Quoi de vraiment neuf dans les meetings "new look"?

Depuis plusieurs semaines, Bruno Le Maire sillonne les routes de France. Et c'est à Vesoul qu'il a officialisé sa candidature à la primaire de la droite, sans notes ni pupitre, simplement debout au milieu de la salle et en jeans, chemise blanche sans cravate. Une scénographie faite pour coller à l'image de "renouveau" que veut incarner le candidat.
"On a essayé de réinventer l'exercice sachant qu'il ne voulait pas parler au pupitre, explique à BFMTV Olivier Ubéda consultant en stratégie politique et publique et ancien directeur de la communication de l'UMP. L'idée c'est que ce soit les gens qui soient sur scène et lui qui soit au sol avec des gens qui posent des questions d'abord".
"Après la modernité de nos réunions, les discours derrière le pupitre d'Alain Juppé ou d'autres candidats apparaîtront bien vieillots", faisait remarquer à TF1, début avril, un député soutenant Bruno Le Maire.
En revanche, l'affiche de Superman offerte lors d'un meeting par ses soutiens alsaciens allait trop loin pour lui, qui ne veut pas apparaître en homme providentiel.
Fillon et la société civile
François Fillon n'est pas en reste et entend lui aussi incarner la modernité. Distancé dans la course à la primaire à droite, il va tenter de se démarquer de ses rivaux mardi 3 mai à Issy-les-Moulineaux. Une équipe de travail, menée notamment par le chef d'entreprise Pierre Danon, ex-patron de Numéricable, s'est réunie une fois par semaine pendant deux mois pour imaginer ce meeting d'un genre "nouveau".
Place désormais à "la société civile", explique à BFMTV Gautier Guignard, collaborateur de François Fillon. Sur l'estrade, le député Les Républicains sera en effet accompagné de sept personnalités du monde de l'entreprise, les élus qui soutiennent le Sarthois seront cantonnés aux premiers rangs.
Le candidat répondra également à des questions posées via les réseaux sociaux et le public pourra voter pour désigner la proposition la plus urgente.
Macron sur Dailymotion
Emmanuel Macron, lui aussi, mise sur les réseaux sociaux. Pour le lancement de son mouvement "En Marche!", les invitations avaient été lancées par le seul canal de Facebook. Cette "rencontre citoyenne" se tenait sans la présence des journalistes qui n'étaient pas conviés, mais elle était accessible sur Dailymotion. Le ministre avait lui aussi fait tomber la cravate (mais pas la veste) et un micro circulait pour "échanger de manière très directe".
Si certaines de ces idées sont originales, d'autres sentent le réchauffé. BFMTV.com a posé trois questions à ce sujet Paula Cossart, maitre de conférences en sociologie à l'université de Lille 3 et auteure de Le meeting politique. De la délibération à la manifestation (1868-1939), Rennes, PUR, 2010.
Où est la nouveauté dans les exemples cités ?
"Il n'y a rien de complètement nouveau. Quand il était candidat à la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy avait déjà tenu des 'meetings interactifs' en 2014. En 2007, Ségolène Royal jouait déjà sur le registre de la proximité et du participatif. Le fait qu'un candidat puisse répondre à des questions est quelque chose de très courant aux Etats-Unis. Eva Joly avait elle aussi convié des membres de la société civile sur scène en 2012. Et la diffusion des meetings en direct sur Internet avait marqué les esprits en 2012.
Ce qui est important, c'est l'usage par toutes ces équipes de la rhétorique de la nouveauté. Pour que l'on parle d'un meeting, il faut soit faire une démonstration de force à travers un meeting géant soit sembler faire preuve de nouveauté".
Quel est l'avantage de ce type de réunions?
"Il ne faut pas oublier que la question de l'argent est fondamentale depuis l'affaire Bygmalion. Avec un grand meeting, on est sûr qu'il aura des échos dans la presse, mais ça coûte cher. Or il n'y a pas de campagne pour les primaires avec financement de l'Etat pour l'instant. Les réunions dans des petites salles, retransmises sur Internet, coûtent moins cher, tout en pouvant faire parler d'elles si elles semblent renouveler le genre de la réunion publique."
Des mouvements comme Nuit Debout illustrent l'envie des citoyens d'être actifs. Est-ce que cela joue aussi?
"Dans ce contexte, organiser des meetings très classiques ne prendrait pas, effectivement. C'est pourquoi ils cherchent à créer de l'interactivité et jouer la carte du participatif. On peut aussi faire le lien avec la volonté de rompre avec les canons de la politique traditionnelle et montrer ainsi notamment qu'on est à l'écoute.
Mais on sait, par exemple, que François Fillon ne prendra pas beaucoup de risques en piochant sur Facebook et Twitter les réponses auxquelles il choisira de répondre".
sujet vidéo Agathe Lambret et Celeste Joseph