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Un gel des avoirs russes? De Gabriel Attal à Manuel Bompard... Qu'en pensent les politiques?

Le chef des députés EPR Gabriel Attal et le coordinateur national de LFI Manuel Bompard

Le chef des députés EPR Gabriel Attal et le coordinateur national de LFI Manuel Bompard - Ludovic MARIN - AFP

Face au désengagement américain en Ukraine, certains responsables politiques appelent à saisir les avoirs russes gelés pour financer la défense ukrainienne.

Les uns y voient une façon de combler l'effacement américain, les autres mettent en garde contre un "précédent historique" qui serait contraire aux accords internationaux: la question de saisir, ou non, des avoirs russes gelés pour financer la défense ukrainienne divise au sein de la classe politique. On vous explique pourquoi.

• Pourquoi on en parle?

Ce débat est lié au renversement stratégique opéré par les États-Unis. La réélection de Donald Trump est suivie d'un rapprochement entre Washington et Moscou, qui fait craindre aux alliés de Kiev une paix négociée aux dépens de l'Ukraine, trois ans après l'agression russe.

D'autant plus après l'altercation spectaculaire entre le président américain et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, à la Maison Blanche vendredi dernier ou le retrait de l'aide militaire américaine.

La France met en garde contre un "cessez-le-feu bâclé" depuis plusieurs semaines et insiste sur "la menace existentielle" russe, à l'image de l'allocution d'Emmanuel Macron ce mercredi. Pour que la paix ne se fasse pas au détriment de l'Ukraine, certains responsables politiques proposent de saisir les avoirs russes gelés afin de financer la défense ukrainienne.

• Qui est pour?

Jusqu'ici, les pays de l'UE utilisent les profits dégagés par les quelque 235 milliards d'avoirs russes gelés, qui représentent une manne de 2,5 à 3 milliards par an. Les élus appelant à aller plus loin sont nombreux.

Parmi eux: des membres du camp présidentiel, dont Gabriel Attal, le Parti socialiste, Les Écologistes ou encore le groupe de députés indépendants Liot. Celui-ci porte une proposition de résolution pour demander à l'UE la saisie de ces avoirs. Ce texte doit être discuté à l'Assemblée le 12 mars.

Mardi, Gabriel Attal a assumé d'être en désaccord avec le gouvernement, qui, pour l'instant, s'oppose à une telle mesure. "La donne changé", s'est justifié le chef des députés Ensemble pour la République (EPR), précisant: "Et avant de faire payer les Français et les Européens, faisons payer les Russes pour la sécurité de l'Ukraine."

Dans une tribune au Monde, il insiste ce mercredi: "Il est clair que l’utilisation des avoirs russes aiderait l’Ukraine à tenir malgré le désengagement américain actuel. Cette solution permettrait de faire payer la guerre à la Russie plutôt qu’à l’Europe et aux Européens, et donc aux Français. Elle montrerait en outre à la Russie et au monde que l’Europe est capable de taper du poing sur la table."

L'ancien Premier ministre Édouard Philippe a quant à lui appelé à "passer à une étape supérieure" mercredi sur France Inter, considérant que les actifs gelés doivent être "mis totalement à la disposition de l'effort de guerre ukrainien". "Il y a un chemin entre la confiscation pure et simple des avoirs russes gelés et le statu quo", considère-t-il dans Le Parisien, avant de développer:

"Ce chemin passe par un prêt à l'Ukraine, que l'Ukraine rembourserait en faisant usage des dommages de guerre versés par la Russie. Si la Russie ne versait pas ces réparations, nous pourrions permettre à l’Ukraine de nous rembourser en usant des avoirs russes gelés."

Chez les socialistes, le premier secrétaire Olivier Faure a de nouveau soutenu une saisie des avoir russes sur X mercredi soir. Si le fait de "viser l'autonomie stratégique de l'Union européenne doit être l'objectif", "s'en donner les moyens ne peut pas passer par de nouveaux sacrifices pour les Français", a prévenu ce dernier, dans une position similaire à celle de Gabriel Attal.

Un avertissement en direction d'Emmanuel Macron qui a annoncé des "investissements supplémentaires" en matière de défense lors de son allocution, provoquant l'inquiétude de la gauche, celle-ci mettant en garde contre d'éventuels "nouveaux sacrifices pour les Français".

• Qui affiche des réticences?

Malgré les pressions venant de son camp, l'exécutif reste sur sa position. Que les avoirs russes déposés dans l'Union européenne soient "capturés" serait "contraire aux accords internationaux" conclus par la France et l'Europe, a averti ce mardi le ministre de l'Économie Éric Lombard.

"On peut prendre les revenus des avoirs gelés, mais on ne peut pas prendre les avoirs eux-mêmes, parce que ça ne respecte pas le droit international. Et on veut respecter le droit international", expliquait Emmanuel Macron en ce sens le 24 février lors de sa rencontre avec Donald Trump à la Maison Blanche.

Par ailleurs, une saisie pourrait créer "un précédent économique" et rendre méfiants les investisseurs, a souligné cette semaine le ministre français délégué aux Affaires européennes Benjamin Haddad, sur France 2, même si cela "fait partie des leviers effectivement qu'on peut regarder".

Une fois n'est pas coutume, LFI avance des arguments semblables à ceux de l'exécutif. Parmi les avoirs russes, certains appartiennent à la "banque centrale russe" et "sont aujourd'hui positionnés en Europe", tandis que d'autres sont détenus par "des oligarques russes", distingue le coordinateur national du mouvement, Manuel Bompard, sur RMC ce jeudi.

Saisir les premiers, entrainera "des risques de réciprocité sur des avoirs détenus, par exemple, par la banque centrale européenne dans d’autres pays", pointe l'insoumis. Quand aux seconds, Manuel Bompard est "plutôt favorable" à leur confiscation, mais "le problème est qu'aujourd'hui il n'y a pas de base légale pour le faire", insiste-t-il.

Côté Rassemblement national, sans s'opposer explicitement à une saisie, Marine Le Pen a réclamé lundi un bilan pour "comprendre enfin à quoi servent (...) les intérêts des avoirs russes gelés qui ont, j'ai l'impression, été promis comme source de financement pour bien trop de sujets".

Baptiste Farge avec AFP