs du Hezbollah, le groupe jihadiste frappe ainsi en dehors de sa zone d'action habituelle, en Syrie et en Irak. Un mode opératoire qui, pour les spécialistes, démontre que Daesh est en train de changer de stratégie. Explications.
Une attaque anti-Hezbollah
Le choix, par les jihadistes, du souk populaire de Bourj el-Barajneh comme cible de leur attaque, n'a rien d'un hasard, puisqu'il s'agit d'un des quartiers de Beyrouth contrôlés par le Hezbollah. La milice chiite est un ennemi juré de Daesh depuis son implication en Syrie, aux côtés du régime de Bachar al-Assad (plusieurs milliers de combattants du Hezbollah se trouvent sur le sol syrien), et sa collaboration avec les forces de sécurité libanaises pour démanteler des réseaux jihadistes au Liban. Le Hezbollah avait déjà été visé par Daesh lors d'une première attaque, en janvier 2014, mais le bilan s'était limité à quatre morts.
Cette fois-ci, le groupe terroriste a frappé fort: avec 43 morts et 239 blessés selon un bilan encore provisoire de la Croix-Rouge, l'attaque perpétrée jeudi est l'une des plus sanglantes qu'ait connu le pays du Cèdre depuis la fin de la guerre civile, en 1990
Influence croissante de Daesh au Liban
Ces derniers mois, l'influence de Daesh est montée en puissance au Liban. "Chez les réfugiés syriens (qui sont plus d'un million au Liban, NDLR), le nombre de jeunes sympathisants de l’Etat islamique s’accroît. Paradoxalement, ils sont contre l’Etat islamique en Syrie, mais le soutiennent davantage au Liban", explique à Libération le spécialiste des mouvements jihadistes Romain Caillet.
A cette influence croissante à l'intérieur du pays s'ajoute un dangereux rapprochement à l'extérieur, puisque Daesh est désormais présent en deux points à la frontière libanaise, au niveau des massifs du Qalamoun, et au sud-ouest de la ville syrienne de Homs.
Extension de la terreur dans la région
Mais cette attaque à Beyrouth démontre surtout que Daesh est en train de redéfinir sa stratégie d'action au Moyen-Orient.
"Jusqu'ici, Daesh se contentait d'actions sur le terrain (en Irak et en Syrie, NDLR), puis d'actions de propagande et de prosélytisme en Europe. Opérer au Liban correspond à un raisonnement stratégique tout à fait clair", explique sur BFMTV le directeur délégué de la rédaction de L'Express et spécialiste des questions internationales, Christian Makarian.
Egypte, Turquie, les tragiques événements de ces dernières semaines montrent en effet que le groupe jihadiste procède à une extension de la terreur telle qu'elle est menée sur les terres du "califat" autoproclamé. Bien que son implication ne soit pas encore confirmée par l'enquête, Daesh a en effet revendiqué l’attaque perpétrée il y a deux semaines contre un avion civil russe dans le Sinaï égyptien. En Turquie, les autorités judiciaires ont confirmé que l'attaque sanglante qui a touché la capitale, Ankara, le 10 octobre, a été commanditée par Daesh.
Des attentats qui prouvent que le groupe jihadiste a désormais la possibilité et les moyens d'exporter la déstabilisation, mise en place en Syrie et en Irak.