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EDITO - "Hollande est devenu le frondeur de Macron"

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Nos éditorialistes reviennent sur le duel entre Emmanuel Macron et François Hollande, qui connaît un nouvel épisode avec la parution du livre de l'ancien président ce mercredi, dans lequel il attaque son successeur et tente de défendre son bilan.

Que reste-t-il à François Hollande? L'ancien président de la République, lancé dans une opération de réhabilitation de son quinquennat avec la parution ce mercredi de son livre Les Leçons du pouvoir, conserve selon nos éditorialistes un pouvoir de nuisance.

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> Laurent Neumann: "Hollande ne digère pas la trahison"

Il y a deux façons de lire ce livre, Les Leçons du pouvoir. Il y a les leçons que François Hollande administre à Emmanuel Macron, ça c’est une chose, et en réalité il lui fait une leçon de gauche: ‘votre politique fiscale accélère les inégalités sociales’. Mais on peut aussi lire le livre comme les leçons qu’il tire pour lui-même. Vous vous souvenez d’un responsable politique, a fortiori ancien président, qui ose dire dans le même livre qu’il s’est trompé parce qu’il a trop parlé, sur Léonarda, sur la déchéance de nationalité, sur la méthode de la loi travail… J’ai fait la liste de tous les mea culpa de François Hollande, c’est invraisemblable! Il est le procureur de son propre quinquennat, c’est assez hallucinant.

Si on prend un tout petit peu de hauteur, on se dit que d’un côté François Hollande ne digère pas la trahison de celui qui est arrivé premier à un concours de circonstances, Emmanuel Macron. François Hollande est devenu le frondeur d’Emmanuel Macron. Il y a bien une leçon de Hollande à Macron. Je crains hélas que dans les heures qui viennent, ce soit Emmanuel Macron qui donne une leçon à François Hollande. Une leçon de communication, parce qu’à partir de demain, on va parler d’Emmanuel Macron.

François Hollande explique que son bilan n’est pas si mauvais que ça. Les 2% de croissance, dit-il, c’est grâce à moi, les 3% de déficit, c’est grâce à moi et les 700.000 emplois en plus depuis 2015, c’est grâce à moi. Personne d’autre ne fera le bilan de François Hollande, sinon François Hollande lui-même.

Il était trop tard pour avoir un bon bilan et s’en prévaloir pour faire campagne. Ce qui est clair, c’est que la France s’est plutôt redressée. François Hollande laisse une situation plutôt meilleure que celle dont il avait hérité. Il y a un paradoxe dans cette histoire. François Hollande reproche à Emmanuel Macron d’être social libéral et de droite, mais c’est bien lui qui a fait venir Emmanuel Macron à l’Élysée.

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> Christophe Barbier: "Hollande croit à l'éternel retour"

C’est facile de dire ‘je me suis trompé’, alors qu’il aurait pu à l’époque écouter les critiques politiques ou d’éditorialistes qui lui auraient évité de s’enliser complètement dans la déchéance de nationalité, de louper la PMA, ou d’aller de Charybde et Scylla sur la loi travail. Le président de l’époque était aveugle et sourd. On essaie de nous vendre un ancien président d’un seul coup lucide et sympathique par son mea culpa. C’est un peu facile. Alors il lui reste, en effet, la capacité d’attaquer Emmanuel Macron.

Il est dans une forme d’opposition, à la fois à la manière de faire et au fond de la politique menée. La thèse de François Hollande, c’est qu’Emmanuel Macron est un président de droite, qui fait une politique économique, fiscale de droite. C’est vrai: Emmanuel Macron a commencé son quinquennat sur une ligne économique et institutionnelle plutôt marquée à droite, en espérant sans doute créer des richesses afin de les redistribuer dans la deuxième partie du quinquennat et de s’arroger le soutien du peuple de gauche. Commencer à droite pour finir à gauche.

Macron fait un pari: ‘J’arrête de prendre de l’argent dans la poche des riches en réformant l’ISF, je demande à ces riches d’investir dans l’économie pour créer des emplois’. Les riches vont-ils trahir Macron? C’est la question qui se pose dans les 18 mois à venir.

Revenons sur le quinquennat Hollande. Les riches frappés d’impôts, ils sont partis en Belgique. Le poids du marteau fiscal de François Hollande, il est tombé sur les classes moyennes supérieures, c’est-à-dire des actifs, de ceux qui créent des richesses. Est-ce que la situation des pauvres s’est améliorée entre 2012 et 2017?

François Hollande croit à son retour. Une partie de la "Hollandie" pense que le PS d’Olivier Faure va avoir besoin de structuration, et que le vrai patron du PS, c’est en fait Hollande. Macron croit que le vrai patron du PS, c’est Hollande et se méfie. Hollande y croit comme Rocard y croyait en 2007, comme Valéry Giscard d’Estaing y croyait. C’est la nature des hommes politiques de l’ancien monde de croire à l’éternel retour, mais pas de chance, les Français ne sont visiblement pas d’accord.

Louis Nadau