"Je vais dans le bac jaune": un nouveau message sur les pots de yaourt pour inciter au recyclage

Les industriels se mobilisent et veulent mettre fin une bonne fois pour toutes à un dilemme quotidien pour de nombreux Français. Une fois consommés, les pots de yaourt, même souillés, doivent tous être jetés dans la poubelle jaune: ce simple message va apparaître au dos d'une partie des opercules recouvrant les milliards de yaourts vendus en France chaque année.
Les industriels des produits laitiers frais réunis au sein du groupement Syndifrais ont décidé de prendre en main l'avenir des déchets qu'ils produisent. Leur espoir: créer un jour une "boucle fermée" vertueuse où les petits pots en polystyrène redeviendraient des pots de yaourt.
Dans le bac jaune avec l'opercule détaché
Pour la première fois, la quasi-totalité des marques de desserts ultrafrais se sont unies - à l'exception de Danone - pour lancer ensemble une campagne de communication, baptisée #TriTonPot, destinée à favoriser la collecte et le recyclage des pots après consommation.
Pas de campagne de télévision, pas de message radio, mais une campagne "au plus près du consommateur", explique Muriel Casé, déléguée générale de Syndifrais: lorsqu'il ouvrira son yaourt, il trouvera "un petit message très simple qui lui indiquera de mettre son pot dans le bac jaune avec l'opercule détaché".
Juste sous le pictogramme d'un yaourt rigolard, une douzaine de messages sont prévus tels que "Pensez à me trier".
Sur BFMTV, Gaultier Massip, responsable éco-conception chez Citeo, rappelle qu'il n'y a pas besoin de rincer ou de laver le pot avant de le jeter dans le bac jaune.
La France sanctionnée pour non atteinte de ses objectifs
Le slogan "Je vais dans le bac jaune avec mon opercule détaché" vise à inciter le consommateur à dissocier au maximum les matières plastique et aluminium dans sa poubelle, afin de faciliter les opérations ultérieures de tri et de recyclage.
L'urgence est de convaincre les gens de jeter leurs emballages dans le bac jaune. Car malgré les consignes de tri élargies en vigueur depuis janvier 2023, la France paie à l'Union européenne chaque année 1,5 milliard d'euros pour non atteinte de ses objectifs de recyclage de plastique.
"Il y a un vrai enjeu économique", souligne Roland Marion, directeur de l'économie circulaire à l'Agence de la transition écologique (Ademe), qui soutient l'opération.
Le tri est "un point bloquant" aujourd'hui, dit Patrick Falconnier, président de Syndifrais et directeur général de la coopérative Eurial. "Parce que si le consommateur ne met pas son pot de yaourt dans le bac jaune, nous, on ne peut pas le récupérer pour le retraiter, le recycler, le réincorporer dans notre produit. On a vraiment besoin que le consommateur fasse sa part du boulot."
1,5 milliard de packs vendus chaque année
Au total, 500 millions de pots seront concernés par la campagne pendant six mois, soit une fraction des 1,5 milliard de packs de yaourts, fromages blancs et autres desserts lactés vendus en France chaque année, des lots de 4 à 16 unités en général.
Chaque marque a choisi deux ou trois références pour porter la campagne, dont des desserts plébiscités par les enfants, dans l'espoir qu'ils entraînent leurs parents dans le "geste de tri".
Car 25% au moins des yaourts finissent dans les poubelles d'ordures ménagères générales. Des pots qui finissent leur vie, soit enfouis soit incinérés, regrette Sophie Génier, directrice du recyclage chez Citeo, l'éco-organisme qui gère la collecte, le tri et le recyclage des emballages ménagers en France.
Une partie des pots est broyée et fondue
Pourquoi est-ce si difficile de recycler un pot de yaourt en un nouveau pot de yaourt?Une petite partie des pots de yaourt en polystyrène sont recyclés mécaniquement, broyés et fondus, les empêchant de revenir à leur fonction alimentaire, tandis que la technologie de recyclage chimique, censée permettre de les retransformer en pots de yaourt, est, elle, encore peu rentable.
Lors d'un recyclage mécanique, le polystyrène perd ses propriétés physiques. Les pots restent pollués par la matière organique du yaourt et ne peuvent pas garder leurs propriétés de conservation de la nourriture. Broyés puis fondus, les morceaux sont ainsi le plus souvent transformés en pare-chocs automobiles ou en pots de fleurs.
L'Ademe favorise "le recyclage mécanique, parce qu'il émet moins de gaz à effet de serre", explique Roland Marion. "Mais le mieux, c'est quand même de donner (aux pots de yaourt, NDLR) l'usage qu'ils avaient au début", admet-il.
Transformer un pot en nouveau pot
Pour y parvenir, le recyclage chimique du polystyrène est la solution promue par une partie de l'industrie laitière afin de permettre au pot de yaourt de retourner au contact alimentaire.
Florian Trohay, référent économie circulaire chez Yoplait, résume le procédé: "Le contenant en polystyrène est chauffé à plusieurs centaines de degrés pour casser ses chaînes moléculaires et obtenir la matière initiale, à savoir la molécule de styrène."
Elle est ensuite envoyée chez les plasturgistes pour produire de nouveaux pots de yaourt en polystyrène. "Cela évite de recourir au styrène le plus répandu, issu du vapocraquage du pétrole", c'est-à-dire le plastique vierge.
Mais il y a un surcoût: "le polystyrène recyclé est deux fois plus cher que le standard aujourd'hui", souligne Patrick Falconnier, président du groupement Syndifrais, qui représente les industriels des produits laitiers frais.
Selon lui, la solution pour sortir par le haut de ces contradictions est d'augmenter les volumes de recyclage, ce qui ferait baisser les coûts de production. La condition est donc que les consommateurs trient bien leurs déchets à la source.
Alors que la loi antigaspillage et pour une économie circulaire (Agec) visait initialement à tendre vers le recyclage de tous les emballages en plastique à usage unique avant 2025 en France, la filière vise un premier objectif modeste de recyclage chimique de 10.000 tonnes de polystyrène à partir de 2026, soit moins de 10% de volume d'emballages de produits laitiers mis chaque année sur le marché.
Danone "partage la même ambition"
La campagne démarrera au moment de l'ouverture du Salon de l'agriculture le 22 février. Elle est financée par les professionnels.
Un an de préparation a été nécessaire. Dans les usines, "il a fallu réimprimer les cylindres qui servent à l'impression des opercules", précise Muriel Casé. Et des tests sanitaires "ont été faits et refaits" pour vérifier qu'il n'y ait pas de migration de l'encre vers le yaourt.
Le groupe Danone a indiqué ce mardi "partager la même ambition de transparence et de pédagogie du consommateur sur l'importance du geste de tri".
"Depuis 2022, nous avons intégré les mentions liées à l'info-tri sur nos pots de yaourt, et nous avons inclus ce message également dans nos campagnes de communication sur nos produits laitiers frais en 2024 pour inciter le geste de tri auprès des consommateurs", a précisé le groupe.