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Volodymyr Zelensky et Donald Trump à New York le 27 septembre 2024. (Photo d'archive)

UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP

Entre invectives, coups de pressions et déceptions: six mois d'une relation tumultueuse entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky

Six mois se sont écoulés depuis la violente scène dans le Bureau ovale, quand Donald Trump a stupéfait les alliés de Kiev en s'emportant contre Volodymyr Zelensky. Le président américain, qui n'a jamais caché son admiration pour Vladimir Poutine, a eu des mots très durs sur son homologue ukrainien. Depuis, le milliardaire, "déçu" par le maître du Kremlin et la lenteur des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine, a légèrement adouci son discours.

Un tapis rouge, des applaudissements et un tour dans "The Beast", la limousine présidentielle américaine. Vendredi, sur la base militaire américaine Elmendorf-Richardson, située à Anchorage, en Alaska, le président russe Vladimir Poutine a été accueilli avec les honneurs par le locataire de la Maison Blanche, Donald Trump. En l'espace d'un instant, Vladimir Poutine a été réhabilité sur la scène internationale, passant de paria à interlocuteur privilégié de la première puissance du monde.

Ce sommet en Alaska, qui avait pour but de trouver une issue à la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022 par l'invasion russe, s'est déroulé en l'absence du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Aucun représentant ukrainien, ni même européen, n'a été convié. Si Donald Trump a largement fait part de son admiration pour Vladimir Poutine, il n'a également jamais caché sa désaffection pour Volodymyr Zelensky.

• 2019: aux origines de la haine

En 2019, cela fait deux ans que Donald Trump a créé la surprise pour devenir le 45e président des États-Unis. La présidentielle de novembre 2020 se profile, et Joe Biden fait figure de favori dans la course à l'investiture démocrate. Le 25 juillet 2019, le président américain appelle son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour lui demander d'ouvrir une enquête sur Hunter Biden, fils de Joe Biden, afin de déstabiliser son rival. Le président ukrainien refuse et l'affaire, une fois révélée, a mené au procès en destitution intenté à Donald Trump, finalement acquitté par le Sénat américain.

La transcription téléphonique déclassifiée, publiée par la Maison Blanche, d'une conversation entre le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky du 25 juillet 2019.
La transcription téléphonique déclassifiée, publiée par la Maison Blanche, d'une conversation entre le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky du 25 juillet 2019. © Photo par ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Une déconvenue et une humiliation que Donald Trump n'aurait jamais digérée, d'après certains de ses anciens proches, dont John Bolton, ancien conseiller du milliardaire à la sécurité nationale, tombé depuis en disgrâce.

"Presque toutes les difficultés" découlent de cette conversation téléphonique de 2019 et de ses retombées. "C'est quelque chose que Trump n'a jamais oublié (...) et il est clair qu'il n'y a pas d'alchimie", a-t-il avancé.

• Janvier 2025: le rapprochement russo-américain

À peine arrivé à la Maison Blanche pour son second mandat, Donald Trump renouvelle son objectif, martelé durant toute sa campagne: régler rapidement la guerre en Ukraine. "Je ne sais pas si Poutine le souhaite, peut-être pas. (Mais) il devrait le faire", déclare-t-il dès son premier jour en tant que 47e président des États-Unis. Il somme également son homologue russe de trouver un accord de paix avec Kiev, sous peine de sanctions.

"J'ai toujours eu une très bonne relation avec le président Poutine", dit aussi le milliardaire, qui a toujours loué ses liens privilégiés avec le maître du Kremlin. La flatterie est réciproque: "Il n'est pas seulement quelqu'un d'intelligent, c'est une personne pragmatique", déclare le dirigeant russe le 24 janvier.

• Février 2025: l'exclusion de l'Ukraine des négociations

Le 12 février, le président américain provoque la stupeur en annonçant avoir convenu, lors d'un appel téléphonique avec Vladimir Poutine - dont l'Ukraine et les Européens n'ont été informés qu'a posteriori - le lancement de négociations directes "immédiates". Donald Trump juge par ailleurs irréaliste une adhésion de l'Ukraine à l'Otan et un retour aux frontières d'avant l'annexion de la Crimée par Moscou en 2014. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky exhorte alors ses alliés européens à éviter qu'un accord ne soit forgé "dans le dos" de Kiev et de l'Europe.

L'appel entre les présidents russe et américain, après le mandat de Joe Biden qui a refusé tout contact avec le maître du Kremlin pendant trois ans, allant jusqu'à le qualifier de "dictateur sanguinaire", va achever de tendre les relations entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky.

