Pourquoi la ville de Kherson est une prise hautement stratégique pour la Russie

En s'emparant de cette ville du sud-est, proche de la péninsule de Crimée, les troupes russes sécurisent un passage, tout en prenant en étau les forces ukrainiennes de l'autre côté du fleuve Dniepr.

Avec une population de près de 300.000 habitants, Kherson est actuellement la plus grande ville sous contrôle russe en Ukraine. Située sur le fleuve du Dniepr, au sud-est de Kiev, Kherson a subi d'intenses bombardements depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, le 24 février.

L'armée russe avait annoncé dans la matinée de mercredi s'être emparée cette ville portuaire, ce qu'ont confirmé les autorités ukrainiennes dans la nuit de mercredi à jeudi. Le maire de la ville, Igor Kolykhaïev, a déclaré avoir discuté avec des "invités armés" dans un bâtiment de l'administration de Kherson, sous-entendant, sans les nommer, des troupes russes.

"Nous n'avions pas d'armes et n'étions pas agressifs. Nous avons montré que nous travaillons à sécuriser la ville et essayons de parer aux conséquences de l'invasion", a-t-il dit dans un message sur Facebook.

Proximité avec la mer d'Azov

La ville, à proximité de la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par la Russie, est située à un emplacement hautement stratégique pour Moscou. C'est en effet une étape supplémentaire pour contrôler les environs de la mer d'Azov.

L'avancée des troupes russes en Ukraine © BFMTV

Ainsi, à l'est de Kherson, la ville de Marioupol, principal port ukrainien de la mer d'Azov, continue de subir d'intenses bombardements. Si Moscou venait à en prendre le contrôle, l'armée russe pourrait assurer une continuité territoriale entre ses forces en provenance de Crimée et celles arrivées des territoires séparatistes plus au nord-est.

Zone-tampon entre Kiev et le Donbass

Comme le rappelle notre éditorialiste spécialisé en politique internationale Patrick Sauce, après avoir annexé la Crimée en 2014, la Russie a rapidement construit un pont sur la péninsule de Kertch, reliant le territoire russe à la Crimée. De l'autre côté de la Crimée, l'isthme de Perekop relie la péninsule au continent. En s'emparant de Kherson, située près de Perekop, la Russie peut contrôler la côte et éviter de passer par l'isthme.

La stratégie de Vladimir Poutine serait donc de prendre les Ukrainiens en tenaille, entre les eaux du Dniepr et ses troupes, en contrôlant une grande partie de sud et de l'est, pour créer une zone-tampon entre Kiev et le Donbass.

La bataille de Kiev, un leurre?

"Plus on avance dans ce conflit, plus je suis convaincu que le véritable objectif stratégique de Poutine, c'est le sud et l'est (de l'Ukraine), le fait de se tailler un continuum géographique qui va complètement privatiser la mer d'Azov, tout le Donbass, la bande côtière", analysait Pierre Servent, spécialiste des questions de défense, sur France Inter ce mercredi.

Pour ce dernier, "Kiev est un leurre". "Depuis le début je ne comprends pas la manœuvre militaire de Poutine par rapport à Kiev (...) c'est très mou", a-t-il ajouté.

Fanny Rocher