Paris interdits, privations de nourriture, hygiène douteuse... 10 petites histoires de conclaves

Le conclave pour désigner un successeur au pape François, décédé le 21 avril dernier, débute ce 7 mai. Retour sur les anecdotes qui ont rythmé les siècles d'élections papales.

Qui succédera au pape François? C'est ce que devront décider les cardinaux-électeurs, qui se réuniront pour un conclave à huis clos, à partir de mercredi 7 mai et pour une durée indéterminée. Au Vatican, tous les regards se tourneront alors vers la fameuse cheminée installée sur le toit de la chapelle Sixtine et d'où sortira la fumée blanche, annonçant la désignation d'un nouvel homme sur le Saint-siège.

Le conclave, qui désigne cette période "électorale" durant laquelle 133 cardinaux-électeurs - ceux âgés de moins de 80 ans - existe sous cette forme, bien qu'elle ait quelque peu changé, depuis le treizième siècle et l'élection du pape Innocent V en 1276.

1. Un conclave de trois ans

Les débuts du conclave ont été compliqués. Au XIIIème siècle, il aura fallu 1.006 jours, soit quasiment trois ans, aux cardinaux réunis à Viterbe, au nord de Rome, pour choisir un nouveau pape.

À bout de nerfs, les citoyens romains impatients ont décidé d'enfermer les "princes de l'Église", de les mettre au régime en diminuant les rations et même d'enlever le toit de l'assemblée jusqu'à ce qu'ils se décident. Conclave vient d'ailleurs du latin cum clavis, "fermé à clé".

Ce conclave aura duré de novembre 1268 à septembre 1271 et s'achève par l'élection de Tebaldo Visconti, qui prend le nom de Grégoire X, comme pape. Il restera sur le Saint-siège jusqu'en 1276, date de sa mort.

2. Le conclave le plus court de l'Histoire

À l'inverse du houleux conclave de 1271, l'élection pontificale la plus courte de l'histoire n'aura duré que quelques heures. En 1503, les cardinaux réunis à Rome pour trouver un successeur à Pie III (qui fut pape 26 jours seulement) plébiscitent Giuliano della Rovere, un cardinal puissant et ambitieux, en quelques heures seulement.

Pour la petite histoire, Pie III n'a pas été le plus éphémère des papes, puisque c'est Urbain VII qui détient ce titre avec un pontificat de 13 jours en 1590. À l'inverse, le record de longévité est attribué à l'époque moderne à Pie IX avec près de 32 ans (entre 1846 et 1878) ou Jean-Paul II, plus récemment, resté pape durant plus de 26 ans jusqu'en 2005.

3. Un conclave à Lyon

Avant d'être traditionnellement organisé dans la célèbre chapelle Sixtine, au Vatican, le conclave a pu être déplacé au-delà des frontières italiennes.

C'est le cas pour l'élection papale de 1314-1316, installée d'abord à Carpentras, dans le Vaucluse, avant que les cardinaux ne soient enfermés à Lyon sur ordre du puissant comte de Poitiers - futur régent du royaume - jusqu'à ce qu'ils s'accordent sur le nom du futur pape.

À cette époque, la résidence papale et le siège de la chrétienté se trouvent à Avignon. S'opposaient alors les cardinaux français et italiens, incapables de se mettre d'accord. Finalement, après deux ans de discussions, les cardinaux élisent Jacques Duèze, qui deviendra le pape Jean XXII.

4. Conclaves "dégoûtants" et "malodorants"

L'enfermement des cardinaux pour les besoins du conclave s'est accompagné, durant les siècles, de défis concernant l'hygiène. Avant la construction sous le pontificat de Jean-Paul II de la résidence Sainte-Marthe, prévue pour accueillir le collège des cardinaux, tous dormaient sur des lits de camp dans des pièces attenantes à la chapelle Sixtine.

Jusqu'au XVIIe, les conclaves étaient décrits comme "dégoûtants" et "malodorants", souvent accompagnés d'épidémies, selon l'historien Miles Pattenden à Associated Press. "Les cardinaux devaient absolument vivre plus confortablement, car ils étaient âgés, et beaucoup d'entre eux étaient atteints d'une maladie assez avancée", écrivait-il.

5. Frénésie des paris

Depuis des siècles, les élections de papes déchaînent les passions... et les paris. Plus de 15 millions de dollars devraient être misés pour le conclave à venir, ce qui ferait de cette élection papale l'événement non-sportif le plus parié au monde, selon les chiffres de la BBC.

Et cette tradition ne date pas de ce conclave. Elle remonte même aux origines de l'élection et porte sur la durée du conclave, sur le nom du futur pape ou la mort de celui-ci. Les paris commencent d'ailleurs dès la maladie du pontife et durent jusqu’à la fin du conclave.

