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Risque de censure et menace d'une nouvelle dissolution: l'étau se resserre autour de François Bayrou

Le Premier mnistre François Bayrou lors d'une conférence de presse suite aux discussions de plusieurs mois sur la réforme des retraites avec les partenaires sociaux, à l'Hôtel Matignon à Paris, le 26 juin 2025

Le Premier mnistre François Bayrou lors d'une conférence de presse suite aux discussions de plusieurs mois sur la réforme des retraites avec les partenaires sociaux, à l'Hôtel Matignon à Paris, le 26 juin 2025 - Thomas SAMSON © 2019 AFP

Le Premier ministre doit faire face à la colère des socialistes après l'échec du conclave sur les retraites et celle de la droite sur la proportionnelle. Quant au RN, il pourrait aussi chercher à censurer François Bayrou sur le budget à l'automne. Mais le locataire de Matignon garde des atouts dans sa manche.

Reste-t-il encore un peu d'oxygène à François Bayrou? Désormais visé par une motion de censure des socialistes ce mardi dans l'hémicycle et probablement à l'automne par le Rassemblement national, le Premier ministre est en très grande difficulté.

"Tout le monde me menace", a admis le Premier ministre ce dimanche sur RTL/Public Sénat/Le Figaro.

Exit "l'indulgence" des socialistes

À commencer par les troupes d'Olivier Faure à l'Assemblée nationale. L'échec du conclave sur les retraites, dont l'annonce en janvier puis le lancement en mars avait permis à François Bayrou de s'assurer d'une relative bienveillance des socialistes, a changé la donne.

Si la motion de censure n'a aucune chance d'être adoptée sans les voix du Rassemblement national, qui a déjà expliqué ne pas souhaiter la voter, elle risque de donner le ton dans les prochains mois, lors de l'étude des budgets.

En octobre, le chef du gouvernement va devoir s'atteler à trouver de nouveau un accord avec le PS pour être certain de parvenir à adopter les projets de loi de finances de l'État et de la sécurité sociale. Mais l'hypothèse a du plomb dans l'aile.

"Nous n'aurons plus aucune indulgence", a déjà prévenu le premier secrétaire du PS sur LCI ce dimanche, expliquant désormais "souhaiter que François Bayrou ne soit plus Premier ministre et qu'il y ait un véritable changement".

Le RN réfute tout "deal" sur la proportionnelle

Le patron des socialistes juge que François Bayrou n'a pas respecté sa promesse, en ne saisissant pas immédiatement le Parlement sur l'échec du conclave pour lui demander de se prononcer de l'âge de départ à 64 ans. La mesure n'a jamais été votée par les députés à cause de l'activation d'un 49.3 par Élisabeth Borne, alors Première ministre en 2023.

Lâché par le PS, le centriste a donc décidé de se tourner vers le RN pour assurer sa survie. Pour tenter de conclure un accord avec le mouvement de Jordan Bardella ou au moins d'obtenir une certaine bienveillance, François Bayrou propose de débattre de la proportionnelle pour les législatives, réclamée depuis des années par Marine Le Pen, à la fin de l'année, au lieu du mois de septembre, prévu dans un premier temps.

"Nous ne sommes pas des marchands de tapis", s'est offusqué le député RN Julien Odoul ce lundi matin sur Public Sénat, réfutant l'idée d'un "deal" avec le Premier ministre.

Sans appeler explicitement à faire tomber le centriste, Jordan Bardella a été relativement transparent dans ses intentions. "On est tous d’accord pour se dire que ce gouvernement ne vivra pas très longtemps", a asséné le président du RN ce samedi lors d'une convention réunissant les troupes d'Éric Ciotti et les députés du parti à la flamme.

La taxe Zucman pour amadouer le PS

Quant aux Républicains, ils ne sont guère plus accommodants. Farouchement opposé à la proportionnelle, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a promis sur BFMTV ce dimanche de "s'y opposer". De quoi laisser entendre donc que la nouvelle étoile de la droite pourrait démissionner si le Premier ministre persistait et emmener avec lui tous les autres ministres LR. Et sans eux au gouvernement, les députés LR n'ont plus guère d'intérêt à continuer de soutenir François Bayrou.

Mais le Premier ministre garde des atouts dans sa manche. Les quelques mois supplémentaires qu'il s'accorde sur la proportionnelle pourraient lui permettre de discuter des modalités de la réforme avec des responsables à gauche qui y sont favorables. C'est par exemple le cas de François Hollande, très clément avec François Bayrou, d'autant plus que le PS n'a pas encore arrêté officiellement sa position sur ce dossier.

Autre possibilité: lâcher du lest sur le budget. Le centriste pourrait par exemple accepter le principe d'une taxe Zucman, du nom de l'économiste Gabriel Zucman, qui milite pour taxer les patrimoines des ultra-riches et qui est largement soutenue par Olivier Faure.

François Bayrou aurait cependant peut-être la chance de retrouver la clémence du PS à l'approche des municipales avec l'espoir que la gauche rechigne à retourner la table à quelques mois de ces échéances capitales pour elle.

Une dissolution qui empêcherait Le Pen

Mais c'est peut-être le sort de Marine Le Pen qui pourrait permettre au Premier ministre de passer l'hiver. La présidente des députés RN a beau jeu d'appeler ses élus à se préparer en cas de nouvelle dissolution, comme elle l'a fait samedi, les exhortant à "ne pas procrastiner".

Mais en réalité, si Emmanuel Macron décidait de dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale une fois la chute de François Bayrou actée, le RN ferait grise mine. Sous le coup d'une peine d'inéligibilité de cinq ans pour laquelle elle a fait appel, l'ex-candidate à la présidentielle du RN ne pourra pas se représenter.

Manifestement peu soucieux de soutenir son successeur, Michel Barnier n'a pas fait semblant ce vendredi soir dans les colonnes du Figaro. "Si ce gouvernement venait à tomber, il faudra en revenir au peuple et je pense que le président devra dissoudre", a avancé l'ex-Premier ministre tombé après seulement 91 jours à Matignon.

Peu importe la suite pour François Bayrou, il pourra déjà se targuer de ne pas avoir été le chef du gouvernement le plus éphémère de la Ve République.

Marie-Pierre Bourgeois