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Position sur le FN: le "pain au chocolat" de François Fillon

François Fillon risque de traîner sa "petite phrase" comme un boulet.

François Fillon risque de traîner sa "petite phrase" comme un boulet. - -

Les propos de l'ancien Premier ministre sur le Front national ne cessent de secouer l'UMP. Alors stratégie ou dérapage incontrôlé? Les cadres du parti sont unanimes pour condamner ce qu'ils considèrent comme une première.

Terminée la politique du "ni-ni". Aux oubliettes la stratégie portée par Nicolas Sarkozy puis par Jean-François Copé. François Fillon marche seul vers son ambition présidentielle de 2017. Et pour la satisfaire, il entend parler (entre autres) aux électeurs du Front national. Les cadres de l’UMP -bien que la Droite forte ait salué sa propre "victoire idéologique"- ont choisi de critiquer sa position. Les sympathisants du principal parti de droite semblent, eux, approuver: selon un sondage BVA pour iTélé 70 % des proches de l'UMP sont pour une normalisation du parti de Marine Le Pen.

De là à imaginer un "calcul politicien"? "Oui, je le pense", a affirmé François Bayrou lundi sur BFMTV. La question de la stratégie ne ferait donc aucun doute chez un homme qui avait pourtant prévenu dès octobre 2012: "Je suis beaucoup plus à droite qu’on le pense". A l'époque il s'agissait de s'affirmer face au rival Copé dans la bataille de l'UMP. "Tous ceux qui cherchent à comprendre Fillon n'y arrivent pas", souligne le politologue Thomas Guénolé. "C'est peut-être que cette sortie est incompréhensible. Donner en permanence crédit aux hommes politiques d'un sens tactique avisé est erreur".

Les ambitions de Fillon

"Le terme technique pour désigner ce qu’a fait François Fillon est: 'une énorme connerie'", affirme sans rire le politologue Thomas Guénolé. "Cela peut arriver à n’importe qui dans son univers professionnel mais François Fillon risque de traîner cette petite phrase, prononcée à deux reprises, comme un boulet." Nicolas Sarkozy avait "les racailles nettoyées au Karcher", Jean-François Copé ses "pains au chocolat", François Fillon a désormais sa position sur le FN.

"François Fillon a une position qui est unique, qui n'est suivie par semble-t-il pas grand monde", affirme Benoist Apparu au Monde. Cette semaine François Fillon devrait venir s’expliquer face à ses camarades. Face à face. En force dans le parti, les pro-Fillon minimisent désormais la portée des propos et ironisent sur les "fausses polémiques" des derniers jours.

"François Fillon ne sait pas par quel bout prendre le rapport de force", estime le politologue Thomas Guénolé qui ajoute que ce gaulliste modéré, séguiniste, a surjoué dans un domaine qu’il ne maîtrise pas. "Cette sortie témoigne d’une impréparation, d’un manque de réflexion quant aux conséquences. Si François Fillon est l’homme le plus structuré au niveau des idées, il reste médiocre en termes de communication. Il ne parvient pas à partager ses vues au plus grand nombre".

"Une polémique vieille de 20 ans"

Mais quelles peuvent être les conséquences de cette sortie sur le futur de l'UMP? "C'est incompréhensible de la part d'un homme politique expérimenté qui devait bien se douter qu'il allait relancer une polémique vieille de plus de 20 ans, et précipiter à nouveau sa formation politique dans le piège qui lui est tendu de manière récurrente", s’est étonné Alain Juppé sur son blog.

François Fillon se retrouve d’un seul coup plus à droite que Jean-François Copé et quasiment sur la même ligne que l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy.

"C'est l'avenir de l'UMP qui est en jeu si on la laisse dériver vers l'extrême droite", a d’ailleurs dit le patron de l'UMP, qualifiant la situation de "grave". Normal car l’occasion est belle pour le député-maire de Meaux d’inverser la tendance. "Il était le champion de la récupération idées droitières et se retrouve d'un coup libéré du coin ‘lepéniste’ où il était confiné, estime Thomas Guénolé. Il pourrait même engager un procès en sorcellerie contre son ancien rival".

La gravité des propos de François Fillon, soulignée par tous, fait qu’"aucune porte n’est fermée", prévient Thomas Guénolé. Pourtant un éclatement semble peu probable tant "l’UMP est devenue une marque dont chaque candidat aura besoin". Et que, tous sans exception, craignent une nouvelle session autodestructrice qui, elle, ne profiterait à personne.

Samuel Auffray