A Strasbourg, le pape François appelle l'Europe à se ressaisir

Le pape François s'exprime devant le Parlement européen, le 25 novembre 2014, à Strasbourg. - Christian Hartmann - AFP
Le moment était historique et l'image hautement symbolique. Pour la première fois depuis vingt-six ans, le souverain pontife a rendu visite aux institutions européennes à Strasbourg. Un quart de siècle après Jean-Paul II, le pape François a pris la parole devant le Parlement européen et au Conseil de l'Europe, au cours d'un déplacement de quatre heures, le plus court effectué par un pape à l'étranger.
Accueilli très chaleureusement, François a évoqué, devant les parlementaires, le "vieillissement" de l'Europe, ainsi que l'"égoïsme" et la "désillusion" qui semblent s'être emparés des peuples européens, avant d'aborder, comme prévu, la question de l'immigration, et d'appeler à lutter contre les extrémismes.
"Les idéaux qui ont inspiré l'Europe semblent avoir perdu leur force"
Le discours du pape François au Parlement européen a été très applaudi par l'hémicycle, qui lui a réservé une standing ovation. "Le pape a appelé l'Europe à se ressaisir, en soulignant qu'elle a beaucoup de potentiel. C'est un discours très chaleureux, qui ne juge pas ce qui est fait", analyse sur BFMTV Monseigneur Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France.
Si le discours a effectivement été chaleureux, il n'a pas épargné les représentants européens et leurs institutions, jugées "vieillissantes" par le pape. "D'un peu partout, on a une impression générale de fatigue et de vieillissement, d'une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante. Les grands idéaux qui ont inspiré l'Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions", a ainsi déclaré le souverain pontife.
Un portrait sans concessions qui n'a rien d'étonnant, selon Monseigneur Podvin. "L'Europe est mal vue aujourd'hui. Le pape, lui, est bien vu, il est populaire. Donc cette rencontre est déterminante, et il n'a pas à être complaisant envers cette Europe qui est trop technocratique. François vient donc dire: 'l'Europe peut être formidable si l'on n'en fait pas n'importe quoi'", explique-t-il. Et d'ajouter: "Dans un rôle de guide moral et spirituel, il est venu donner une impulsion. C'est très important qu'il le fasse".
Des propos forts sur l'immigration
Comme prévu, le souverain pontife a abordé la question de l'immigration en Europe, et a prononcé cette phrase forte: "Il est nécessaire d'affronter ensemble la question migratoire. On ne peut pas tolérer aujourd'hui que la Méditerranée devienne un grand cimetière". Une référence directe aux nombreux drames de l'immigration survenus ces dernières années entre Afrique et Europe, notamment autour de l'île italienne de Lampedusa. Si cette phrase a été reçue par un tonnerre d'applaudissements au Parlement, elle rappelle que l'Union européenne demeure immobile face à ces tragédies.
"Il y a un fossé entre les grands principes, auxquels on peut parfaitement adhérer, et la réalité des choses", souligne le journaliste Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican, sur BFMTV. "Il ne faut pas être aveugle ou naïf. Tout le monde est d'accord avec le fait qu'il ne faut pas que la Méditerranée devienne un grand cimetière. Mais la question est: jusqu'où peuvent aller les Etats, jusqu'où l'Europe peut imprimer de nouvelles réglementations et techniques de sauvetage?", interroge-t-il.
Autrement dit, il est assez cohérent que, sur ces grands principes, François remporte l'adhésion d'une majorité des députés, qu'ils soient de droite ou de gauche. Mais il leur appartient ensuite de s'atteler au concret, à la mise en pratique. "C'est le rôle des hommes politiques. Le pape est là pour leur dire de ne jamais oublier deux fondamentaux: l'homme au centre de tout et le bien commun comme but", poursuit Bernard Lecomte.
Un discours incarné
De l'avis des experts, en prononçant ce discours historique au coeur des institutions européennes, le pape François est venu redonner de l'élan, une impulsion, à une Europe en crise. "Dans ce discours on a une sorte de synthèse de ce que le pape incarne et représente dans le monde depuis un an et demi", juge Monseigneur Podvin.
"Il est le pape de l'écoute, de la bienveillance, de la fraternité, du discernement, celui qui vient réveiller. Toutes ces notions sont rassemblées dans ce discours. Jean-Paul II avait dit: 'Nous avons l'Europe des nations à construire, nous devons faire tomber un mur'. Cette fois, le pape venu du Sud est en train de réconforter toutes les raisons que nous aurions de ne plus croire en l'Europe", conclut le porte-parole de la Conférence des évêques de France.