Dès le 18 du même mois, les premiers pourparlers américano-russes depuis l'invasion russe de l'Ukraine s'ouvrent à Riyad.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov (à droite), et le conseiller en politique étrangère du président russe Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov (2e à droite), assistent à une réunion entre la Russie et les États-Unis, à Riyad, en Arabie saoudite, le 18 février 2025.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov (à droite), et le conseiller en politique étrangère du président russe Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov (2e à droite), assistent à une réunion entre la Russie et les États-Unis, à Riyad, en Arabie saoudite, le 18 février 2025. © Photo par RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / HANDO / ANADOLU / Anadolu via AFP

• Février 2025: le vilipendage de Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche

Quelques jours après l'ouverture de ces pourparlers bilatéraux, le 28 février, le président ukrainien est reçu à la Maison Blanche. L'ambiance est tendue: Volodymyr Zelensky vient de repousser un premier projet d'accord portant sur un accès américains aux minerais stratégiques ukrainiens en compensation de l'aide militaire et économique fournie. En réaction, Donald Trump n'avait pas hésité à fustiger l'Ukrainien, le qualifiant de "dictateur sans élection".

Accueilli dans le Bureau ovale, entre Donald Trump et son vice-président JD Vance, Volodymyr Zelensky va alors vivre une scène inédite et d'une violence inouïe, qui stupéfait le monde entier. Alors que le président américain appelle l'Ukraine à accepter "des compromis", Volodymyr Zelensky refuse, qualifiant Vladimir Poutine de "tueur". Donald Trump déplore la "haine" de son homologue pour le maître du Kremlin, puis le ton monte soudainement quand JD Vance accuse le président ukrainien de "manquer de respect" à Washington.

Volodymyr Zelensky et Donald Trump dans le Bureau ovale en février 2025.
Volodymyr Zelensky et Donald Trump dans le Bureau ovale en février 2025. © AFP/Saul Loeb

"Vous vous êtes mis dans une très mauvaise position. Vous n'avez pas les cartes en main (...). Vous jouez avec la troisième guerre mondiale et ce que vous faites est très irrespectueux envers notre pays", lui assène alors le président américain.

Devant les journalistes médusés, Donald Trump, de plus en plus énervé, va jusqu'à poser la main sur l'épaule de Volodymyr Zelensky pour le pousser.

"Concluez un accord ou nous vous laissons tomber", conclut le président américain.

La visite de Volydymyr Zelensky est écourtée, le président ukrainien repart précipitamment de la Maison Blanche, tandis que Donald Trump se réjouit de ce "grand moment de télévision".

• Mars 2025: la suspension de l'aide américaine

Après cette scène irréaliste, et tandis que Volodymyr Zelensky multiplie les gestes d'apaisement envers Washington, les États-Unis annoncent le 3 mars une "pause" dans l'aide militaire à l'Ukraine, ainsi que dans le partage de renseignements. Ce qui ravit le Kremlin, qui voit en cette décision la "meilleure contribution" possible pour obtenir la paix en Ukraine.

Donald Trump, de son côté, ne penche pas pour l'apaisement et déclare même qu'il trouve "plus facile" de traiter avec la Russie qu'avec l'Ukraine pour tenter de mettre fin à la guerre.

"J'ai toujours eu une bonne relation avec Poutine. Je pense qu'il veut mettre fin à la guerre", martèle-t-il, ajoutant: "Je pense qu'il va être plus généreux qu'il ne doit l'être, et c'est plutôt bien. Cela signifie beaucoup de bonnes choses."

• Mars 2025: les exigences russes

Les restrictions américaines sur l'aide militaire et le partage de renseignements sont levées quand Kiev, en difficulté sur le front, accepte le 11 mars une proposition américaine de cessation sans conditions des combats, pour 30 jours.

Vladimir Poutine accepte pour sa part une trêve de 30 jours, mais uniquement dans les frappes sur les infrastructures énergétiques, moratoire fragile que les deux parties s'accuseront mutuellement de violer.

Après de nouvelles discussions en Arabie saoudite, la Maison Blanche annonce fin mars un accord de principe sur un cessez-le-feu en mer Noire, mais celui-ci est aussi compromis par les conditions posées par Moscou.

Le mois suivant, la Russie mène des frappes massives en Ukraine. Donald Trump accuse Volodymyr Zelensky de compromettre les pourparlers en refusant de reconnaître la souveraineté russe sur la Crimée, mais commence doucement à douter de la volonté de Vladimir Poutine de mettre fin à la guerre. Fin mars, il s'est même dit "très énervé, furieux" envers son homologue russe, après que ce dernier a évoqué l'idée d'une "administration transitoire" en Ukraine, sans son président actuel Volodymyr Zelensky.

• Avril 2025: le changement de ton de Donald Trump

Et puis Donald Trump perd patience. Après avoir promis pendant des mois de mettre fin à la guerre en "24 heures", les négociations s'enlisent et aucun progrès n'est fait. Le 12 avril, il exhorte la Russie à "se bouger" pour trouver une issue au conflit, une guerre "terrible et insensée".

