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Harcèlement scolaire: comment repérer dès la rentrée les signaux chez son enfant

Des élèves se dirigent vers leur salle de classe à l'école privée catholique Institut Sainte-Geneviève à Paris, le 12 mai 2020 (illustration)

Des élèves se dirigent vers leur salle de classe à l'école privée catholique Institut Sainte-Geneviève à Paris, le 12 mai 2020 (illustration) - Philippe LOPEZ

Le harcèlement scolaire peut débuter dès les premiers jours de classe. Comment peut-on savoir si son enfant en est victime?

Face au harcèlement scolaire, la vigilance est de mise. Et elle doit débuter dès le mois de septembre. Car la rentrée des classes signifie malheureusement, pour certains élèves, le retour ou le début des violences en milieu scolaire.

Dans une enquête menée en 2023 par le ministère de l'Éducation nationale, 12% des écoliers interrogés (du CE2 au CM2) déclaraient qu'un ou plusieurs élèves leur avait déjà fait mal exprès et de manière répétée. 17% disaient qu'un ou plusieurs élèves racontaient des choses fausses ou méchantes sur eux. Au collège, 11% des élèves disaient avoir déjà subi des moqueries ou des insultes de manière répétée.

Nora Tirane alerte sur le fait que ces violences peuvent débuter "dès les premières heures" de classe. "Parfois, cela peut même exister avant la rentrée, quand le harcèlement de l'année précédente s'est poursuivi pendant les vacances scolaires", sur les réseaux sociaux notamment, explique la fondatrice de l'association de lutte contre le harcèlement scolaire "Marion la main tendue".

Une discussion avant la rentrée

Elle conseille donc aux parents de ne pas attendre la rentrée pour évoquer ce sujet avec leurs enfants. Au moment de la préparation du cartable le dimanche soir par exemple, "ils peuvent leur dire que ce n'est pas parce qu'ils ont subi du harcèlement pendant l'année d'avant que ça va se poursuivre, que s'ils ont subi quelque chose pendant l'été, ils peuvent en parler".

L'association "Parle, je t'écoute", fait généralement face à un mois de septembre très calme sur sa ligne d'écoute dédiée aux victimes de harcèlement scolaire et à leurs proches. Sa présidente, Nicole Sacagiu, explique que les appels arrivent un peu plus tard: "deux, trois mois après, on a beaucoup d'appels de parents qui disent que ça a commencé à la rentrée".

Les premiers jours de septembre peuvent donc être cruciaux pour repérer des signes de harcèlement scolaire et ne pas le laisser s'installer. Nora Tirane souligne par exemple que si son enfant rechigne à se réinscrire à une activité extrascolaire, cela peut être un signal. "Un enfant qui subit du harcèlement ne va pas se rajouter une peine à l'assimilation à un groupe, parce que le groupe égal danger", explique-t-elle.

Un changement soudain de comportement (un enfant qui dormait bien et ne dort plus, qui est devenu violent vis-à-vis de ses frères et sœurs) et une possible somatisation (maux de ventre, maux de tête) peuvent aussi alerter. De même qu'un changement soudain de trajet pour aller à l'école ou des pertes de matériel inexpliquées - celles-ci peuvent venir du fait qu'on lui vole ou qu'on lui casse ses affaires.

Des discussions à mettre en place

Nora Tirane insiste sur l'importance de la discussion avec son enfant, quel que soit son âge, pour détecter des signes de harcèlement. "Il faut leur poser des questions, leur demander qui ils ont retrouvé dans leur classe, avec qui ils ont mangé à la cantine…", explique-t-elle.

Demander directement à un enfant s'il est harcelé risque de le braquer, selon les spécialistes. Elles suggèrent de poser des questions indirectes qui peuvent amener un faisceau d'indices et entraîner une discussion plus profonde.

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Harcèlement scolaire: pourquoi il faut en parler
8:01

"Au bout d'une semaine, il faut demander comment ils se sentent dans leur classe. Mais aussi avec qui ils ont joué dans la cour de récré, avec qui ils ont passé l'interclasse pour les plus grands. Ou alors où ils étaient: s'ils passent leur temps au CDI ou aux toilettes, ça peut être un signe", ajoute Nora Tirane. "On peut aussi leur demander s'il y avait du bruit à la cantine. S'ils disent: 'non, j'ai mangé seul', c'est un signal d'isolement", développe la présidente de "Marion la main tendue".

Une attention plus grande

Il faut toutefois instaurer un cadre propice à ces échanges si l'on veut que les langues se délient. "Je suggère aux parents, pendant cette période de changements, de faire en sorte que leur attention soit plus grande", incite Nicole Sacagiu.

"Ce qu'il faut privilégier, c'est plus de disponibilité pour nos enfants, pas en quantité, parce qu'on travaille tous, mais en qualité: prendre des moments pour chaque enfant, faire une petite activité, parler avec eux en tête-à-tête", affirme-t-elle.

La présidente de l'association "Parle, je t'écoute" recommande aussi aux parents d'instaurer un moment, le samedi après le repas par exemple, où chaque membre de la famille peut dire comment il a vécu la semaine, ses bons et ses mauvais moments, comme un "conseil de famille". "Même les parents doivent dire les choses difficiles qu'ils vivent au travail. Comme ça, les enfants se sentent en confiance et pas coupables ou faibles", estime Nicole Sacagiu.

Contacter la direction

Le ministère de l'Éducation nationale préconise aux parents d'enfants victimes de harcèlement scolaire de prendre rapidement rendez-vous avec la direction de leur établissement scolaire pour lui exposer les faits. "S'il s'agit d'un harcèlement en ligne, il faut aussi en parler au chef d'établissement", précise Nora Tirane.

"Si vous hésitez à joindre l’établissement ou que la résolution du problème vous semble lente, vous pouvez contacter la ligne de signalement de votre académie ou bien le numéro national 3018", précise le ministère sur son site. Il rappelle aussi qu'au collège et au lycée, l'enfant peut trouver du soutien auprès d'un élève ambassadeur de la lutte contre le harcèlement.

Par ailleurs, la vigilance face aux signes de harcèlement ne doit pas s'arrêter à la fin du mois de septembre. "Il faut en parler tout le temps", exhorte Nora Tirane.

3020: le numéro national de lutte contre le harcèlement scolaire

Si un enfant ou un adolescent est victime ou témoin de harcèlement scolaire (moral, verbal, physique), lui ou ses proches peuvent contacter le 3020, le numéro national de référence. Il est gratuit et propose une écoute, des conseils et une orientation des personnes. Ce numéro est joignable (hors jours fériés) du lundi au vendredi de 9 heures à 20 heures, et le samedi de 9 heures à 18 heures.

Sophie Cazaux