Université d’été annulé, Manuel Valls hué : le PS embourbé à moins d’un an de la présidentielle

Une affiche annonçant l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, annulée et reportée sous une autre forme - Xavier Leoty - AFP
Le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS) a annoncé dimanche l'annulation de l'université d'été de la Belle Alliance Populaire (BAP) qui devait se tenir fin août à Nantes. Jean-Christophe Cambadélis a ensuite précisé qu'elle serait remplacée par plusieurs universités régionales au mois de septembre. Le rendez-vous raté est à l'image du trouble qui divise le pays après des mois de contestation contre le projet de loi Travail. Et présage une année de campagne présidentielle sous tension.
"Cela traduit l'état de délabrement dans lequel se trouve le Parti socialiste aujourd'hui", estime Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof joint par BFMTV.com. "A la fois usé par le pouvoir et un sentiment de fracture."
Eviter une université d'été sous protection policière
Au cœur de cette annulation: des problématiques de sécurité. Dans l'entourage du Premier secrétaire, on avoue craindre les violences "des zadistes et les black blocs". Nantes apparaît comme le foyer de la contestation contre la loi Travail, mais aussi contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Or, sur les réseaux sociaux, des pages appelaient à empêcher l'événement. "Faisons-leur regretter d'avoir choisi Nantes", "Rendez-vous du 26 au 28 août pour perturber l'université du PS", pouvait-on y lire. Sans compter que le PS a été visé à de multiples reprises: 150 de ses locaux ont été attaqués ou vandalisés depuis le mois de janvier.
Jean-Christophe Cambadélis a donc eu raison, selon Bruno Cautrès, politologue spécialiste du PS. "Une université d'été sous protection policière, pour un parti de gauche, aurait fait tache. Des images d'une réunion tournant à la foire d'empoigne avec la contestation d'une partie de ses membres contre la loi Travail auraient été très négatives." Sans compter que, selon lui, les électeurs sanctionnent dans les urnes les partis qui ne sont pas en ordre de bataille.
Mais si le PS s'embourbe dans des questions de sécurité, en toile de fond, c'est de l'avenir du parti dont il est question.
Manuel Valls et Stéphane Le Foll hués
Ces derniers temps, les incidents ne cessent de s'accumuler pour la majorité. A l'occasion du premier déplacement de Manuel Valls en tant que chef du gouvernement en Corse lundi, la sécurité a été renforcée, la visite ayant été jugée sensible. Le Premier ministre a été hué alors qu'il se rendait à la mairie de Bastia malgré le déploiement d'un important dispositif policier. Vendredi soir, Manuel Valls subissait déjà les sifflets d'opposants à la loi Travail lors d'un déplacement à Montpellier, malgré des filtrages et fouilles systématiques aux entrées du parc où se tenait le rassemblement.
Lundi soir, Stéphane Le Foll a également essuyé les foudres des opposants. Le ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement a dû entrer par la porte de derrière lors d'un meeting à Lille organisé par le collectif "Hé oh la gauche" afin d'échapper à des manifestants, dont certains ont tout de même réussi à s'infiltrer dans la salle. Fin juin, l'un de ses précédents meetings à Bordeaux avait été chahuté et avait dû être écourté.
Le risque d'une année présidentielle impossible
Pour Olivier Rouquan, chercheur en sciences politiques, le phénomène n'est pas nouveau.
"La situation de harcèlement du pouvoir exécutif a commencé il y a plusieurs mois", explique-t-il à BFMTV.com. "Le maintien de la loi Travail a poussé la mobilisation à se manifester, aussi bien dans la rue qu'en harcelant les dirigeants. Cela fait partie des moyens de lutte des mouvements radicaux".
A moins d'un an de l'élection présidentielle, la campagne s'annonce délicate. Car chaque déplacement ou réunion publique fait à présent l'objet de mesures de sécurité renforcée: périmètres élargis, fouilles systématiques, présence policière renforcée. Sans compter les réunions ouvertes qui pourraient ne plus être possibles. Une seule solution pour le gouvernement: aller plus vite.
"La loi Travail doit être adoptée si l'exécutif veut un retour au calme et envisager la suite de manière sereine", ajoute Olivier Rouquan, également enseignant à l'Institut supérieur du management public et politique. "Si le texte reste dans les tuyaux, l'année présidentielle à venir deviendra impossible".
"Les opposants auront moins intérêt à contester le pouvoir"
Le scénario d'un enlisement est-il inéluctable? Pas forcément, selon le politologue.
"Avec la campagne des primaires, il y aura plusieurs choix, tout sera remis en jeu. De nouvelles propositions verront le jour, y compris pour les plus radicaux qui pourront soutenir leur leader. Les opposants auront ainsi moins intérêt à contester le pouvoir qui se remettra en jeu avec la perspective de nouvelles élections."
Ce mardi, les opposants à la loi Travail se mobilisent à nouveau pour une douzième journée de manifestation, alors que Manuel Valls va recourir à l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote à l'Assemblée nationale.