"Un moment privilégié" pendant le confinement: il y a 5 ans, "Animal Crossing" devenait le jeu phénomène de la pandémie

Cinq ans plus tard, la nostalgie est là. Lorsque le 20 mars 2020, Nintendo lance Animal Crossing: New Horizons, le fabricant de la Switch est loin de s'imaginer que son jeu va devenir l'un des plus vendus de son histoire. Lors des derniers résultats financiers du constructeur, il comptabilise même 46,45 millions d'unités, qui en fait le second plus gros succès de la console, derrière Mario Kart 8 Deluxe et ses 64,27 millions de ventes.
Un succès inattendu, notamment en occident, où, si la saga a toujours connu un certain intérêt, elle n'a jamais été le phénomène qu'elle est devenue depuis la sortie de New Horizons. Ce succès, il le doit essentiellement à la pandémie de Covid-19 qui a pris un tournant mondial au milieu du mois de mars 2020, précipitant les habitants du monde entier dans un confinement de plusieurs semaines.
Une saga loin des codes vidéo ludiques classiques
Lancée en 2001 au Japon, sur Nintendo 64 et sous le nom Dobutsuno Mori, la série connaît sa première incursion en occident en 2004 sur Gamecube. Un retard en raison de la frilosité des branches américaines et européennes pour un véritable ovni vidéoludique. Car dans Animal Crossing, pas de princesse à sauver, pas de monde en perdition ou de guerre sanglante.
Dans ce titre imaginé à l'origine par Takashi Tezuka, un des grands créateurs de Nintendo, on doit intégrer un petit village peuplé d'animaux pour interagir avec eux, trier le courrier, construire des meubles, rendre service à ses voisins, ou encore chercher des fossiles et pêcher. Aucune violence, mais une vie simple, qui va se métamorphoser au fil des épisodes.

Les épisodes les plus récents, dont New Horizons, vont intégrer un mode en ligne et une sorte de coopération pour échanger des objets. Une aubaine dans un monde en pleine pandémie, où personne ne peut plus sortir.
Pour Fanny, qui a connu la série avec le dernier opus en date, ce fut comme une libération: "C'est une amie qui m'a conseillé le jeu, j'ai donc acheté une Switch et me suis abonné après avoir pris le jeu sur l'eShop, à partir de là, c'était comme si je pouvais sortir sans y avoir le droit."
En pleine pandémie, le besoin de déconnecter de l'actualité
Dans New Horizons, la formule change (un peu): cette fois-ci, on débarque sur une île déserte que l'on peut façonner selon ses envies. On peut aussi compter sur le soutien de ses amis, que l'on peut inviter à tout moment, pour réaliser quelques activités ou recevoir des cadeaux: "J'étais sur Whatsapp en vocal avec mon amie et on jouait l'une avec l'autre en ayant l'impression de se voir," précise-t-elle, "il m'arrivait de me connecter plusieurs fois par jour simplement pour souffler de l'ambiance morose qui s'échappait de l'actualité."
Même constat pour Guillaume, qui est un fan invétéré de la franchise, et qui a vu dans New Horizons le jeu idéal pour penser à autre chose: "Animal Crossing est un jeu où on doit prendre le temps. Il y a des activités que l'on ne peut faire qu'à certaines heures de la journée ou à certains moments de l'année. Si on respecte les règles (sans trafiquer l'horloge de la console, qui permet d'avancer le temps, NDLR), on est invité à y revenir un petit peu tous les jours."
Animal Crossing: New Horizons n'est en effet pas fait pour être joué pendant des heures. Lorsqu'on se connecte, on peut réaliser différentes activités, mais au démarrage, le jeu vient imposer des limites, qu'elles soient financières ou non, en faisant apparaître des bâtiments essentiels à l'avancement au bout de plusieurs jours.
Ce côté "zen" revendiqué dans la saga, en plein Covid-19, a créé pour beaucoup une petite routine, comme pour Clara: "Après une journée en télétravail, j'allais parfois faire des courses, et ensuite, je me connectais pour désherber mon île ou continuer à la personnaliser."
"Une période que je veux oublier"
Tous se souviennent d'un "moment privilégié" qu'il pouvait vivre: "Chaque île est différente d'une autre, alors j'ai rejoint des serveurs Discord pour en découvrir davantage et j'étais souvent très surpris par la créativité de certains," se souvient Julien.
La folie Animal Crossing: New Horizons prend de l'ampleur quelques semaines après le lancement initial. La communauté ayant grossi rapidement, bien aidé par un confinement qui s'éternise, des concours sont imaginés, des visites du musée intégré à l'île, et que l'on peut compléter au fil de ses découvertes, sont proposées par des guides, un "Nookazon", qui vient reprendre le principe d'Amazon, est créé pour échanger ses créations, meubles et matériaux.
Mais une fois le confinement terminé, et même si Nintendo continue de proposer des mises à jour saisonnières, l'envie de se connecter à son île perd petit à petit de sa fraîcheur: "Honnêtement, je dois avoir 800 heures sur Animal Crossing, mais ça s'est essentiellement concentré de mars à juin 2020," confie Fanny.

Un constat qui se confirme d'autant plus cinq ans après. Avec ses 46 millions de ventes, Animal Crossing: New Horizons ne représente plus que quelques centaines de milliers d'exemplaires vendus chaque trimestre, le pic ayant été atteint en 2020 et 2021.
"Ca me rappelle trop une période que je veux oublier," lâche néanmoins Clara, qui a stoppé son aventure en 2022. "Une fois le Covid-19 derrière mois, me projeter dans le jeu me paraît trop compliqué. Aujourd'hui, on peut sortir comme avant, il n'y a plus de raison de s'y connecter."
"Nintendo n'a pas pris la mesure du succès du jeu"
"Il y a toujours des communautés, mais elles sont beaucoup plus restreintes aujourd'hui," précise Guillaume, qui cumule plus de 3.000 heures sur le jeu. "Il y a beaucoup moins de nouveaux, mais c'est essentiellement en raison des choix de Nintendo."
Sans doute dépassé par le succès de New Horizons, Nintendo va miser pendant longtemps sur les mises à jour saisonnières, à l'occasion de l'été, de l'automne ou de l'hiver, et qui apportent des événements limités dans le temps. La sortie, en novembre 2021, d'un patch majeur et d'une extension, Happy Home Paradise, n'a pas l'effet escompté, et il s'agit surtout du contenu développé par Nintendo sur ce jeu.
"Je pense que Nintendo n'a pas pris la mesure du succès du jeu, ou en tout cas, l'a compris trop tardivement," soutient Guillaume, "Animal Crossing: New Horizons aurait pu continuer à vivre avec des millions de joueurs s'il était devenu un jeu 'à services' avec du nouveau contenu payant ou non régulier."
Un choix étonnant, alors que le genre est devenu un moyen pour certains éditeurs de rentabiliser des développements de plus en plus coûteux, mais qui l'est moins pour Nintendo, qui a toujours été habitué à sortir ses jeux complets, ou à réaliser quelques extensions sur une période d'un an après le lancement.
"Il paraît impossible de voir Nintendo réitérer le même succès avec un nouvel épisode, car New Horizons est sorti au bon moment, sans l'avoir prévu à la base," explique Antistar, streameur et youtubeur spécialiste de Nintendo, dans le podcast Manette à Trois.
Pour Guillaume, Fanny, Clara et Julien, même si l'envie de visiter son île est moins présente qu'il y a cinq ans, celle de découvrir ce que réserve Nintendo dans le prochain épisode reste importante. Rendez-vous est donc pris.