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Algérie

Boualem Sansal: en grève de la faim, l'écrivain franco-algérien entame son 100e jour de détention en Algérie

L’écrivain algérien Boualem Sansal à Paris, le 4 septembre 2015.

L’écrivain algérien Boualem Sansal à Paris, le 4 septembre 2015. - Joël SAGET / AFP

Connu pour ses critiques envers le régime d'Alger, l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est incarcéré en Algérie depuis 100 jours. Il a commencé une grève de la faim il y a une semaine, selon son avocat.

Cela fait 100 jours ce lundi 24 février que l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est incarcéré en Algérie. Il est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal de ce pays qui sanctionne "comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions".

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris ses déclarations au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

"Enfermé dans une geôle algérienne pour avoir été trop libre"

"Aujourd’hui, cela fait 100 jours que Boualem Sansal est enfermé dans une geôle algérienne pour avoir été trop libre: libre de devenir Français, libre de penser contre l’islamisme, libre d’être écrivain", a écrit le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, sur X.

Avant d'ajouter: "Ceux qui l’ont enfermé arbitrairement, qui le privent de soins ou de visites, font le déshonneur de l’Algérie".

L'écrivain, qui se revendique comme athée, prend régulièrement position contre l'islamisme, mettant en garde la France et plus largement l'Europe sur le sujet. En 2017, il expliquait à l'Agence France-Presse "dénoncer l'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques et sociales".

Une grève de la faim

Son avocat français, Me François Zimeray, s'est dit "inquiet pour sa santé" ce dimanche après avoir annoncé que Boualem Sansal avait entamé lundi 17 février une grève de la faim. Il aurait pris cette décision "en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat".

Me François Zimeray a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, selon des informations de presse. Et a aussi fait part de son inquiétude quant à la tenue "d'un procès équitable".

"Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime, qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix", a martelé l'avocat.

L'éditeur de Boualem Sansal, Antoine Gallimard, avait quant à lui affirmé le 18 février dernier que "les dernières nouvelles n'étaient pas excellentes".

"Trois mois c'est long pour lui", a-t-il déclaré. "Surtout quand on ne sait pas si ces trois mois vont se transformer en six mois, en un an..."

Boualem Sansal, âgé de 75 ans selon ses dires et de 80 ans selon ceux de son éditeur, avait été hospitalisé fin janvier avant de retourner en prison.

Tensions diplomatiques

Son incarcération depuis mi-novembre attise les tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie. Le 2 février dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait déploré dans une longue interview accordée à L'Opinion un "climat délétère" entre les deux pays.

Il jugeait alors que l'affaire Boualem Sansal "n'est pas un problème algérien. C'est un problème pour ceux qui l'ont créé (...) d'autres cas de binationaux n'ont pas soulevé autant de solidarité".

"C'est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l'Algérie", selon lui. "Il est pris en charge par des médecins et sera jugé dans le temps judiciaire imparti. Il peut téléphoner régulièrement à sa femme et à sa fille", avait-il assuré.

De nombreux intellectuels et écrivains, comme le président de l'Ima, Jack Lang, le Franco-Algérien Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, ou encore le journaliste Éric Fottorino ont apporté leur soutien à Boualem Sansal estimant les poursuites sans aucun fondement. Parmi les écrivains étrangers, l'Italien Roberto Saviano, spécialiste de la mafia qui vit sous protection policière, le Britannique Ian McEwan ou l'Islandais Jon Kalman Stefansson, ont également fait entendre leur voix.

Le Figaro a publié une tribune du comité de soutien à Boualem Sansal, appelant le président Emmanuel Macron à utiliser "des leviers" pour le "faire libérer". Ils ont évoqué "une remise en cause du régime favorable des visas consenti à l'Algérie par l'accord du 27 décembre 1968".

Juliette Brossault avec AFP