Réforme des retraites: Emmanuel Macron a-t-il vraiment promulgué le texte dans la nuit?

Emmanuel Macron avait ouvertement affiché sa volonté de promulguer la loi sur la réforme des retraites au plus vite, après la validation vendredi par le Conseil constitutionnel de l'essentiel de ce texte du gouvernement, et notamment de la mesure phare du report de l'âge légal de départ à 64 ans. C'est désormais chose faite, la loi ayant été publiée samedi matin au Journal officiel.
"Le Journal officiel paraît la nuit"
Si la promulgation rapide du texte est dénoncée par les oppositions, sa publication nocture est moins étonnante. "Le Journal officiel paraît la nuit, il paraît tout le temps la nuit", a justifié sur le plateau de BFMTV le député Renaissance David Amiel samedi. Par ailleurs, "c'est une obligation" pour le président de promulguer les lois, a-t-il ajouté, soulignant qu'il "aurait été irrespectueux d'entretenir un faux suspense".
Le Journal officiel est publié du mardi au dimanche depuis 1869. Il est désormais publié par voie électronique uniquement. Le site de la Direction de l'information légale et administrative de la Première ministre précise par ailleurs que "l'usage, les obligations politiques et juridiques ont conduit à une parution matinale du (Journal officiel), en moyenne entre 2 et 7 heures" du matin, même si "la sortie de celui-ci ne connaît pas d'horaire officiel défini".
Le Journal officiel recense l'ensemble des textes législatifs et règlementaires français. Tous les textes promulgués sont rendus publics par ce biais et peuvent alors entrer en vigueur par la suite. La promulgation des lois, décrets, et autres textes est donc régulièrement publiée durant la nuit, compte-tenu des horaires de parution habituelles du Journal officiel.
La promulgation intervient avant la publication
Cela ne signifie toutefois pas qu'Emmanuel Macron a promulgué la loi en pleine nuit. La promulgation de la loi est "l'acte par lequel une loi devient exécutoire", le texte étant signé par le président de la République et "contresigné par le Premier ministre et les ministres qui seront chargés d'appliquer la loi", explique le site gouvernemental Vie publique.
Vient alors ensuite l'heure de la publication du texte promulgué au Journal officiel, le plus souvent dans la nuit. Il est par ailleurs indiqué, dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, le texte contenant la réforme des retraites, que le document a été "fait à Paris, le 14 avril 2023", soit vendredi après la décision du Conseil constitutionnel, et non dans la nuit de vendredi à samedi. Seule la publication a été nocturne.
Le président de la République disposait de 15 jours après la décision du Conseil constitutionnel pour procéder à cette promulgation. Il a décidé d'aller vite, mais la promulgation, est "la suite logique" du cheminement de ce texte, d'abord adopté par le Parlement -sans le vote de l'Assemblée nationale, avec l'usage par Élisabeth Borne du 49.3- puis validé pour l'essentiel par le Conseil constitutionnel, a défendu le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester, pour qui "on n'a pas intérêt collectivement à revenir en permanence sur le même sujet".
"Même la nuit, il nuit"
Pour Jean-Luc Mélenchon en revanche, la publication nocturne du texte montre la volonté d'Emmanuel Macron d'"intimider toute la France dans la nuit". Cela constitue un "absurde affichage d'arrogance", a déclaré l'Insoumis sur son compte Twitter.
François Ruffin a également fustigé sur Twitter un "hold-up démocratique", dénonçant une promulgation de la loi par "Emmanuel Macron et sa bande" "comme des voleurs" durant la nuit. "Même la nuit, il nuit", a renchéri le député LFI Alexis Corbière.
"Cette promulgation dans la nuit, mais quelle provocation ! Nouvelle fanfaronnade d'Emmanuel Macron, alors que le pays n'a jamais été autant fracturé. C'était vraiment le moment..." a également réagi Marine Tondelier sur Twitter.
Les députés de la Nupes avaient réclamé, dans la foulée de la décision du Conseil constitutionnel, un nouveau débat autour de ce texte à l'Assemblée nationale. Une demande balayée par Emmanuel Macron.
"De nuit comme de jour, cette réforme est injuste", a également dénoncé le patron de la CFDT Laurent Berger, fustigeant un nouveau signe de "mépris renvoyé aux travailleurs". Pour lui, la "sagesse démocratique exigeait de ne pas promulguer (la loi) et de renouer le dialogue".
Le président de la République s'exprimera par ailleurs lundi soir, a appris BFMTV. Le même jour, l'intersyndicale se réunira afin de préparer "toute une série d'actions jusqu'au 1er mai", journée pour laquelle les syndicats ont appelé à un "raz-de-marée populaire".