Hésitations, consultations... La journée où Macron a laissé planer le doute sur la tenue des municipales

Jeudi dans l'après-midi, les rédactions bruissaient d'une hypothèse radicale: après plusieurs semaines d'apaisement gouvernemental sur la tenue des municipales en ces temps de coronavirus, Emmanuel Macron allait annoncer le report du scrutin dans la soirée, au vu de l'évolution de la situation. Pourtant, lors de l'allocution télévisée diffusée ce jeudi soir en direct, Emmanuel Macron, qui a décrété la fermeture "jusqu'à nouvel ordre" de tous les établissements scolaires et universitaires, a recommandé aux personnes de plus de 70 ans de limiter au maximum leurs déplacements, aux entreprises de favoriser le plus possible le télétravail, a déclaré:
"J’ai consulté les scientifiques sur les municipales dont le premier tour se tient dans quelques jours : ils considèrent que rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes." Plus tôt, cependant, c'est bien la piste d'un décalage des municipales à une date ultérieure qui était favorisée.
Sûr à "99%"
La journée présidentielle a été scandée par de nombreux rendez-vous: un conseil scientifique, un conseil de défense, un déjeuner de travail, les consultations des principaux personnages de l'Etat. Lors du déjeuner de travail réunissant à l'Elysée Emmanuel Macron et Edouard Philippe, on discute d'ailleurs report. L'entourage d'Edouard Philippe fait même savoir que son champion a décidé d'annuler son meeting au Havre.
Après un crochet par Matignon, le Premier ministre revient au "Château". Le renoncement temporaire au prochain suffrage est encore dans les tuyaux. Un des cadres de la "macronie" confie même à notre antenne que la chose est décidée à "99%", tandis qu'une source officiant au ministère de l'Intérieure, portefeuille de tutelle des élections en France explique qu'on commence déjà à écrire les textes nécessaires à cette reconfiguration.
"On lui a dit que s'il faisait ça..."
Toutefois, Emmanuel Macron doit s'entretenir avec le président du Sénat, Gérard Larcher, deuxième personnage de l'Etat, avec qui il a convenu d'un entretien téléphonique. Or, le patron de la chambre haute s'est mis d'accord avec Christian Jacob, président du groupe "Les Républicains" à l'Assemblée nationale et François Baroin, autre figure de son mouvement et surtout président de l'Association des maires de France: pas question de soutenir l'idée de municipales renvoyées aux calendes grecques. "On lui a dit que s’il faisait ça, c’était un véritable coup d’état!" explique la famille politique.
La donne s'inverse et après un ultime coup de fil entre Edouard Philippe et Christian Jacob, l'exécutif finit par se détourner d'une option trop explosive politiquement. L'opposition de gauche, Jean-Luc Mélenchon en tête, choisit de faire confiance sur ce point au cap gouvernemental mais le Rassemblement national raille le cabinet, assurant que, dans la matinée, à l'heure où les chefs de partis étaient convoqués à Matignon, la question n'a pas été débattue. "Tout ça ressemble à de l'amateurisme", pose un cadre de la formation de Marine Le Pen.
Mise en scène?
Pour certains commentateurs, il ne s'agit là au fond que d'une spectaculaire mise en scène. Ainsi, ce vendredi matin sur notre plateau, notre éditorialiste politique, Christophe Barbier, a développé:
"Le président savait qu’il n’avait ni base juridique sérieuse, l’article 16 de la constitution n’a servi qu’une fois pour le putsch des généraux en 1961, on ne pouvait pas le déclencher pour ça, ni politique car tous les partis étaient contre, et pas de base médicale car dans un bureau de vote, on peut s’organiser. Il a mis en scène cette hésitation, ne nous trompons pas. Il savait qu’il n’arrêterait pas les municipales mais il a voulu montrer aux Français que même l’impossible, il pouvait l’envisager. Ne tombons pas dans le panneau de la communication de l’Elysée."