"Elle a fait tout ce qu'il fallait faire et au final elle n'a rien": ces bacheliers sans proposition sur Parcoursup

Une page de la plateforme d'orientation dans le supérieur le 15 janvier 2025 (photo d'illustration) - Anna KURTH © 2019 AFP
Romane est deuxième sur liste d'attente depuis le 10 juillet - date de fin de la phase principale sur Parcoursup - pour une licence accès santé à Lille, l'un des deux parcours universitaires qui permet de faire médecine. Mais alors que la rentrée a lieu ce mercredi, elle n'a toujours pas reçu de réponse positive.
"J'ai appelé, j'ai envoyé des mails, je suis allée à l'université, j'ai contacté Parcoursup... Personne n'est capable de me dire si oui ou non j'aurais une place et si oui ou non je peux me raccrocher à ma place sur liste d'attente", s'inquiète-t-elle auprès de BFMTV.
La jeune fille a passé son été à espérer mais elle est aujourd'hui découragée. "Quand bien même je recevrais une réponse positive, des études de médecine ça se prépare, c'est important et là je ne sais pas où je vais."
La bachelière avec mention a tout de même reçu une réponse favorable pour des études de droit parmi les dix vœux qu'elle a formulés sur la plateforme d'orientation dans l'enseignement supérieur. "Mais je ne veux pas faire de droit. C'est un vœu que j'ai fait sur l'insistance de mes professeurs qui me disaient qu'il fallait que je prenne quand même une filière non sélective."
"Je ne vais pas faire un an de droit pour repartir en médecine l'année prochaine, ça n'a aucun sens. Médecine, c'est mon seul plan de carrière."
"Un grand sentiment d'injustice"
Romane n'est pas la seule dans cette situation. Près de 103.000 lycéens, étudiants en demande de réorientation et candidats scolarisés à l'étranger étaient sans proposition d'admission le 10 juillet dernier, selon le tableau de bord de Parcoursup.
C'est aussi la situation d'Eva, originaire d'Amiens (Somme), qui n'a reçu aucune réponse positive à ses souhaits de formation - en l'occurrence des études de droit. "La joie du bac est retombée très vite", regrette auprès de BFMTV Vincent, son père. Elle a pourtant sollicité l'accompagnement personnalisé de la commission d'accès à l'enseignement supérieur, dispositif prévu par Parcoursup pour les étudiants sans proposition d'orientation, mais en vain.
"Ce qu'on lui propose n'a rien à voir avec ce qu'elle souhaite faire, qu'il s’agisse des formations comme des métiers qui en découlent."
Depuis l'ouverture de la phase d'admission le 2 juin, la bachelière a pourtant vu sa place évoluer dans la file d'attente. "De 2500e elle est passée à 25e", raconte Vincent. Puis tout s'est arrêté le 10 juillet et depuis, impossible de savoir si sa place a évolué. Mais la rentrée a eu lieu ce lundi et Eva n'a pas été appelée.
"Elle a pourtant un vrai projet qu'elle a détaillé dans sa lettre de motivation, elle a un bon dossier, elle a pris l'option droit pour le bac à laquelle elle a eu 19/20, elle a fait deux stages dans ce domaine dont l'un dans un tribunal. Elle a fait tout ce qu'il fallait faire et au final elle n'a rien. Elle ne comprend pas (...) C'est un grand sentiment d'injustice."
La jeune fille envisage d'attendre un an pour renouveler sa demande. "Mais elle n'a aucune garantie d'avoir une place l'année prochaine", s'alarme son père.
"Deux ans de galère"
C'est ce qu'a vécu la fille de Romuald Ryckebosch. "Ça fait deux ans que c'est la galère", s'indigne-t-il. Car la jeune fille a obtenu un baccalauréat sciences et technologies de la santé et du social lors de la cession 2024. Mais l'année dernière, elle n'a reçu aucune réponse positive à ses vœux pour des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).
En attendant de retenter sa chance l'année suivante - c'est-à-dire cette année - elle s'est tournée vers une préparation à l'entrée en études supérieures dans les filières médicales. Et s'est donc réinscrite sur Parcoursup. Si trois Ifsi lui répondent cette fois-ci favorablement, tous sont très éloignés de son domicile.
"Son vœu pour l'Ifsi de Falaise (Calvados) restait en attente", explique son père. "Tous les jours on regardait mais ça ne bougeait pas. On s'est dit qu'on n'allait pas attendre éternellement et risquer de perdre la place."
Alors début août, la jeune fille accepte l'institut du Havre. Dans la foulée, un appartement est trouvé, le bail est signé et tous les frais qui s'en suivent acquittés - soit 500 euros mensuels, une somme pour la famille. Mais le matin même de sa rentrée, soit vendredi dernier, elle reçoit finalement une réponse positive pour l'Ifsi de Falaise. "C'est trop tard", dénonce son père.
Une orientation "subie"
Ce total de 103.000 lycéens, étudiants et candidats scolarisés à l'étranger sans solution ne prend pas en compte ceux et celles qui ont accepté une proposition à contrecœur. Comme la fille d'Olivier Chemin. La bachelière qui vit dans le Val-de-Marne souhaite elle aussi poursuivre des études de droit - une filière non sélective mais en tension.
"Elle a formulé des vœux dans toutes les universités franciliennes et s'est retrouvée 900e sur liste d'attente", explique-t-il a BFMTV. La jeune fille a ainsi été contrainte d'accepter une proposition de formation à Épinal, dans les Vosges. Son père est en colère et inquiet car sa fille a 17 ans et ne sera majeure qu'en fin d'année.
"Elle doit partir à 400km de sa famille alors qu'on ne connaît personne dans les Vosges et qu'elle est toute seule."
La jeune fille a malgré tout fait sa rentrée ce lundi. "Mais à reculons", déplore son père. "Elle n'est pas motivée du tout." Une orientation "subie", estime Olivier Chemin.
"On a fait des recours, mais on me répond qu'on ne peut pas déroger à Parcoursup. Et comme elle a reçu une proposition d'admission, elle n'est pas prioritaire."
"Mon avenir est entre les mains d'un algorithme"
Une impasse qui concerne également les candidats qui ont excellé au baccalauréat. C'est le cas d'Esteban, mention très bien, qui voit son rêve de faire des études de sciences politiques s'éloigner.
Sur ses 17 vœux, il a essuyé 11 refus dont les IEP de Paris et Bordeaux. Il a par ailleurs échoué aux écrits du concours commun pour les écoles de Toulouse, Strasbourg, Saint-Germain-en-Laye, Rennes, Lyon, Lille et Aix-en-Provence. Et pour les licences de sciences politiques, le jeune homme est toujours sur liste d'attente.
"Mon avenir est entre les mains d'un algorithme", se désole Esteban pour BFMTV.
Pourtant, le jeune Bordelais s'est donné les moyens pour prouver sa motivation et réussir. Lui qui est délégué de classe depuis son entrée au collège a assisté tous les mercredis à une préparation Sciences po pendant deux ans, il a ajouté à cela sa participation à un concours d'éloquence et rédigeait des articles dans le journal de son lycée.
"Il a bossé comme un fou et tout ça n'a servi à rien", se lamente pour BFMTV sa mère, Émilie Montagnon. "Moi qui lui ai toujours dit que s'il était passionné, s'il travaillait et s'il faisait des efforts, il pourrait faire ce qu'il voudrait. Je lui ai menti."