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Le Covid-19 et le confinement vont-ils réhabiliter la procrastination?

Une rue déserte de Metz (Moselle) le 5 janvier 2021 lors de l'instauration du couvre-feu à 18h (photo d'illustration)

Une rue déserte de Metz (Moselle) le 5 janvier 2021 lors de l'instauration du couvre-feu à 18h (photo d'illustration) - Jean-Christophe Verhaegen

Alors que se tient ce jeudi la journée mondiale de la procrastination, reporter à demain ce qui pourrait être fait aujourd'hui pourrait avoir du bon. Surtout depuis le début de la crise sanitaire.

Ne jamais remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même, dit l'adage. C'est pourtant le principe des procrastinateurs, ces retardataires chroniques qui repoussent systématiquement à plus tard ce qui pourrait pourtant être fait sans attendre. En ce jeudi, journée mondiale de la procrastination, BFMTV.com s'interroge sur cette tendance - présentée comme un défaut, voire une pathologie - qui pourrait pourtant avoir du bon. Notamment depuis le début de la crise sanitaire.

Ne pas rien faire, faire autre chose

Car la procrastination est mal vue, souvent synonyme de culpabilité pour celui qui la pratique. Il faudrait même la combattre. Sur Internet, les articles sur le sujet sont nombreux: "5 conseils contre la procrastination... à lire maintenant, pas demain!" ou encore "Procrastination: comment arrêter de tout remettre à plus tard?".

Quant aux livres, guides et autres manuels visant à la vaincre, ils sont légions, de Stop à la procrastination à 50 exercices pour arrêter de procrastiner, en passant par La procrastination, ennemi de l'efficacité. Pourtant, tout ne serait pas à jeter dans la procrastination.

C'est d'ailleurs l'analyse du philosophe américain John Perry, procrastinateur invétéré, qui a forgé le concept de procrastination structurée et en a fait l'éloge dans son essai La procrastination: l'art de reporter au lendemain. Selon lui, le procrastinateur serait loin d'être un fainéant. Au contraire, il serait même particulièrement productif. Car quand il procrastine, il ne fait pas rien. Il fait juste autre chose.

"Nous autoriser ce que nous ne nous autorisions pas"

Et depuis un peu plus d'un an et la crise du Covid, entre les confinements, le couvre-feu et les différentes restrictions, la procrastination aurait même du bon. C'est le point de vue d'Hélène L'Heuillet, philosophe et psychanalyste, auteure de Éloge du retard: où le temps est-il passé?.

"Du fait du contexte sanitaire et des restrictions, certains projets sont suspendus ou différés, observe-t-elle pour BFMTV.com. Mais on peut tirer parti de ce temps suspendu, de ce temps différent, même si évidemment, selon les contextes sociaux ou professionnels, la situation n'est pas la même."

Car nous aurions eu tendance à oublier que l'avenir était fait d'incertitudes, pointe encore Hélène L'Heuillet, maîtresse de conférences à la faculté des lettres de Sorbonne-Université. Le monde d'aujourd'hui nous le rappellerait brutalement et nous imposerait d'appréhender les choses différemment, poursuit-elle.

"Le temps est devenu destructuré, déréglé à la faveur de la crise mais cela peut néanmoins permettre de nous aérer. De nous autoriser ce que nous ne nous autorisions pas. Comme dormir, rester chez soi, prendre le temps de se projeter sur des projets à plus long terme ou simplement se recentrer pour lever le pied."

Procrastiner pour "ralentir la cadence"

Dans une série documentaire aussi humoristique que convaincante, Arte s'est penché sur l'art de la procrastination, revenant sur les plus grands adeptes de l'Histoire, de Sisyphe à Léonard de Vinci, en passant par Mozart et Victor Hugo. Pour la naturopathe Gwénaëlle Guy-Fradj, adepte du slow life - un mouvement qui vise à ralentir nos modes de vie - la crise sanitaire a bel et bien été l'occasion d'une remise en cause profonde de nos habitudes et d'une prise de conscience.

"Cela dépend évidemment des personnes et des contextes mais pour certaines, il y a eu comme un réveil, remarque-t-elle pour BFMTV.com. Jusque-là, elles ne se posaient pas la question, se laissaient aspirer par leur vie, comme si elles vivaient à côté, et passaient leur temps à courir."

Pour cette naturopathe, si procrastiner peut permettre de "ralentir la cadence" pour se rapprocher et se recentrer sur ses besoins et désirs essentiels, en faisant fi de l'accessoire, alors ne culpabilisons plus, procrastinons.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV