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Stables mais toujours très élevées, les violences contre les personnels d'Éducation se banalisent

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L’Autonome de Solidarité Laïque (ASL) révèle à BFMTV son rapport annuel sur les violences à l'encontre des personnels d'Éducation. "Stables à un niveau élevé", ces violences se banalisent selon l'ASL, qui demande à l'État et à la justice de réagir.

Au cours de l'année scolaire 2024/2025, près de 2.500 agressions physiques ou verbales contre un enseignant, un éducateur sportif ou plus généralement un personnel de l'Éducation nationale ont été déclarées à L’Autonome de Solidarité Laïque (ASL). Cette association centenaire, qui "protège et soutient tous les personnels en mission d’éducation et d’accompagnement", reçoit chaque année des milliers de dossiers à traiter.

Ce qui inquiète la structure, ce n'est pas tant l'explosion soudaine de ces violences, "qui restent stables à un niveau élevé", mais le climat conflictuel qui s'installe et s'enracine durablement dans le temps. Lors de l'année scolaire 2020/2021, 9.579 cas de violences ont été déclarés, contre 12.374 en 2024/2025. Soit une augmentation de 23%. Ce climat de tension semble ainsi se banaliser, alors que les réponses apportées par l'État pour réduire ces violences sont toujours jugées insuffisantes.

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Diffamations, atteintes matérielles...

Le baromètre publié par L’Autonome de Solidarité Laïque fait aussi état de 3.657 cas de diffamations et de dénonciations calomnieuses proclamées envers les personnels d'éducation. Cela peut aller "d'une rumeur diffusée sur un enseignant" à "l'accusation de gifle ou d’intervention physique excessive" sur un élève, précise l'ASL.

François, enseignant depuis 25 ans, a récemment été relaxé par la justice. Frappé par un élève à qui il avait confisqué le téléphone, l'agent a déposé une plainte à la suite de cet événement, avant d'être accusé de violences par l'élève et sa famille. "C'était parole contre parole", explique-t-il à BFMTV.

"Il y a eu des menaces de mort sur les réseaux sociaux. J'ai même demandé à retirer mon nom sur les boîtes aux lettres des endroits dans lesquels je me rendais", raconte François.

Parmi les quelque 12.000 dossiers traités par l'association entre 2024 et 2025, 673 concernent aussi les atteintes matérielles, les intrusions ou les litiges administratifs. Les membres du personnel d'éducation peuvent parfois retrouver leur véhicule dégradé au sein même de l’enceinte scolaire, est-il expliqué dans le baromètre. "Les situations de tension et de conflit dans l’éducation ne sont donc plus conjoncturelles, mais structurelles", s'inquiète L’Autonome de Solidarité Laïque.

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Alerter les pouvoirs publics

Les directrices et directeurs d’école semblent être les plus exposés aux violences. Selon l'ASL, ils sollicitent l'association "deux fois plus que les chefs d’établissement du second degré et plus de trois fois plus que les enseignants du premier degré". Alors pour L’Autonome de Solidarité Laïque, une réaction s'impose de la part de l'Éducation nationale et de la justice, qui ne traite que 8% des dossiers, le "recours restant complexe, long et dissuasif".

"Derrière les chiffres, une mécanique préoccupante se dessine. Le malaise de la société nourrit celui de l’école, et l’école devient à son tour le miroir de ces crispations", analyse l'ASL.

En outre, seulement 23% des 864 demandes de protection fonctionnelle ont été accordées aux personnels par le ministère de l'Éducation nationale en 2024/2025, alors qu'elle "devrait s’appliquer de plein droit à tout agent mis en cause dans l’exercice de ses fonctions", rappelle l'ASL. "Non seulement les agents subissent l’attaque, mais leur souffrance n’est pas reconnue", peste l'association.

Quelles mesures à adopter ?

Jean-Louis Linder, président de L’Autonome de Solidarité Laïque, souhaite une réunion tripartite entre son association et les ministères de l'Éducation nationale et de la Justice. "On se met autour de la table, on pose les problématiques et on trouve des solutions", expose l'ancien instituteur, professeur et directeur d’école. Ce dernier réclame aussi une formation obligatoire pour l'ensemble des agents en ce qui concerne le domaine juridique.

"Reporter l’action, c’est laisser se dégrader encore davantage le climat scolaire", charge l'ASL.

L’Autonome de Solidarité Laïque demande aussi à ce que l'État prenne en charge "les frais de justice, d’accompagnement psychologique et de soutien médico-social des agents victimes", et qu'il mette en place "l'application automatique et immédiate de la protection fonctionnelle en cas de violences, menaces et outrages contre un agent".

Un enseignant sur deux s'auto-censure

Selon un sondage Ifop datant de 2022, 56% des enseignants interrogés affirment s'être déjà auto-censurés pour éviter d'éventuels incidents avec leurs élèves, contre 36% avant l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020.

Ce mardi 14 octobre, une minute de silence sera observée dans les collèges et lycées de France pour rendre hommage aux deux professeurs assassinés, Samuel Paty et Dominique Bernard, à la demande de l'ancienne ministre de l'Éducation nationale, Élisabeth Borne.

Véran Escoffier