Troubles bipolaires: qu'est-ce que cette maladie, qui affecte le journaliste Nicolas Demorand?

Le journaliste Nicolas Demorand à Paris, le 8 juillet 2021. - Joel Saget - AFP
"Comme des centaines de milliers de Français, je suis bipolaire (...) Oui, je suis un malade mental. C'est cru, c'est violent à dire et peut-être à entendre mais je ne veux plus le cacher, ni me cacher". Ce sont les mots confiés ce mercredi 26 mars par le journaliste Nicolas Demorand au micro de France Inter.
Un tabou brisé? En mettant des mots sur ses propres maux, le co-présentateur de la matinale a dirigé le projecteur sur des troubles qui affecteraient jusqu'à 2,5% de la population française selon l'Assurance maladie. Une maladie psychiatrique pourtant encore mal connue par certains.
• Les troubles bipolaires: de quoi s'agit-il?
Si l'on parle dans le langage courant "du trouble bipolaire", il s'agit en réalité de phénomènes pluriels, avec des expressions variant d'une personne à l'autre. D'une manière générale, il s'agit d'une "maladie psychiatrique chronique caractérisée par des troubles récurrents de l’humeur", qui portait auparavant le nom de psychose maniacodépressive, selon Ameli.
La personne vit des successions d'épisodes dit "maniaques", avec une humeur exaltée et une "agitation psychomotrice". Et, dans une autre phase, des épisodes dépressifs et une perte d'énergie: grande tristesse, perte de motivation, repli sur soi et l'apparition d'idées suicidaires.
"La plupart des malades non traités vivent huit à dix cycles maniaco-dépressifs au cours de leur vie, mais d’autres vivront plusieurs cycles au cours d’une même année", peut-on lire sur le site du ministère de la Santé. Des cycles affectés par les traitements de fond proposés aux malades.
On distingue deux types, l'un avec des phases maniaques plus intenses que le second, où le regain d'énergie pourrait passer inaperçu, ou avec des manifestations moins sévères.
• Âge, sexe... Qui sont les personnes qui développent ces troubles?
Avec plus de 2% de la population française touchée par ces troubles, le nombre de personnes atteintes se compte en centaines de milliers. Un chiffre qui pourrait même être "sous-évalué" selon la Haute autorité de santé, notamment sous les formes moins sévères.
Il n'existe pas véritablement de "portrait robot" de la personne affectée. Il peut s'agir d'hommes comme de femmes, et provenir de tous les milieux socioéconomique. En général, les symptômes se manifestent pour la première fois à l'adolescence ou à l'entrée dans la vie adulte.
L'une des causes pouvant expliquer l'apparition de la maladie est la piste génétique, comme l'explique l'Inserm. "Nous avons contribué à montrer que les patients bipolaires sont porteurs de variants génétiques (...) qui les rendent plus susceptibles à des facteurs de risques environnementaux, comme les infections, les traumatismes sévères, la pollution, la mauvaise hygiène de vie", explique Marion Leboyer, professeure de psychiatrie au CHU Henri-Mondor (AP-HP).
Il existe ainsi une vulnérabilité génétique qui rend une personne plus susceptible de développer ce trouble, mais ceux-ci ne sont pas héréditaires. Des facteurs comme les violences dans l'enfance ou la consommation de stupéfiants, surtout du cannabis, à l'adolescence, peuvent accroître la probabilité de développer un trouble bipolaire.
• Peut-on traiter ou guérir la bipolarité?
Peut-on vivre avec un trouble bipolaire? "L'un de mes collègues disait qu'on n'enlève pas les vagues, on apprend à surfer", schématise auprès de BFMTV.com le professeur Bruno Etain, psychiatre à l'APHP et coordinateur des Centres experts des troubles bipolaires de la Fondation Fondamental.
Les patients peuvent se voir offrir un traitement, des médicaments dits "régulateurs de l'humeur", tant par la voie médicamenteuse qu'une approche de soutien "psycho éducatif", soit une aide pour aider les malades à bien prendre leur traitement, éviter le stress, se construire un rythme de sommeil stable, etc. Une approche sur deux jambes.
"Le traitement médicamenteux n'est pas le seul important dans la prise en charge, il faut le combiner avec les autres approches non pharmacologiques", insiste Bruno Etain.
Certaines personnes sont tentées d'arrêter leurs traitements après la disparition des symptômes, entraînant inévitablement une rechute. Cette maladie chronique ne disparaît pas, mais s'apprivoise.