Coronavirus: à quel moment saura-t-on si le déconfinement en France a été réussi ou non?

Le déconfinement a pris effet lundi 11 mai 2020 en France. - PATRICK HERTZOG / AFP
"Grâce à vous, le virus a reculé. Mais il est toujours là." Un court message posté dimanche soir par Emmanuel Macron alors que ce lundi marque le premier jour du déconfinement progressif en France. Une nouvelle étape pour le pays secoué par la crise sanitaire depuis mars.
Près de deux mois après la mise en place de mesures sanitaires pour enrayer l'épidémie de nouveau coronavirus, les Français sont de nouveau autorisés à sortir sans motif de chez eux mais en respectant des gestes barrières comme la distanciation sociale ou le port du masque, obligatoire à certains endroits comme les transports en commun. Une liberté sous contraintes qui n'empêchera pas le virus de continuer à se propager sur le territoire. Loin de là.
"Cela peut repartir"
Si le taux de contagion avait drastiquement baissé en raison du confinement, la possibilité de sortir de chez soi va relancer de facto l'épidémie. Mais sera-t-elle cette fois sous contrôle?
"On ne le saura pas avant plusieurs mois, au moins plusieurs semaines", avertit Philippe Juvin sur notre antenne, "on a 4-5 semaines critiques il faut voir les choses, surveiller comme le lait sur le feu, cela peut repartir".
Pour le chef des urgences de l'hôpital Georges Pompidou à Paris, cette période à venir "est probablement la plus périlleuse". "C’est là où l’épidémie peut éventuellement reprendre et c’est là où nous devons être très vigilants" alerte-t-il.
Si la hausse de la transmission du virus risque d'être inévitable, celle-ci ne sera donc observable au mieux que dans plusieurs semaines et ce, pour une bonne raison: "vous avez jusqu’à 15 jours d’incubation et une bonne semaine de développements de signes cliniques jusqu’à ce qu’on voit des formes graves", rappelle le médecin, "on en saura plus mi-juin, fin juin". Passé cette date, il faudra alors voir les capacités hospitalières en réanimation, "on tiendra le bon bout" si celles-ci ne sont pas submergées, explique Philippe Juvin.
"On part pour des mois de préoccupation sanitaire"
S'il ne se dit pas surpris de l'apparition de nouveaux cluster nitamment en Vendée, Vienne, Dordogne et dans les Hauts-de-Seine, le médecin explique qu’il va falloir anticiper l’émergence de nouveaux foyers de contamination.
"Quand on relâche la population qui n’a pas rencontré le virus dans la nature, il est évident qu’un certain nombre de gens vont s’infecter. Tout le sujet ce n’est pas de ne pas avoir de cluster puisqu’il va y en avoir", explique le médecin alors que le vrai sujet selon lui est "de savoir les dépister très rapidement. Dès qu’il y en a un il faut tester la personne malade et tout son entourage c’est ça le sujet."
Autre information à prendre en considération: l'immunité collective qui est loin d'être atteinte en France. "C’est un virus qui n’a touché que 5 à 10% de la population française, et tant qu’une partie importante de la population n’aura pas été touchée il faudra être préoccupé", souligne encore Philippe Juvin qui prévient qu'"on part en réalité pour des mois de préoccupation sanitaire".
Le chef des urgences de l'hôpital Georges Pompidou reste par ailleurs préoccupé par les malades asymptomatiques du Covid-19, une question "très importante, c'est pour ça que la population doit porter des masques".
"Ce n’est qu’après plusieurs semaines que l’on saura si la sortie du confinement est une réussite ou non"
Des règles sanitaires à suivre mais "encore faut-il qu’elles soient claires, ce qu’elles ne sont pas", estime de son côté le Pr Yves Buisson. "La stratégie qui repose sur le port du masque n’est pas appliquée parce qu’elle n’a pas été expliquée clairement en raison des discours contradictoires au début de la crise sanitaire", considère l'épidémiologiste et président du groupe Covid-19 de l’Académie nationale de médecine qui recommande le port obligatoire du masque dans l'espace public depuis avril.
De même, ce 11 mai ne signifie pas pour Yves Buisson un déconfinement mais une sortie "progressive et prudente du confinement" et dont les résultats ne seront visibles que dans plusieurs semaines pour "savoir s’il y a des foyers, combien il y en a, s’ils sont vite et rapidement contrôlés, maîtrisés, circonscrits".
"Ce n’est qu’après ces semaines d’observations que l’on pourra savoir si la sortie du confinement est une réussite ou non ou s’il faut malheureusement, en cas d’échec total, reconfiner ce qui serait une catastrophe" juge l'épidémiologiste.
Un "reconfinement" pas écarté
Invité ce matin sur BFMTV et RMC, le ministre de la Santé Olivier Véran a expliqué que "les conditions étaient réunies pour le déconfinement généralisé" qui a débuté ce lundi. Une future décision doit être prise par le gouvernement fin mai pour la prochaine phase de déconfinement, prévue pour le 2 juin.
"Si dans trois semaines, si les choses sont stabilisées avec possiblement une différence selon territoires on pourrait aller vers un réouverture de certains commerces supplémentaires ou d'espaces verts", a déclaré le ministre qui n'a pas écarté un éventuel reconfinement "si le virus continue sa course folle".