Syrie: Obama joue son va-tout

Barack Obama n'a plus que quelques heures pour convaincre le Congrès mais aussi l'opinion publique sur la question d'une intervention militaire en Syrie. - -
Début de semaine crucial pour Barack Obama. Alors que les yeux sont rivés sur le Congrès américain, qui se prononcera dans les prochains jours sur une intervention militaire en Syrie, le président américain se démène pour tenter de convaincre, en un minimum de temps, les nombreux parlementaires encore réticents. Coups de téléphone, réunions, rencontres avec des sénateurs et des représentants, interviews télévisées à la chaîne: Barack Obama abat toutes ses cartes pour s'assurer un vote positif et ne pas perdre toute crédibilité dans le dossier syrien.
Un Congrès qui reste à convaincre
Une semaine après le Sénat, la Chambre des représentants fait sa rentrée ce lundi, à 20 heures, heure française. Les 435 représentants vont entamer leurs débats sur d'éventuelles frappes en Syrie mais la tendance est d'ores et déjà à l'indécision, dans cette chambre dominée par les républicains.
Ainsi, seuls 24 représentants seraient favorables à une action en Syrie, 123 s'y opposeraient et 288 resteraient, à l'heure actuelle, indécis. Au Sénat, Barack Obama l'emporterait de justesse. Sur l'ensemble du Congrès, Chambre des représentants et Sénat réunis, seuls 44 parlementaires se prononcent pour l'intervention et 340 sont indécis ou ne se prononcent pas, selon un sondage réalisé par USA Today.
Le président devra donc compter sur des ralliements de dernière minute pour espérer emporter le feu vert parlementaire. Et pour convaincre les derniers réticents, les plus hauts responsables de l'administration Obama sont mobilisés. Ainsi, le secrétaire d'Etat John Kerry et le secrétaire à la Défense Chuck Hagel s'adresseront aux représentants à 23 heures, heure française, ce lundi. De son côté, le président lui-même rencontrera les sénateurs démocrates, mardi.
Quant au jour précis du vote, il reste, pour l'heure, inconnu. Au Sénat, où les débats commenceront mardi, un premier vote important sur la résolution autorisant l'usage de la force pourrait intervenir dès mercredi, soit le 11 septembre, date hautement symbolique. Techniquement, le vote pourrait donc être repoussé à jeudi 12 ou vendredi 13, mais l'indécision et l'opposition de nombreux parlementaires pourraient prolonger les discussions et décaler le vote d'une ou deux semaines.
Une crédibilité présidentielle en jeu
Pour Dominique Moïsi, géopoliticien, conseiller spécial de l'Institut français des relations internationales, interrogé par BFMTV, il s'agit du pari le plus difficile de la carrière de Barack Obama. "Ce sera le tournant de sa présidence. Il a pris un risque considérable en s'abritant derrière le Congrès. Celui-ci peut lui dire 'non' et peut en quelque sorte l'humilier, et ainsi affaiblir sa crédibilité à l'intérieur des Etats-Unis mais aussi à travers le monde", explique le spécialiste. Autrement dit, en prenant les rênes de cette communication de crise, Obama joue aussi sa crédibilité de commandant en chef des opérations.
"On est encore dans l'héritage de l'Irak", rappelle Dominique Moïsi. "Les Américains ont le sentiment qu'on leur a menti et que la guerre en Irak n'a rien apporté. Il faut donc parvenir à convaincre l'opinion que ce qui peut se passer en Syrie demain n'a rien à voir avec le scénario irakien".
Déjà mise à mal par les ralentissements de ces derniers jours, la crédibilité internationale du président américain est également en jeu. Et selon Dominique Moïsi, en ne donnant pas son feu vert à une intervention en Syrie, le Congrès américain peut, indirectement, donner une victoire au président russe Vladimir Poutine, dont la volonté politique sur le dossier syrien est plus que jamais opposée à celle de Barack Obama.
Marathon médiatique
Parallèlement à son travail de persuasion des parlementaires, Barack Obama se lance dans une vaste offensive médiatique pour mobiliser l'opinion publique et tenter d'inverser la tendance. En effet, 6 Américains sur 10 pensent que le Congrès ne devrait pas autoriser une intervention en Syrie, selon une enquête CNN/ORC International publiée ce lundi.
Lundi après-midi, le président va donc enregistrer une série d'interviews en tête à tête avec les présentateurs vedettes des plus grandes chaînes hertziennes du pays, ABC, NBC, CBS, FOX, PBS et CNN, qui seront diffusées dans les journaux du soir et à 23 heures heure de Paris sur CNN. Ces six interviews précéderont de quelques heures le discours à la nation que prononcera Barack Obama mardi soir, à 21 heures locales (3 heures du matin dans la nuit de mardi à mercredi, en France), en prime-time à la télévision américaine, depuis le Bureau ovale.
"Obama va être plus présent à la télévision que George W. Bush ne l'a été avant les guerres d'Afghanistan et d'Irak, au début des années 2000", rappelle ainsi le correspondant de BFMTV à New York, Jean-Bernard Cadier. Cependant, ces multiples apparitions télévisées ne permettront peut-être pas au président américain de contrer les effets de l'interview donnée par Bachar al-Assad à CBS, largement relayée dans les médias américains et dans laquelle le président syrien met en garde les Etats-Unis de "s'attendre à tout" en cas de frappes contre son pays.
Pour convaincre du bien-fondé de la démarche présidentielle et transformer l'avis de l'opinion publique, l'accent est également mis sur l'émotion, avec la diffusion en boucle, depuis ce week-end, de nouvelles images des heures qui ont suivi l'attaque chimique du 21 août dernier, près de Damas, fournies par l'administration Obama.