Allocution de Macron sur l'Ukraine: la gauche met en garde contre de "nouveaux sacrifices pour les Français"

Olivier Faure et Manuel Bompard à Paris le 12 octobre 2023 - Ludovic MARIN / AFP
À défaut d'être alignée dans ses réponses à la guerre en Ukraine, la gauche se retrouve sur un point précis. Ses différents responsables, qu'ils soient insoumis, socialistes ou écologistes partagent une même crainte après l'allocution d'Emmanuel Macron consacrée à la "nouvelle ère" qui s'esquisse face au basculement stratégique des États-Unis vis-à-vis de la Russie dans ce conflit.
Alors que le président a prôné devant les Français ce mercredi 5 mars des "investissements supplémentaires" en matière de défense, sans augmenter les impôts, tous s'inquiètent d'une remise une cause du "modèle social".
"Augmenter les impôts des plus riches"
Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure juge sur le réseau social X que "le soutien à l'Ukraine est un impératif", de même que "viser l'autonomie stratégique de l'Union européenne doit être un objectif".
Pour autant, "s'en donner les moyens ne peut pas passer par de nouveaux sacrifices pour les Français, la dégradation de nos services publics et l'abandon de la transition écologique", met en garde le député de Seine-et-Marne, ajoutant: "L'Europe n'est pas endettée, elle peut emprunter. Les avoirs russes doivent être saisis."
Même ton pour son homologue des Écologistes, Marine Tondelier. La secrétaire nationale du parti constate une situation en Europe "d'une gravité sans précédent depuis 1945", estimant que l'existence de l'Ukraine et l'Union européenne est "menacée par Vladimir Poutine et son nouvel allié à la Maison Blanche", Donald Trump.
En conséquence, sa formation n'est "pas contre" une augmentation du budget de la défense. "Mais faire payer l'économie de guerre aux plus précaires avec un budget austéritaire? Ce sera toujours non, et pour les mêmes raisons", prévient Marine Tondelier. Appelant à ne pas être "naïf", l'élue à la veste verte considère que "sans augmenter les impôts des plus riches, Emmanuel Macron ne pourra ni financer cet effort de guerre ni le faire accepter à la population."
"Il ne peut pas utiliser la peur"
Chez les insoumis, le discours rejoint celui des partenaires écologiste et socialiste sur ce sujet. Le coordinateur national Manuel Bompard est interrogé par LCI. Qu'a-t-il pensé de l'intervention du chef de l'État? "J'ai surtout eu l'impression que le président de la République a l'intention de nous demander (...) des remises en cause de notre modèle social, de nous demander de travailler plus longtemps", explique l'intéressé.
Or, "cela, évidemment, il ne peut pas en être question. Il ne peut pas utiliser la peur et l'inquiétude des Français pour nous imposer une politique dont nous ne voulons pas", avertit le député de La France insoumise.
En-dehors de ce point commun, LFI va plus loin dans sa critique du président de la République, ce qui rappelle ses divergences historiques sur les sujets internationaux avec Les Écologistes et le PS.
"Manifestement (Emmanuel Macron) a une grille de lecture (...) qui est celle du XXe siècle", déplore Éric Coquerel sur BFMTV.
"Qu'est-ce qui a changé depuis quelques semaines? Ce n'est pas l'offensive russe (...) Ce qui a changé est que les États-Unis ont changé leur alliance", poursuit le député insoumis, regrettant que la France ne se retire pas de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan), alliance entre des pays d'Europe et d'Amérique du Nord formée en 1949.
"À bas la guerre!"
La formation de Jean-Luc Mélenchon prône depuis des années de sortir de cette organisation et avait déposé une proposition de résolution en ce sens en décembre 2021. Après l'intervention présidentielle, le leader insoumis a écrit sur X:
"Oui, Macron dit vrai. C'est un changement d'époque. Mais ceux qui nous ont mis dans l'impasse et ont idéalisé les USA ne doivent plus être suivis. Priorité absolue: la sécurité de nos propres frontières sur les cinq continents, sécurité écologique, militaire, et des besoins sociaux de la population. À bas la guerre!"
Comme LFI, le Parti communiste français demande une "sortie de l'Otan" et appelle à "construire notre propre sécurité européenne". Dans un communiqué publié jeudi soir, le secrétaire national Fabien Roussel dit son désaccord avec Emmanuel Macron, alors que le président a confirmé vouloir "ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen". Même si cette décision d'engager l'arme nucléaire "a toujours été et restera entre les mains du président de la République".
"Ce n’est pas assurer la paix, c’est prendre le risque d’une confrontation nucléaire en Europe. Trois ans après l'agression russe, criminelle et injustifiable, contre l’indépendance de l’Ukraine, après un million de victimes, il est évident qu’il n’y aura pas de solution militaire, mais uniquement une solution négociée politique et diplomatique", écrit l'ancien député du Nord, devenu maire de Saint-Amand-les-Eaux après sa défaite aux dernières élections législatives.