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"Où est la dignité?": l'alarme des patients atteints d’affections de longue durée, après les annonces budgétaires de François Bayrou

Un patient déambule dans un couloir d'hôpital (image d'illustration)

Un patient déambule dans un couloir d'hôpital (image d'illustration) - Joël Saget-AFP

Lors de la présentation du budget 2026, le Premier ministre a annoncé vouloir faire 5 milliards d'euros d'économie sur les dépenses sociales annuelles. L'exécutif souhaite notamment réviser le statut des affections de longue durée (ALD) et "responsabiliser les patients". Une pilule difficile à avaler pour les concernés.

"Pour être très honnête, j'ai eu du mal à trouver le sommeil cette nuit." À l'annonce du budget 2026 et de la volonté du gouvernement de revoir le statut d'affection de longue durée (ALD), ce mardi 15 juillet, Jocelyne Nouvet-Gire a "halluciné".

Présidente de l'Association française des sclérosés en plaques (AFSEP) et elle-même touchée par cette maladie neurodégénérative depuis une vingtaine d'années, Jocelyne Nouvet-Gire se bat au quotidien, avec son équipe, pour que les patients français puissent voir leur souffrance reconnue en "ALD".

Ce statut particulier, créé en 1945, permet aux personnes atteintes de diabète, de troubles bipolaires, de cancers, de paraplégie, d'Alzheimer ou encore de sclérose en plaques de limiter leurs frais médicaux. Un statut largement remis en question lors du discours de François Bayrou portant sur le budget 2026, ce mardi 15 juillet.

Le Premier ministre a en effet annoncé vouloir mettre fin au remboursement à 100% des médicaments "sans lien" avec la maladie et la "sortie du statut" dans certains cas réévalués dans le cadre d'un plan de réduction de 5 milliards d'euros de dépenses sociales annuelles. "Une honte totale", pour Jocelyne Nouvet-Gire, qui témoigne auprès de BFMTV.com.

"Où est la dignité? Pourquoi chercher à faire des économies auprès des personnes malades qui n'ont pas demandé à l'être, qui souffrent déjà suffisamment. C'est une grosse fantaisie de la part du gouvernement de taper sur nous", confie-t-elle.

Pour le moment, si l'AFSEP ne sait pas encore comment les membres de l'association s'organiseront pour faire entendre leur voix, sa présidente en appelle néanmoins à la solidarité de tous. Malades, ou non. L'objectif? "Instaurer un vrai débat de fond et laisser les malades parler pour eux."

"Je suis aussi très très inquiète pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer: ce sont des personnes qui ne peuvent parfois plus exprimer leurs besoins correctement et il sera facile de les exclure du parcours de soins en les réduisant au silence", ajoute-t-elle.

Des consultations parfois éloignées du domicile

De plus, selon Jocelyne Nouvet-Gire, il est parfois difficile d'associer des maux ou des troubles à une maladie lorsque une lourde souffrance est au centre de la vie. Il s'agirait là de la définition même d'affection de longue durée: un quotidien fait de douleurs qu'il est nécessaire de soulager administrativement et financièrement.

Dans le cas de la sclérose en plaques, la présidente de l'AFSEP évoque par exemple le cas de nombreux patients qui développent des névrites oculaires ou dentaires. Des pathologies qui découlent de la maladie, mais qu'il peut être difficile d'identifier.

"Je suis atteinte de sclérose en plaques depuis 20 ans, j'ai vu des médecins de toutes les spécialités parce que j'en avais besoin et, parfois, ils se trouvaient à plus d'une heure de chez moi, partout en France", s'agace la présidente de l'AFSEP qui s'inquiète également de l'éventuelle suppression des remboursements de transports.

"Personne ne prend des médicaments par plaisir"

La prise en charge des transports est-elle toujours nécessaire? Les avis ne sont pas à l'unisson. Il s'agit d'un point de discussion selon Jean-François Thébaut, cardiologue et vice-président de l'Association française des diabétiques invité sur BFMTV, ce mercredi 16 juillet.

Malgré tout, pour lui, malade atteint du diabète de type 2, le régime de l'ALD serait "un régime du tout ou rien et actuellement sans nuance". Comme une sorte de système mal régulé et imparfait. D'où la nécessité d'examiner chaque situation au cas par cas, afin de "responsabiliser les patients", d'après François Bayrou.

"Pour le diabète, on prend des médicaments pour éviter les complications de la maladie. Parce qu'on ne va pas guérir, on sera toute sa vie diabétique, donc on ne pourra pas sortir de l'ALD. Le problème, c'est d'y rentrer au bon moment", explique le cardiologue.

En revanche, poursuit Jean-François Thébaut, "personne ne prend des médicaments par plaisir. Ce sont les médecins qui prescrivent".

"Il s'agirait d'arrêter de nous culpabiliser tout le temps comme ça, c'est mépriser les gens que de parler de responsabilisation", souligne Jocelyne Nouvet-Gire.

Ecarter le remboursement de certains médicaments pourrait conduire des malades à se passer de certains traitements.

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Moins de soins, donc un risque de récidives en fonction des pathologies et, par conséquent, d'autres frais pour l'Assurance Maladie. "C'est une mesure immédiate car facile. Mais, à court terme et intellectuellement, ce n'est pas satisfaisant", conclut Jean-François Thébaut.

Camille Dubuffet