Un "statut de réfugié" pour les scientifiques américains? Hollande veut une loi face aux coupes budgétaires de Trump

François Hollande à Paris le 10 mars - Ludovic MARIN / AFP
Une esquisse de réponse face au tremblement de terre vécu par le monde de la recherche aux États-Unis. Depuis son retour à la Maison Blanche de Donald Trump, la nouvelle administration américaine a coupé dans les budgets de centaines de programmes d'enseignement supérieur et de laboratoires.
Il faut "permettre aux scientifiques de pouvoir disposer d'un titre de séjour, d'un visa avec le statut de réfugié, et de pouvoir continuer leurs recherches en France", exhorte l'ancien président François Hollande, redevenu député, dans une interview auprès de France inter ce mardi.
"Chassés de leurs universités"
Plusieurs établissements universitaires très prestigieux, de Columbia à Harvard, se sont vu menacer de voir toutes leurs subventions publiques coupées ces dernières semaines.
Plusieurs domaines de recherche sont particulièrement visés comme les sciences du climat. Un document budgétaire transmis au Congrès prévoit ainsi la fermeture du centre de recherche de l’Agence météorologique et océanographique américaine (NOAA), l’un des principaux centres mondiaux de recherche sur le climat.
Quant aux instituts nationaux de la santé, des agences chargées de la recherche médicale aux États-Unis en pointe sur la lutte contre le cancer, le diabète et la démence, elles ont enregistré des centaines de licenciements ces dernières semaines.
"Ce qu'il se passe actuellement aux États-Unis aboutit à ce que des scientifiques soient non seulement licenciés, mais aussi chassés de leurs universités, que leurs travaux soient mis en cause pour les sujets qu'ils traitent", regrette encore François Hollande.
Le gouvernement aux avant-postes
Avec 1,5 million de chercheurs et le deuxième rang en nombre de publications scientifiques, le pays joue pourtant un rôle clef dans l’avancée des connaissances. De quoi pousser plusieurs collectifs de scientifiques à demander aux universités européennes de les accueillir.
Le gouvernement semble avoir entendu leurs demandes. Philippe Baptiste, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche, a déjà demandé aux acteurs de la recherche à réfléchir à l'accueil des scientifiques qui quitteraient prochainement les États-Unis, sans s'engager sur des modalités précises.
"Ce qu'il faut, c'est pouvoir pérenniser leur présence à travers un visa qui serait un visa pour travaux scientifiques. Les universités sont désireuses de les accueillir et tout à fait prêtes à le faire", veut convaincre François Hollande.
Des salaires et des moyens sans commune mesure avec d'autres pays européens
Cette volonté risque cependant de se heurter à certaines réalités financières. Jusqu'ici, les États-Unis dépensaient chaque année 3,46% de leur PIB pour financer leur recherche contre 2,2% pour la France. Le budget 2025 du ministère de la Recherche a d'ailleurs enregistré une baisse d'un milliard d'euros cette année.
Les chercheurs américains pourraient donc préférer se tourner vers la Suisse ou encore la Suède, qui dépensent chacune plus de 3% de leur PIB sur le sujet.
Quant aux salaires, ils n'ont rien à voir. En France, selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, un chercheur d’environ 35 ans touche autour de 3.600 euros brut par mois, primes et heures supplémentaires incluses).
En comparaison, un postdoctorant qui est bien souvent un chercheur en tout début de carrière à l’université Stanford (Californie) perçoit environ 6.000 euros par mois, d'après les grilles de salaire indiquées sur leur site.
Aix-Marseille université prête à l'accueil
Là encore les chercheurs pourraient être attirés par nos voisins européens. En 2019, un rapport commandé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche indiquait, par exemple, que les salaires d’entrée des enseignants-chercheurs étaient de 4.200 euros par mois au Royaume-Uni et de 8.000 euros en Suisse.
"Si on les laisse partir de la France, ils iront ailleurs, dans d'autres pays européens, ou en Asie, où on pourra leur proposer des conditions de travail et des titres de séjour qui les stabiliseront", reconnaît d'ailleurs François Hollande.
En France, Aix-Marseille Université a annoncé début mars qu'elle mettait en place un programme dédié à l'accueil des chercheurs américains, notamment ceux qui travaillent sur des sujets comme le climat. François Hollande avait déjà salué l'initiative dans une tribune commune publiée avec le président de la faculté Éric Berton dans Libération.
Cette proposition de loi a-t-elle des chances d'être votée à l'Assemblée nationale? Le calendrier parlementaire est pour l'instant très embouteillé. Quant à la niche parlementaire des socialistes qui leur permet d'avoir la main sur l'agenda de l'hémicycle, elle n'aura pas lieu avant l'automne.