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États-Unis

Les républicains condamnés à choisir entre le centre et les extrêmes

L'emblème du Parti républicain

L'emblème du Parti républicain - -

Défait en 2008 puis en 2012 par Barack Obama, le Great old party doit se renouveler pour viser la Maison Blanche dans quatre ans. Autopsie d'un parti en crise.

La tentation extrémiste et la dérive droitière auront finalement conduit Mitt Romney et le parti républicain dans le mur. Cette stratégie, empruntée à contre-cœur par Romney - plutôt au centre - et incarnée par son colistier Paul Ryan, s’est finalement soldée par un échec, mercredi, lorsque Barack Obama a été désigné vainqueur de la présidentielle américaine.

"Romney paie son positionnement dans la campagne. […] Le parti républicain doit retenir cette leçon : il faut qu'il se détourne des extrêmes s'il veut se refaire une santé", analyse Nicole Bacharan, historienne, politologue, spécialiste des Etats-Unis, pour le Nouvel Observateur.

Le poids des extrêmes

Car tout au long de la campagne, le gouverneur Romney a subi la montée en puissance du Tea Party et ses idéaux réactionnaires. Ainsi le choix de Paul Ryan en tant que colistier répondait à cet appel extrêmiste et s'est traduit par un durcissement du ton de la campagne républicaine : opposition féroce à l’avortement, à l’interventionnisme – pourtant déjà limité – de l’État et au vote des minorités. Et une image de faucon à la clé.

Opportunisme électoral ou tendance de fond d'un parti en crise ? Le politologue Oleg Kobtzeff, de l’American University of Paris, croit y déceler la montée en force d'une nouvelle extrême droite. "On dira des Sarah Palin, des Ron Paul, des religieux ou des populistes en dehors du Parti qu'ils ne sont que des marginaux. N'oublions pas que c'est ce que l'on disait ici de Le Pen quand il ne faisait que 1%. Or, nous sommes en période de crise et de changement de civilisation. Les droites extrêmes reprennent du poil de la bête partout. […] Pourquoi pas en Amérique ?", interroge-t-il dans une tribune sur le Huffington Post.

Rupture avec plusieurs électorats-clé

Mais il y a plus grave pour le parti républicain : Mitt Romney semble être en rupture avec plusieurs électorats-clé, même si le vote populaire n’a pas été loin de virer en sa faveur.

"Ce qui est frappant, c'est que le parti républicain a perdu la bataille démographique. Il est minoritaire chez les jeunes, les femmes, les diplômés, les hispaniques", explique encore Nicole Bacharan. Résultat: une défaite emblématique et sans ambages. Et une image à corriger très vite pour le parti.

Revoir les idées, trouver le candidat

Ainsi, pour "se refaire une santé", voire une beauté, le parti républicain va devoir trancher. Foncer tête baissée dans les bras accueillants de Michèle Bachmann, accepter la prépondérance de l'église pronée par Rick Santorum ou tancer la justice comme Newt Gingrich. Si ces trois prétendants à la primaire républicaine n'ont finalement pas été investis, au profit de Mitt Romney, leurs idées ont tout de même infusé.

Ou alors, opérer une mutation idéologique et stratégique. Le Great old party (GOP) va devoir résoudre l’équation du candidat adéquat et trouver enfin son leader charismatique. Mitt Romney ne présentait pas un "profil" cohérent avec les orientations de la campagne. Pis, il n’avait pas convaincu jusque dans son propre camp, où les attaques virulentes n’ont pas manqué de fuser.

Ainsi, comme le veut la tradition américaine, cette défaite sonne le glas de sa vie politique.

Son échec, cumulé à celui de John McCain en 2008, en est la preuve : si le parti est dispersé, le candidat doit porter un projet d’avenir sur sa personne et incarner la fonction. Presque de façon mystique, et non pas par sa richesse, sa religion ou ses prises de positions déroutantes.

L'enjeu est de taille puisque les républicains, toujours majoritaires à la Chambre des députés, sont de fait en position de peser sur l’orientation politique du pays. Et pourraient de nouveau mener la vie dure à Barack Obama.

"Barack Obama est un républicain modéré"

A la croisée des chemins, il reste deux options. Soit le parti républicain a irrémédiablement abandonné, à la recherche d'un nouveau positionnement, ses valeurs originelles et alors la stratégie choisie en 2012 doit pousser feu Abraham Lincoln à se retourner dans sa tombe, comme s’amusent à l'imaginer les journalistes canadiens de La Presse, Alexandre Sirois et Richard Hétu.

Soit il est grand temps de revenir aux principes fondateurs et dans ce cas, le journaliste de Slate, William Saletan, a raison : "Rassurez-vous, Barack Obama est un républicain modéré".

La seconde prouverait qu’un bon recentrage paye plus qu’un grand écart. A méditer pour Paul Ryan, l'ambitieux numéro 2 de Mitt Romney. Les observateurs sont nombreux à en faire d'ores et déjà le favori pour l'élection de 2016.

Samuel Auffray