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Un "vrai film d’horreur": la nuit où La Nouvelle-Orléans est passée de la fête au cauchemar

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Alors que de nombreux fêtards célébraient le passage en 2025 depuis le quartier français de La Nouvelle-Orléans aux États-Unis, un Texan de 42 ans, "inspiré par Daesh", a foncé dans la foule à bord d'un pick-up. Retour sur cette nuit de l'horreur où au moins 14 personnes sont mortes.

Une nuit de fête devenue une nuit d'horreur. La ville américaine de La Nouvelle-Orléans fête traditionnellement la Saint-Sylvestre ce mardi 31 janvier. Notamment le "French Quarter", le quartier français situé entre Canal et Bourbon Street connu pour ses nuits endiablées. Les fêtards virevoltent entre bars, clubs de jazz, restaurants et cabarets pour fêter la nouvelle année.

"Il n'y avait que des jeunes. Beaucoup de jeunes de 19, 20, 21 ans", assure auprès de la BBC, Derrick Albert, un DJ local qui exerce son métier chaque soir dans ce quartier. La foule est d'autant plus importante que des milliers de personnes sont venues dans cette ville de Louisiane pour assister le lendemain à un match de football américain dans le cadre du Sugar Bowl.

"Un film d’horreur"

La nuit bien avancée, le cauchemar commence. Vers 3h16, une caméra de surveillance filme une camionnette blanche roulant sur Canal Street. Au niveau de l'intersection avec Bourbon Street, le véhicule tourne brusquement à 90 degrés sur le trottoir.

Ni la voiture de police stationnée au coin de la rue ni les barrières qui se dressent sur son chemin ne dissuadent le conducteur, identifié par la suite comme étant Shamsud-Din Jabbar, un Texan de 42 ans. Ces barrières conçues pour protéger les piétons de Bourbon Street étaient en train d'être remplacées et présentaient donc une brèche. "C'était juste fragile", a déclaré Kimberly Stricklin, une touriste venue d'Alabama, auprès du New York Times.

Un groupe de personnes qui se trouve au coin de la rue est violemment fauché par le pick-up Ford blanc qui arbore un drapeau de Daesh, hissé à l'arrière. Le suspect, un ancien vétéran de l'armée de Terre déployé en Afghanistan de 2009 à 2010, s'engouffre à toute allure dans Bourdon Street. "Le gars dans la camionnette a appuyé sur l'accélérateur, a renversé la barricade", a témoigné Kimberly Stricklin, auprès de la chaîne WDSU, filiale de CNN.

Le véhicule utilisé par l'auteur de l'attaque à La Nouvelle-Orléans, ce mercredi 1er janvier 2025.
Le véhicule utilisé par l'auteur de l'attaque à La Nouvelle-Orléans, ce mercredi 1er janvier 2025. © Médias américains

"Il m’a fallu un moment pour m’en rendre compte, c’était tellement effrayant – c’était comme dans un film d’horreur", a-t-elle continué auprès du New York Times.

"Il y avait du monde partout. Il n'y avait que des corps et des cris. Le bruit du métal qui s'écrasait et des corps (...) On ne peut pas oublier ça."

Un jeune homme de 22 ans s'est dit horrifié auprès de CNN de voir le camion "percuter tout le monde sur le côté gauche du trottoir Bourbon". "Un corps a volé vers moi", s'est-il souvenu.

Alors que le véhicule, loué le 30 décembre à Houston, continue sa funeste course, la panique s'empare de la foule. Certains passants se précipitent dans les établissements qui bordent la rue pour se mettre à l'abri.

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Plus loin, des fêtards continuent de vaquer à leurs occupations, inconscients du drame qui se déroule à quelques mètres d'eux. Jusqu'à ce qu'un groupe de policiers se mette à courir, alerté par un appel d'urgence, selon des images de vidéosurveillance relayées par CNN. Ils se faufilent et bousculent les fêtards interloqués.

Le suspect tué après un échange de tirs avec les forces de l'ordre

La Ford F-150 finit par s'encastrer sur un monte-charge, devant un hôtel, à environ deux pâtés de maisons du début de sa trajectoire. Le suspect, qui a rejoint Daesh l'été dernier selon le FBI, sort de sa voiture et tire sur les policiers. Ces derniers ripostent. Sur une vidéo relayée par CNN, on voit un agent des forces de l'ordre brandir son pistolet en direction du conducteur du véhicule avant d'effectuer un brusque mouvement de recul.

Des enquêteurs de la police entourent la camionnette Ford F-150 blanche qui s'est écrasée contre un monte-charge après avoir foncé dans une foule de fêtards du Nouvel An dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le 1er janvier 2025.
Des enquêteurs de la police entourent la camionnette Ford F-150 blanche qui s'est écrasée contre un monte-charge après avoir foncé dans une foule de fêtards du Nouvel An dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le 1er janvier 2025. © Matthew HINTON / AFP

Alors que des coups de feu retentissent, les passants s'enfuient. "Nous avons entendu des coups de feu et vu des gens courir devant la fenêtre", a déclaré Steve Hyde, un touriste britannique qui se trouvait dans un bar appelé Erin Rose, sur Conti Street, juste à côté de Bourbon. "Puis les sirènes ont commencé…"

Sur une vidéo, de nouveau relayée par CNN, on voit des fêtards sortir d'un bar pour comprendre ce qui provoque une telle agitation, avant que les balles ne sifflent et qu'ils ne retournent se réfugier à l'intérieur de l'établissement.

