GRAND ANGLE - Michèle Marchand, des boîtes de nuit aux coulisses du pouvoir
Des boîtes de nuit aux coulisses du pouvoir, des photos volées aux portraits de la famille Grimaldi. Le parcours de Michèle Marchand, née en 1947 à Vincennes et fille d'un couple de résistants, est à des années-lumière de celui du couple Macron, dont elle avoue du bout des lèvres être une conseillère officieuse en matière d’image.
"Moi, je suis un petit électron libre, comme ça, à qui on peut demander de temps en temps 'Qu'est-ce que tu penses?', mais rien d’autre!", jure-t-elle pourtant au micro de Pauline Revenaz, dans notre reportage Grand Angle - BFMTV.
Michèle Marchand affirme ne pas donner de conseils, mais d’être "plutôt un peu critique de ce que font mes collègues journalistes". Une fois par semaine, elle se rend à l’Elysée pour débriefer l’actualité, dans l'aile Madame.
"Les Macron, c’est un concept politique, c’est un concept marketing en politique, c’est-à-dire que tout est construit. L’image du couple n’a rien de spontané. (…) Tout est orchestré par la fameuse Mimi Marchand, omniprésente dans le monde du show-business", explique le conseiller en communication, Philippe Moreau-Chevrolet.
Une carrière éclectique
Il faut dire que la presse people, c’est son domaine. Fille de coiffeurs à Vincennes, garagiste, gérante de boîtes de nuit dans les années 80. Pascal Fratellini, qui a travaillé avec elle à l'époque et exerce toujours dans le monde de la nuit, se souvient: "C’est une taulière. Une patronne c’est bien mais une taulière c’est une femme qui mène ses troupes d’une poigne de fer. Elle était puissante et bien entourée et être entourée, ça peut être avoir des amitiés dans la police mais aussi du côté de la voyoucratie. Il faut marcher sur le fil."
Michèle Marchand, dite "Mimi", a déjà un long parcours derrière elle quand elle plonge dans la presse people dans les années 90, grande époque de scandales.
En 1996, elle rejoint Voici où elle se rend rapidement indispensable avec ses dossiers sur les célébrités. Deux ans plus tard, elle quitte le magazine, après qu'elle a été mise en examen pour faux et usage de faux avant de bénéficier d'un non-lieu dans une affaire où on l'accusait d'avoir une vendu une fausse interview d'un ancien garde du coups de Lady D., et fonde l’entreprise Shadow&Co, d’où elle continue à fournir la presse people en articles et photos. En 2011, elle crée Bestimage, aujourd'hui l’une des plus grosses agences photo de Paris, toujours à l’affût des moindres remous de la sphère politico-médiatique.
Lena Lutaud, journaliste au Figaro, revient sur la dimension sulfureuse du personnage: "A l’époque on est à l’apogée de la presse people et Michèle Marchand, elle a des méthodes un peu olé-olé. Donc elle paye ses indics le plus souvent en liquide. Elle peut avoir des stars sous contrat, c’est-à-dire qu’elle s’occupe de leur image et en même temps, elle va vendre des photos volées." Interrogée à ce propos, Michèle Marchand réfute: "C’est faux, c’était la même façon de travailler dans la presse qu’aujourd’hui, sauf qu’elle était à l’époque plus officieuse, et qu’elle est aujourd’hui officielle. C’est plus facile de dire: ‘On aimerait faire un sujet avec vous’ que de se cacher derrière un arbre."
Aux côtés des Macron pendant la course présidentielle
Autant dire qu’en matière d’image, Michèle Marchand s’y connaît. En août 2016, c’est elle qui conseille à Brigitte Macron de poser en maillot de bain à côté de son mari, sur une plage de Biarritz.
"Réfléchis. Toute la France parle de votre différence d’âge. Eh bien là, tu vas leur en mettre plein les mirettes. Assume! Tu es belle", lui dit-elle, rapporte Vanity Fair dans un long portrait.
"Elle n’a rien signé avec les Macron", précise Pauline Revenaz, qui l’a interviewée pour BFMTV. "Elle a une espèce de contrat moral, (...) un contrat d’amitié, certains disent un contrat de confiance", continue la journaliste.
"Elle a été très influente pendant l’ascension du couple Macron en route vers l’Elysée, elle l’est peut être moins aujourd’hui", concède-t-elle.
Selon Vanity Fair, c'est Xavier Niel qui présente Michèle Marchand au couple Macron au printemps 2016, alors que le ministre de l’Economie n’est pas encore candidat mais que des rumeurs sur sa prétendue homosexualité se font entendre.
Elle conseille à Emmanuel Macron d’utiliser l’humour comme parade, puis d’enlever les pupitres lors de ses discours, apparaît aux meetings, puis continue de suivre le couple jusqu’à l’Elysée. Proche du couple Bruni-Sarkozy, elle n’est pas étrangère aux politiques.
Aucun rôle officiel à l'Elysée
Pour son ami Marc-Olivier Fogiel, qui la décrit comme une marraine incontournable pour les célébrités, son mariage en 2015 est le signe de sa popularité: "Pour quelqu’un qui a la réputation d’être infréquentable, je pense qu’elle ne doit pas être si infréquentable que ça pour que Nicolas Sarkozy soit là, pour que Carla Bruni soit là, pour que des tas d’artistes soient là", confie-t-il à BFMTV.
Pourtant, à l’Elysée, Michèle Marchand n’a aucun rôle officiel: elle ne figure même pas sur l’organigramme. Face à des Ismaël Emelien, Sibeth Ndiaye, Bruno Roger-Petit et Alexis Kohler, plus classiques, plus traditionnels dans leurs méthodes, Michèle Marchand fait figure d’ovni. Pourtant, la contradiction ne semble pas effrayer le couple Macron.
"Le people, c’est à part, c’est vraiment l’image", fait valoir Laurent Neumann, éditorialiste politique sur BFMTV. "Il y a l’image, il y a le son. (...) Ceux qui sont à l’Elysée, ce sont ceux qui préparent le son. Il y a le logiciel politique, les idées qu’on amène au chef de l’Etat, et il y a surtout la manière dont on les met en scène, dont on les met en musique pour des émissions de télé, pour des déplacements. Tous ces gens là ont des rôles extrêmement déterminés", analyse-t-il.
Des rôles dont "Mimi" Marchand se tient écartée. "Je pense que ce qu’elle aime, c’est être dans la coulisse. C’est effectivement une femme de l’ombre, qui entend le rester", conclut Pauline Revenaz.