Cantine, internat: comment les établissements scolaires font face à la grève

La façade d'une école élémentaire à Paris (photo d'illustration) - Thomas Samson-AFP
Alors que la mobilisation se poursuit contre la réforme des retraites et que certains personnels des écoles sont en grève, parvenir à faire fonctionner un service de restauration scolaire peut prendre des airs de casse-tête pour les établissements. "On vit au jour le jour", témoigne auprès de BFMTV.com Lysiane Gervais, secrétaire nationale du syndicat des personnels de direction SNPDEN.
Si les modes d'organisation varient selon les villes, la restauration dans les écoles primaires (maternelle et élémentaire) relève de la responsabilité des communes, rappelle l'Education nationale. Le service est en général assuré par le personnel communal, même si les repas sont livrés et préparés par une société de restauration collective - quand ils ne sont pas préparés sur place faute de cuisine. Légalement, la commune n'est pourtant pas obligée de mettre en place ce service dans les écoles primaires, précise le site service public. Au collège et au lycée, ce sont respectivement le département et la région qui sont responsables.
Des repas de substitution
Jean-Jacques Renard, vice-président de la FCPE de Paris, estime que la situation actuelle a été plutôt bien anticipée. "Il y a toujours quelque chose de prévu en cas d'imprévu dans les écoles, avec notamment des repas de substitution faciles." Mais pour Rodrigo Arenas, président national de cette fédération de parents d'élèves, si certaines écoles ont pu proposer des repas froids, le problème est ailleurs. "On fait le service après-vente du conflit social." Il regrette qu'il revienne aux parents de gérer les conséquences de cette grève.
"S'il n'y a pas suffisamment de personnel pour surveiller les enfants pendant le repas du midi, soit parce qu'ils sont en grève soit parce qu'ils n'ont pas pu se rendre sur place faute de transports en commun, cela représente un véritable risque pour les collectivités qui sont en charge pénalement de ce temps périscolaire et donc on demande aux parents de garder leurs enfants."
Un service minimum d'accueil à la cantine?
Cécile Frattaroli, présidente de la Peep de Paris, formule les mêmes reproches. "Tous les élèves ne sont pas à égalité sur le territoire, déplore-t-elle auprès de BFMTV.com. Et pour les familles, c'est toujours la même chose: ce sont celles qui ont le moins de moyens qui sont les plus pénalisées." Elle cite l'exemple d'un groupe scolaire dans le 17e arrondissement de la capitale qui se compose d'une école maternelle et de deux écoles élémentaires. Dans l'une de ces deux dernières, pour les élèves de ses douze classes, il n'y a pas eu de cantine.
"Il n'y a pas eu assez de personnel pour que tous les enfants puissent déjeuner à la cantine, explique cette représentante de parents d'élèves. Jeudi (le 5 décembre, lors du premier jour de la grève, NDLR), tout le monde avait plus ou moins réussi à s'organiser bien qu'il n'y avait qu'une poignée de cantines d'écoles primaires ouvertes sur les 46 que compte l'arrondissement. Ce mardi, une dizaine étaient toujours fermées. Nous ne sommes pas outillés dans les écoles pour faire face à une situation qui s'étend dans la durée."
Cécile Frattaroli déplore également une application insuffisante du service minimum d'accueil, pourtant obligatoire. Et appelle à réfléchir à un service minimum d'accueil dans les écoles sur l'ensemble de la journée, y compris durant les temps périscolaires comme celui du repas.
"Pour les familles qui raisonnent en journée, il ne s'agit pas que de prendre en charge les enfants trois heures le matin et trois heures l'après-midi. Il y a aussi la pause du midi."
Une solution envisagée par Cécile Frattaroli: les écoles devraient avoir le droit de s'appuyer sur "un vivier" de parents bénévoles qui pourraient donner un coup de main à la cantine, chose qui n'est pas toujours permise. A Paris, ce mardi, 66 écoles ont été fermées.
Steaks surgelés et conserves
Du côté du secondaire, les problématiques sont similaires. Lysiane Gervais, du syndicat des personnels de direction SNPDEN, indique que certains principaux de collège ont écrit aux familles pour leur demander de garder leur enfant à la maison durant les heures de classe ainsi que le midi. "Si les élèves viennent quand même alors que les assistants d'éducation et les CPE sont grévistes, cela pose de véritables questions de sécurité. On ne peut pas laisser 200 ou 300 élèves seuls dans la cour sans surveillance. Cela peut vite dégénérer."
Pour la cantine, si elle est maintenue ouverte, les menus sont souvent modifiés afin de limiter le travail en cuisine et surtout les pertes. "La semaine dernière, nous avons plutôt proposé des steaks surgelés et des conserves de légumes. Cela permet une préparation simple, au dernier moment, et de faire cuire la viande de manière individuelle. Cela limite aussi le gaspillage alimentaire." Dans son établissement, au premier jour de la grève, seuls 50 de ses 1150 élèves ont été demi-pensionnaires, faute de transport scolaire.
"Quand j'étais principale de collège, il m'arrivait aussi de demander aux parents de préparer un repas froid pour le déjeuner des enfants. Mais systématiquement, il y en avait certains qui oubliaient et se retrouvaient sans repas. Evidemment, il n'était pas question de les laisser le ventre vide, la gestionnaire allait leur acheter des sandwichs."
Des internes privé d'internat
En Ile-de-France, la difficulté a été double. "A la complexité d'évaluer à l'avance le nombre de personnels grévistes se sont ajoutés de gros problèmes de transports en commun même si souvent, comme dans mon établissement, les cuisiniers sont logés sur place", détaille Bruno Bobkiewicz, proviseur de la cité scolaire Hector Berlioz à Vincennes, dans le Val-de-Marne, et également secrétaire national du SNPDEN. "Je crois qu'on a tous sous-évalué la mobilisation de jeudi dernier." En cuisine, dans ce genre de situation, "tout le monde met la main à la pâte", assure-t-il: du personnel de vie scolaire aux services d'intendance, en passant par les personnels de direction.
Les répercussions peuvent néanmoins être plus lourdes. Plusieurs internats ont dû fermer faute de personnel. C'est la décision que Lysiane Gervais, également proviseure d'un lycée en Gironde, a dû prendre lundi soir. "J'ai été obligée de fermer l'internat de garçons pour des raisons de sécurité. Mais j'ai pu maintenir ouvert celui des filles." Pour ces 35 internes, il a fallu trouver des solutions d'hébergement à la dernière minute.
"Certaines familles ont pu venir les chercher, d'autres se sont organisées pour les faire dormir chez des copains, ajoute-t-elle. Pour certains, cela signifie des temps de transport supplémentaires mais aussi un coût pour les familles. Cela peut être très compliqué: j'ai un collègue à Bordeaux qui a dû fermer son internat la semaine dernière pour ses 150 internes. Mais on ne peut pas faire autrement s'il n'y a personne pour s'occuper des jeunes le soir."
Et de son côté, elle ne sait pas quand elle pourra de nouveau rouvrir l'internat.