Shamsud-Din Jabbar, vêtu d'un équipement militaire, est finalement tué par les forces de l'ordre. Deux policiers sont touchés. "Leur état est stable", a déclaré la cheffe de la police locale Anne Kirkpatrick, après l'attaque.

Des corps gisant dans la rue

Les forces de l'ordre envahissent ensuite la zone. Vers 3h40, une légion de véhicules bloque les routes autour du lieu du drame. Les fêtards sont confinés.

Le FBI au quartier français de La Nouvelle-Orléans, ce mercredi 1er janvier.
Le FBI au quartier français de La Nouvelle-Orléans, ce mercredi 1er janvier. © Matthew HINTON

"Nous avons été confinés pendant un certain temps, puis la situation s'est calmée, mais (la police) ne nous a pas laissé partir", a raconté Whit Davis, 22 ans, qui se trouvait dans un club au moment de l'attaque.

Avant d'ajouter: "Quand ils nous ont finalement laissé sortir du club, la police nous a dit de quitter la zone rapidement".

"J'ai vu quelques cadavres qu'ils n'ont même pas pu recouvrir et des tonnes de personnes recevant les premiers soins", a-t-il affirmé auprès de CNN.

Une autre témoin, Nicole Mowre, a raconté à la chaîne CBS être restée cachée "jusqu'à ce que les coups de feu cessent". "Puis nous sommes sortis dans la rue. Nous avons rencontré beaucoup de personnes qui avaient été touchées, nous voulions voir ce que nous pouvions faire pour les aider", a-t-elle souligné.

La rue ressemble alors à un "vrai film d’horreur", selon Jimmy Cothran, qui témoigne auprès de CNN. Les caniveaux sont jonchés de gobelets vides. Une jeune fille, qu'il avait vue danser dans la rue, gît au milieu de l'artère. Dans une vidéo filmée depuis un balcon, on peut voir une femme en pleurs, comme en état de choc, au-dessus d'un corps sans vie. Selon le dernier bilan des autorités, 14 personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées. La plupart des victimes identifiées à ce stade sont âgées de moins de 30 ans.

L'auteur de l'attaque voulait "écraser le plus de personnes qu'il pouvait", a déclaré plus tard à la presse, la cheffe du département de police de La Nouvelle-Orléans, Anne Kirkpatrick. "Il était farouchement déterminé à provoquer un carnage".

Sur le lieu de l'attaque et à proximité, des engins explosifs ont également été retrouvés. Des engins explosifs placés par Shamsud-Din Jabbar lui-même, à l'intérieur d'une glacière, environ deux heures avant son assaut. Sur des images de vidéosurveillance, on voit de nombreuses personnes s'arrêter pour regarder la glacière, puis continuer leur chemin, d'après le FBI. Des explosifs artisanaux, fabriqués dans un logement Airbnb loué "à cet effet", ont également été retrouvés dans le pick-up.

"Inspiré à 100 % par Daesh"

Si les informations à propos de l'attaque ont mis du temps à circuler en raison du contexte festif, le FBI a fini par s'emparer de l'enquête. Une enquête a été ouverte pour "acte de terrorisme". Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux par le suspect quelques heures avant son passage à l'acte ont émergé. Dans l'une d'elles, il indique être "inspiré par Daesh". Il explique "qu'il avait initialement prévu de faire du mal à sa famille et à ses amis, mais qu'il craignait que les gros titres ne se concentrent pas sur la 'guerre entre les croyants et les mécréants'", selon Christopher Raia, un haut responsable du FBI.

Le FBI a pensé dans un premier temps que Shamsud-Din Jabbar n'était pas le seul responsable de cette attaque, avant de revenir sur sa théorie ce jeudi. "Nous n'estimons pas à ce stade que quelqu'un d'autre soit impliqué dans cette attaque, à l'exception de Shamsud-Din Jabbar", a indiqué Christopher Raia, même si "toutes les pistes continuent d'être explorées".

Une autre question a été soulevée: y a-t-il un lien entre cette attaque au véhicule-bélier et l'explosion le même jour d'un Cybertruck de la marque Tesla à Las Vegas? "A ce stade" aucun lien "irréfutable" n'a été émis, selon le FBI qui poursuit son enquête

La maison du suspect "inspiré à 100 % par Daesh" a été fouillée à la recherche de preuves. La scène de crime de Bourbon Street a quant à elle été nettoyée. La rue a été rouverte au public avant le match du Sugar Bowl qui s'est tenu ce jeudi après avoir été reporté en raison de l'attaque. De la musique résonne à nouveau entre ces murs.

Juliette Brossault