Mort du pape François: le souverain pontife boudait-il la France?

Le tifo des supporteurs marseillais pour l'arrivée du pape François au stade Vélodrome le samedi 23 septembre - BFMTV
Strasbourg, Marseille, la Corse mais aucune visite d'État officielle. En douze ans à la tête du Vatican et de l'Église catholique, le pape François est venu trois fois en France. C'est le pays qui a accueilli le plus de visites du souverain pontife. Pourtant, le pape, qui a succombé à un AVC ce lundi 21 avril, a entretenu avec la France une relation ambivalente.
Son dernier voyage, le 15 décembre sur l'île de Corse, résume à lui seul ces complexités. Une semaine auparavant, le souverain pontife avait refusé de se rendre à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris où se pressaient les dirigeants de nombreux pays.
Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, des voix - notamment dans les milieux conservateurs - avaient alors dénoncé "l'affront" infligé par le pape avec ce calendrier rapproché, allant jusqu'à le comparer à "une gifle". Dans un éditorial intitulé "François, le pape qui déteste la France", l'hebdomadaire Le Point avait même fustigé l'"animosité" du pape argentin envers l'Hexagone.
"Il n'avait pas de problème avec les Français, mais avec le pouvoir des pays européens"
Les réactions avaient alors poussé Vatican News, le site d'information officiel du Vatican, à publier une interview du nonce apostolique - l'ambassadeur du Saint-Siège - affirmant que "la France fascine le pape François".
En préférant se rendre à Ajaccio pour un colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée plutôt qu'assister à une cérémonie au milieu de chefs d'États et de têtes couronnées, Jorge Bergoglio avait voulu mettre en avant une région et des thématiques représentatives des priorités de son pontificat.
"Demander si le pape nous aime ou non" est une approche "très adolescente" alors qu'il prend "la France et l'Église en France très au sérieux", déclarait alors à l'AFP le président de la conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
"C'est précisément pour ça qu'il ne veut pas venir en France, parce qu'il considère qu'il y a des endroits qui en ont plus besoin", ajoutait-il, en se disant "frappé" par le nombre d'auteurs français cités dans ses lettres et encycliques.
"Le pape aimait les Français, mais n'aimait pas le pouvoir, donc il n'est jamais allé à Paris. La question de migrants l'a mis en porte-à-faux avec toute l'Europe", abonde pour BFMTV Mario Giro, ex-ministre des Affaires étrangères italien, qui dirige la Communauté de Sant'Egidio. "Beaucoup de capitales européennes n'ont pas été visitées par la pape, car il n'aimait pas le pouvoir politique. Il s'y confrontait de manière sévère", ajoute-t-il.
"Il n'avait pas de problème avec les Français, il avait un problème avec le pouvoir des pays européens, des pays riches", assure Mario Giro. Durant son pontificat, le pape ne s'est ainsi jamais rendu dans d'autres grands voisins européens, comme l'Allemagne, l'Espagne ou le Royaume-Uni. Un paradoxe demeure: malgré trois déplacements en France, le chef de l'Église catholique n'y a jamais effectué de visite d'État officielle.
En 2014, il s'était rendu à Strasbourg pour visiter les institutions européennes - sans même s'arrêter à la cathédrale, au grand dam des fidèles. En septembre 2023, il avait insisté sur le fait qu'il se rendait "à Marseille, pas en France".
L'écho médiatique et politique de cette visite et la messe au stade Vélodrome devant 60.000 fidèles dans une ambiance survoltée avait pourtant mis l'accent sur le lien profond entre les catholiques français et le pape argentin, qui avait lancé: "Bonjour Marseille, bonjour la France!"
Une rupture nette avec ses prédécesseurs
"Le pape est venu plusieurs fois en France", rappelle pour BFMTV sœur Nathalie Becquart, sous-secrétaire au secrétariat général du synode des Évêques.
"Quand on lui disait 'Marseille', il s'illuminait, il en gardait un souvenir magnifique. On ne peut pas dire qu'il n'aimait pas la France. Il a porté son attention, non pas sur les grands pays, mais sur les petits pays des périphéries. Ce n'est pas contre la France, c'était sa priorité d'aller dans les pays où des papes n'étaient pas allés", souligne-t-elle.
Le rapport du premier pape latino-américain avec la France marquait en revanche une rupture nette avec ses prédécesseurs. Ainsi, Jean-Paul II a visité huit fois le pays avec des séquences restées dans les mémoires, comme une messe à Paris en 1997 devant plus d'un million de personnes.
Francophile et francophone, son successeur Benoît XVI, attaché à l'héritage des grandes figures intellectuelles et théologiennes, avait marqué les esprits en 2008 en se rendant dans plusieurs lieux symboliques de la capitale, comme les Invalides, les Bernardins, et Notre-Dame.