Le 26 avril, Donald Trump et Volodymyr Zelensky se rencontrent au Vatican, en marge des funérailles du pape François. La Maison Blanche loue une discussion "très productive", deux mois après le coup de tonnerre dans le Bureau ovale.

Donald Trump et Volodymyr Zelensky dans la basilique Saint-Pierre le samedi 26 avril 2025.
Donald Trump et Volodymyr Zelensky dans la basilique Saint-Pierre le samedi 26 avril 2025. © Handout / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP

Après des semaines de tractations, Donald Trump se réjouit de la signature le 30 avril d'un accord entre les États-Unis et l'Ukraine prévoyant de donner aux entreprises américaines un accès aux ressources naturelles de l'Ukraine et de créer un fonds d'investissement pour la reconstruction du pays.

• Mai 2025: l'ultimatum de Donald Trump à la Russie

Dans les semaines qui suivent, et alors que les discussions sont au point mort, le président américain est excédé par le manque de volonté russe, mais se dit autant "déçu" par l'Ukraine que par la Russie.

Le 8 mai, il appelle à un "cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours" en Ukraine pour mettre la pression sur le Kremlin. La Russie comme l'Ukraine "devront rendre des comptes" et "si le cessez-le-feu n'est pas respecté, les États-Unis et leurs partenaires imposeront d'autres sanctions", menace-t-il.

Le 25 mai à l'aube, l'Ukraine subit une attaque aérienne record de la Russie depuis le début de l'invasion. Donald Trump hausse encore le ton et estime que Vladimir Poutine est "devenu complètement fou". "J'ai toujours dit qu'il voulait TOUTE l'Ukraine, pas seulement une partie, et peut-être que cela se révèle juste mais s'il le fait, cela mènera à la chute de la Russie!", fulmine-t-il.

• Juillet 2025: les sanctions contre Moscou

Malgré un appel de Poutine "pour (lui) souhaiter très gentiment un joyeux anniversaire", Donald Trump se dit début juillet "très mécontent" de ses échanges avec le président russe. "Il veut aller jusqu'au bout, juste continuer de tuer des gens, ce n'est pas bien".

Affirmant s'inquiéter de la baisse de leurs stocks de munitions, les États-Unis annoncent début juillet une pause dans la livraison de certaines armes à Kiev. Mais, le 14 juillet, Donald Trump s'engage ensuite à envoyer davantage d'armes à l'Ukraine, par le biais de l'Otan - une annonce dont Volodymyr Zelensky se dit "reconnaissant".

Et le même jour, le président américain lance un ultimatum de 50 jours à la Russie pour mettre fin à la guerre sous peine de sanctions douanières "très sévères". L'ultimatum est ensuite resserré à dix jours, et censé expirer le 8 août.

• Août 2025: le sommet "historique" en Alaska

Donald Trump rencontre son homologue russe le 15 août en Alaska pour discuter d'un règlement du conflit. Ce sommet "historique" - le premier entre les deux hommes depuis 2018 - voit Donald Trump accueillir Vladimir Poutine en grande pompe. Le programme, qui devait débuter par un tête-à-tête entre les deux dirigeants, est changé à la dernière minute: les deux hommes se sont finalement entretenus avec leurs conseillers, avant une brève conférence de presse commune.

Donald Trump et Vladimir Poutine se serrent la main alors qu'ils posent sur un podium sur le tarmac après leur arrivée à la base conjointe Elmendorf-Richardson à Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025.
Donald Trump et Vladimir Poutine se serrent la main alors qu'ils posent sur un podium sur le tarmac après leur arrivée à la base conjointe Elmendorf-Richardson à Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025. © Photo par ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Pour quels résultats? Le sommet, qui a offert à Vladimir Poutine un retour spectaculaire sur la scène internationale, n'a débouché ni sur l'annonce d'une réunion tripartite avec Volodymyr Zelensky, ni sur une pause dans les hostilités et encore moins sur de nouvelles sanctions visant la Russie.

Donald Trump a abandonné toute exigence d'un cessez-le-feu préalable en Ukraine, et prône désormais un "accord de paix" pour mettre fin au conflit. Un revirement majeur, d'autant que, depuis la fin du sommet, de nombreuses sources diplomatiques affirment que le président américain soutient même une proposition de la Russie prévoyant un contrôle total de deux régions ukrainiennes et le gel du front dans deux autres régions sur lesquelles Moscou n'a qu'en partie la main.

Donald Trump a par ailleurs évoqué au profit de Kiev une garantie de sécurité similaire à celle de l'article 5 de l'Otan, en dehors toutefois du cadre de l'Alliance atlantique.

Absents en Alaska, les dirigeants du Vieux continent ont affirmé être prêts à faciliter un sommet entre Donald Trump, Vladimir Poutine et Voldymyr Zelensky. Et six mois après avoir été invectivé dans le Bureau ovale, le président ukrainien va être à nouveau reçu, ce lundi 18 août dans ce même Bureau.

Fanny Rocher