Les paris concernant l’élection pontificale sont une pratique attestée dès septembre 1503. Le pape Grégoire XIV avait d'ailleurs tenté d'y mettre fin en 1591 en menaçant les parieurs d'excommunication, en vain. Parmi les prévisions les plus improbables quant à l'identité du nouveau pape, les bookmakers voyaient bien en 2013 à la place de François... Bono, le chanteur de U2.

6. Pas d'habits sur mesure

Ne connaissant pas le nom - ni la taille - du futur pape, les tailleurs du Vatican préparent en vue de son élection trois ensembles de costumes: en tailles S, M et L. Ces ensembles comprennent une soutane, une ceinture en soie et une calotte blanches, assorties de chaussures de cuir et d'un capelet en velours rouges. C'est avec ces vêtements que le nouveau pape est présenté aux fidèles depuis le balcon donnant sur la place Saint-Pierre.

À son élection en octobre 1958, on raconte que le pape Jean XXIII, surnommé "le bon Jean", n'avait pas pu rentrer dans sa soutane, qui avait dû être fermée avec des épingles à nourrice, comme le relate Le Point.

7. Du cognac contre le stress

Après un régime au pain sec et à l'eau pendant les premières décennies de conclaves, les cardinaux ont vu leurs libertés quelque peu évoluer au fil des siècles. En 1878, lors du conclave qui devait élire Léon XIII, le cardinal camerlingue avait autorisé l'achat d'une bouteille de cognac pour les cardinaux déprimés ou stressés par le déroulement de l'élection. Il était précisé qu'il fallait une prescription médicale pour pouvoir en boire un verre.

Plus tard, le fameux Jean XXIII aurait lui aussi lutté contre son anxiété avec du cognac, offert par l'archevêque de Turin Maurilio Fossati, selon un expert interrogé par l'agence italienne Ansa.

8. Fumée trouble

Le tout premier conclave à se tenir dans la chapelle Sixtine est celui de 1492. C'est sur le toit de l'édifice qu'est installée la fameuse cheminée d'où doit s'échapper de la fumée: noire en cas de vote non concluant, blanche si le Saint-siège a un nouveau locataire.

Mais la couleur de la fumée peut parfois prêter à confusion. Comme en 1978, après la mort du pape Paul VI, où le Vatican avait été le théâtre de montagnes russes émotionnelles.

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17:12

"En fin d'après-midi, cinq fumées successives à la couleur très incertaine ont jeté une certaine confusion place Saint-Pierre. La première semblait plutôt blanche, ce qui eut pour effet de provoquer les acclamations de la foule. Puis on vit surgir une deuxième, une troisième, une quatrième, et même une cinquième fumée, alternativement noire et blanche", décrivait le présentateur de TF1 dans un document republié sur le site de l'INA.

Depuis, pour éviter tout problème lié à la combustion des bulletins de vote, ont été introduits des fumigènes de couleur. De plus, les cloches de la basilique Saint-Pierre doivent accompagner la fumée blanche.

9. Isolement complet

Loin de l'austérité des premiers conclaves, les cardinaux électeurs sont restés soumis à un fort contrôle durant toute la durée de l'élection pontificale pour éviter toute fuite. Ainsi, il est formellement interdit "de recevoir la presse quotidienne ou périodique, de quelque nature que ce soit, et d'écouter des émissions radiophoniques ou de regarder la télévision", peut-on lire dans la constitution apostolique rédigée par Jean-Paul II.

Avant le début du conclave, la chapelle Sixtine est préparée et fouillée pour prévenir de toute installation de matériel d'enregistrement et poser des dispositifs anti-micro. À noter que tout cardinal dévoilant des secrets du conclave s'expose à l'excommunication.

10. Un pape élu à 12 ans

Parmi les 266 papes élus ces sept derniers siècles, il en est qui détiennent des records plutôt... inattendus. Par exemple, le plus jeune souverain pontife à avoir été élu serait Benoît IX, âgé de seulement 12 ans. À l'inverse, Benoît XVI, élu pape en 2005 à 78 ans, est le plus vieil évêque de Rome a avoir été élu. François, lui, avait été désigné à 76 ans.

D'autres petites histoires ont ponctué les élections de papes, notamment l'élection de Rodrigo de Borgia, devenu Alexandre VI en 1492 après avoir corrompu une partie du conclave et qui était père de six enfants (reconnus) - sa vie a donné lieu à plusieurs séries télévisées - ou l'élection d'Adrien VI en 1523 qui mit plus de six mois à arriver au Vatican depuis l'Espagne...

Lucie Valais Journaliste BFMTV