Marcel Campion, le patron des forains

Marcel Campion. - AFP
Ne l'appelez surtout pas "le roi des forains". Car dans sa communauté des gens du voyage, "chacun est libre", rappelle Marcel Campion à Paris Match, assurant que chez lui c'est sa "femme qui gouverne". Une confidence à laquelle on a bien du mal à adhérer tant le porte-parole des forains, comme il veut qu'on le nomme, aime les bras de fer et apprécie les mettre en scène. Ce lundi matin, il était d'ailleurs à la tête de la mobilisation d'une quarantaine de forains qui ont mené une opération escargot aux abords de Paris pour réclamer de pouvoir installer le marché de Noël sur les Champs-Elysées.
Début juillet, le Conseil de Paris a voté à l'unanimité la non-reconduction de la convention qui liait la municipalité à Marcel Campion et sa société, SARL Loisirs Associés, pour l'organisation du traditionnel marché de Noël. Mais le patron des forains n'en démord pas: il veut et il aura son marché. Il a toujours fonctionné comme ça. L'exemple le plus marquant restera en 1985 quand il souhaitait relancer la fête foraine aux Tuileries. Cette fois-là, il avait installé avec plusieurs de ses collègues des manèges dans le jardin des Tuileries. L'autorisation de rester lui avait alors été donnée.
Pour Marcel Campion, sa technique se résume à "une fois qu’on est installés, on négocie", s'amuse, dans Paris Match, l'un de ses amis Louis Joubert, secrétaire général du comité de la Foire du Trône.
Carnet d'adresses
En 60 ans de carrière, Marcel Campion, "Cécel" pour ses amis, s'est constitué un carnet d'adresses bien rempli. Ce qui lui permet de s'imposer. Il connait et tutoie les politiques de Bertrand Delanoë à Jacques Chirac, en passant par Jack Lang ou Alain Madelin, tous entretiennent de bons rapports avec le patron de la fête foraine. En 2016, il accueille Marine Le Pen pour l'inauguration du marché de Noël. Ce lundi, c'est Florian Philippot qui lui apporte son "soutien (...) face à une Anne Hidalgo qui n'aime ni les forains ni Noël".
Pourtant, en 2014, Marcel Campion s'était engagé dans la campagne pour les élections municipales d'Anne Hidalgo. "Il faut régulièrement le ramener à un certain nombre de règles, de contraintes, mais c’est quelqu’un d’attachant et de généreux qui nous rappelle que la fête", confiait il y a un an Bruno Julliard, Premier adjoint à la maire de Paris. Mais depuis, la rupture est consommée. "C’est elle qui me l’a demandé, raconte-t-il au Parisien. On l’a soutenue à sa demande et aujourd’hui plus rien. (...) Je ne sais pas quelle mouche l'a piquée."
35.000 entreprises
Depuis septembre 2015, et une première enquête ouverte après un signalement de la cellule anti-blanchiment du ministère des Finances, Marcel Campion n'est plus en odeur de sainteté. Deux ans plus tard, ce sont ses relations avec la Ville de Paris qui sont mises en cause. La chambre régionale des comptes d'Ile-de-France dénonce la gestion émaillée de nombreuses irrégularités, qui échappe aux règles du marché de mise en concurrence. Marcel Campion est alors déjà mis en examen dans une autre enquête qui porte notamment sur les conditions d'attribution en 2015 par la mairie de Paris de l'emplacement de la grande roue de la Concorde.
Pas de quoi effrayer le bonhomme de 77 ans qui aime rappeler qu'il est parti de rien. Sa mère décède sous un obus allemand alors qu'il est âgé de 3 ans. A l'époque, son père est fait prisonnier. Lorsqu'il revient, il l'accompagne et fait les foires et les marchés. A 14 ans, il quitte le domicile familial. A 17 ans, il vend des frites à la sauvette dans le jardin des Tuileries. Le début d'une longue carrière. Aujourd'hui, Marcel Campion représente 35.000 entreprises, soit 250.000 emplois. Malgré une cinquantaine de garde à vue, le forain ne compte pas lâcher. Car c'est bien sur cet empire et ses sujets qu'il compte s'appuyer pour sa bataille contre la Ville de Paris.