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Retour à l'école le 11 mai: que sait-on sur la transmission du Covid-19 par les enfants?

Photo d'illustration d'un enfant à l'école

Photo d'illustration d'un enfant à l'école - AFP

Alors que le gouvernement a annoncé un retour progressif des élèves à l'école à partir du 11 mai, le conseil scientifique s'est dit favorable à une fermeture des établissements scolaires jusqu'en septembre. Quels risques représente ce retour à l'école?

Dans une note publiée samedi soir, le Conseil scientifique chargé d'éclairer le gouvernement sur la question du Covid-19, a pris acte de la "décision politique" de réouverture prudente et progressive des établissements scolaires et des crèches à partir du 11 mai, tout en se disant favorable à leur fermeture jusqu'en septembre. Cette décision s'accompagne d'études récentes sur la contagiosité limitée des enfants.

  • Que sait-on de la contagiosité des enfants?

Plusieurs études ont été lancées sur la question de la transmission par les enfants dans l'épidémie de Covid-19, alors que leur retour à l'école inquiète parents mais aussi professeurs et autres acteurs de l'Education nationale. "Ce que l'on sait aujourd'hui, c'est que les enfants, et toutes les classes d'enfants jusqu'à 25 ans, ne font pratiquement pas de forme grave", explique ce lundi sur BFMTV Bruno Lina, membre du Conseil scientifique. 

"La deuxième chose c'est que les très très jeunes enfants, de moins de un an, ils ont beaucoup de virus quand ils sont infectés. Ensuite on voit moins de virus jusqu'au niveau du lycée, où là de nouveau, les adultes jeunes commencent à avoir une réplication du virus qui ressemble à celle des adultes", déclare-t-il.

"Les connaissances sont quand même extrêmement limitées", a précisé dimanche sur BFMTV Lila Bouadma, membre du Conseil scientifique. "On a beaucoup plus de doutes sur les enfants qui sont plus jeunes, et on pense qu'effectivement ils peuvent être porteurs sains, mais qu'ils ne sont pas autant excréteurs qu'on le pensait. En tout cas pas aussi excréteurs que l'on peut voir dans les épidémies de grippe, ça c'est plutôt rassurant", a encore souligné Lila Bouadma.

"Les données françaises confirment la bénignité de l'infection chez les enfants (les cas graves et les décès sont extrêmement rares)", écrivait le 10 avril la Société Française de Pédiatrie. "Les enfants de moins de 15 ans représentent moins de 1% des admissions en réanimation au 5/04 en France et aucun enfant de moins de 15 ans n'est décédé du Covid en France", est-il expliqué sur leur site, bien qu'un "décès est survenu chez une adolescente de 16 ans".

  • Les adultes à risque face aux enfants?

Dans le cadre d'un retour à l'école, c'est la possible transmission de l'enfant à l'adulte qui inquiète actuellement. "Pour les enfants ça n'a pas grande importance puisque s'ils développent un Covid-19, ils vont le faire de façon très simple et souvent de forme asymptomatique. C'est plutôt ce que ces écoles vont constituer en dehors de l'école, car les enfants vont sortir, vont être au niveau familial", souligne le directeur du conseil scientifique Jean-François Delfraissy, ce lundi sur BFMTV.

"Les écoles c'est environ 15 millions de personnes, 12 millions d'élèves: il y a un niveau de contact potentiel qui est phénoménal, et même si on pense aujourd'hui que les enfants ne sont pas extrêmement contagieux, le nombre de contacts potentiels chaque jour est immense", a expliqué Lila Bouadma.

En cas de transmission, le danger ne sera "pas pour les enfants", estime-t-elle, mais "pour les personnes qui les encadrent, et quand ils retourneront à la maison, en particulier s'il y a des personnes fragiles dans leur foyer. Parce que même si la transmission est faible, il suffit d'une transmission à une personne particulièrement susceptible pour faire une forme grave".

  • Des mesures minimales de protection

Le Conseil scientifique a donc établi une liste de règles de distanciation qui devront être adoptées dans les établissements scolaires pour éviter la propagation du coronavirus, notamment faire en sorte que les tables de classes soient espacées entre elles d'un mètre ou que les élèves ne soient en contact qu'avec les camarades de leur propre classe. "Il faut garder de la distanciation sociale, c'est la principale mesure qui permet d'éviter la transmission du virus", martèle Lila Bouadma.

"Ce dont on se rend compte c'est que quand vous avez un cas qui survient dans une classe, le risque il est au niveau du groupe classe, donc si vous évitez le brassage entre les enfants des différentes classes vous réduisez le risque de diffusion du virus", explique Bruno Lina. "C'est pour ça que l'on propose que ces repas ne soient pas pris de façon collective, et l'une des solutions qui semblent applicables c'est de le faire dans la classe, mais il y a peut être d'autres solutions".

Le Conseil scientifique a également préconisé le masque obligatoire pour les personnels encadrants et les élèves à partir du collège. Il faut que les enfants "soient en capacité de comprendre le port du masque", explique Bruno Lina, qui précise également qu'on "ne peut pas avoir une règle uniforme qui s'applique dans toutes les écoles", car le bâti existant de certains établissements scolaires ne permet pas la distanciation sociale.

Mais ces mesures ne rassurent pas les syndicats. "Mission impossible", répond Philippe Vincent, secrétaire général du SNPDEN, premier syndicat des chefs d'établissement. "La somme de toutes les préconisations du Conseil, si elles étaient retenues, est infaisable dans l'état actuel de nos capacités, avec du personnel qui ne sera certainement pas présent à 100%", craint-il.

Comme l'a précisé Jean-Michel Blanquer à l'Assemblée nationale mardi dernier, si les conditions sanitaires imposées "ne sont pas remplies, l'école ou l'établissement n'ouvre pas, c'est très clair".

  • "Une décision politique"

"Nous au Conseil scientifique, quand on avait fait l'analyse de la situation, d'un point de vue santé publique, d'un point de vue sanitaire, eh bien il nous semblait que le confinement des écoles, en tout cas le retard à l'ouverture des écoles, était peut-être quelque chose qu'il fallait garder en tête", explique Bruno Lina. "Là-dessus, le président il a une vision beaucoup plus holistique de l'ensemble de ce qu'il faut faire, c'est-à-dire qu'il prend en compte aussi bien le côté sanitaire mais aussi le côté économique et le côté social"

"Il y a d'autres sujets que le sanitaire", précise également Jean-François Delfraissy, pour qui la décision de réouvrir progressivement les écoles le 11 mai est "une décision politique".
"Il y a des sujets sociétaux, il y a un certain nombre d'enfants qui sont dans des situations difficiles, qui sont même dans des situations de sévices, dans des milieux défavorisés, des petits appartements, avec des familles très nombreuses où l'école publique représente finalement un havre de paix et une soupape de sécurité", déclare-t-il.
Salomé Vincendon