"Coup de pub", "chemin de croix": comment la classe politique accueille une possible candidature de Cyril Hanouna en 2027

Un sacré pavé dans la mare. L'animateur Cyril Hanouna est donné candidat à la présidentielle en 2027 par l'hebdomadaire Valeurs actuelles ce 29 avril sans pour l'instant s'imposer dans les sondages. Coup de communication ou véritable volonté de descendre dans l'arène pour conquérir l'Élysée?
"Il y pense vraiment. C'est quelqu'un de très instinctif qui sent que le pays va mal et qui a envie de pouvoir la sauver", assure Jean Messiha, porte-parole de Reconquête et familier de l'ex-émission Touche pas à mon poste.
"Un sacré coup de pub qu'il se fait"
Consacrant désormais son temps à son émission quotidienne sur Europe 1 depuis la fermeture de C8, le présentateur assume y réfléchir. "Beaucoup de gens me disent félicitations", s'est ainsi réjoui l'animateur controversé, promettant de "dire la vérité" dans les prochains jours.
En attendant, un embryon de programme a déjà été présenté dans les colonnes de Valeurs actuelles, piochant à la fois dans des propositions de gauche (augmentation du salaire minimum à 2.200 euros net ou différenciation du montant de la TVA à payer en fonction des revenus) ou très à droite (création d'un "Guantanamo à la française").
De quoi laisser présager dans les prochains mois de prises de parole tous azimuts pour nourrir au fur et à mesure sa candidature? L'éditorialiste de BFMTV Christophe Barbier, qui a co-écrit avec lui l'ouvrage Ce que m'ont dit les Français, n'y croit guère.
"Il a besoin de faire le buzz, d'être toujours dans la scénarisation. C'est un sacré coup de pub qu'il se fait", avance l'ancien directeur de la rédaction de L'Express, ne se disant "vraiment pas sûr qu'il ait la capacité de mener une campagne".
L'exemple Zemmour
Parmi les éléments qui pourraient faire douter Cyril Hanouna, on trouve d'abord la réalité concrète d'une campagne présidentielle avec la nécessité de monter une équipe, de petites mains disponibles pour coller des affiches, tracter, partir à la chasse aux 500 parrainages de maires, le tout avec des propositions solides.
Le précédent Éric Zemmour en 2022 a en tout cas de quoi le faire douter. Une fois officiellement candidat, l'écrivain avait dû abandonner son poste au Figaro et son émission sur CNews. Le tout pour monter pendant des semaines dans les sondages, mais finalement récolter à peine 7% au premier tour. Depuis, l'ex-journaliste ne détient aucun mandat.
Sans compter que l'animateur qui arrive dans le groupe M6 en septembre prochain s'est engagé à ne plus discuter de sujets politiques à l'antenne sur les antennes de Fun radio et de W9 où il doit officier à la rentrée.
3% de Français certains de le soutenir
Autre caillou dans la chaussure de Cyril Hanouna: un électorat qui est sur le papier pour l'instant évanescent. En moyenne, Touche pas à mon poste rassemblait 1,5 million de téléspectateurs. Mais ces fans peuvent-ils vraiment se convertir en électeurs potentiels?
"On peut le regarder sans avoir envie de voter pour lui. On allume sa télé pour passer un bon moment, rire, peut-être se moquer de lui. C'est tout", analyse le député Alexis Corbière, qui a souvent été invité du présentateur.
Un sondage Ifop pour Valeurs actuelles indique que pour l'instant, 10% des Français se déclarent prêts à voter pour lui lors de la prochaine présidentielle, dont seulement 3% se disent certains de leur choix.
Preuve que sa popularité reste à nuancer, lors de la sortie avec son livre en 2021, un tour de France avait été envisagé pour permettre à Cyril Hanouna d'aller à la rencontre des Français. Mais avec de mauvais chiffres de ventes, tous les échanges prévus sont finalement annulés.
Plan de campagne
"Donald Trump aussi a commencé par se faire connaître du grand public par la télévision, Volodymyr Zelensky était comédien avant de devenir président. Une exposition politique peut arriver sans que personne ne le voit venir", analyse l'un de ses ex chroniqueurs.
"En 2027, les gens voteront avec beaucoup de gravité dans une période incertaine à l'international comme pour leur vie quotidienne. Ils n'auront pas envie d'une candidature farfelue", réfute de son côté Alexis Corbière.
En attendant, l'un de ses proches, l'économiste Thomas Guénolé qui n'est pas "le conseiller" de Cyril Hanouna comme il tient à le préciser, s'est penché sur "une étude de faisabilité" d'une éventuelle entrée en campagne.
"Il faut qu'il ait un socle électoral suffisant pour faire 5% au premier tour et être remboursé des frais de campagne engagé. Ce chiffre-là" soit environ 2,3 millions de voix, "il peut largement l'atteindre", assure celui qui, après avoir été engagé aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, se définit comme "un pote" de l'animateur.
"S'installer dans le nid électoral" de Bardella
Pour y parvenir, le présentateur devrait donc aller chercher largement au-delà de son socle de fidèles téléspectateurs et aller chasser sur les terres d'autres figures politiques. À commencer par celle de Marine Le Pen qui pourrait ne pas pouvoir se présenter en raison d'une condamnation à une peine d'inégibilité pour laquelle elle a fait appel.
"Face à elle, il n'avait aucune chance. Mais si c'est Jordan Bardella qui la remplace, il va faire le coucou et s'installer dans le nid électoral du RN", avance encore Thomas Guénolé.
Du côté du parti à la flamme, on joue pour l'instant la carte de la tranquillité. Interrogé sur le suspense entretenu par Cyril Hanouna sur son éventuelle candidature à la présidentielle, le patron du mouvement a assuré "ne pas y croire" ce mardi sur Europe 1-CNews.
"Faire une Coluche"
Manifestement soucieux de ne pas se fâcher avec lui, Jordan Bardella a insisté sur "le talent" de l'animateur sans manquer de souligner "le chemin de croix" que représente une présidentielle.
"On ne va pas se brouiller avec lui ni avec nos électeurs qui l'aiment beaucoup, c'est clair et net", traduit un député RN.
"Et puis je crois que chez nous, pas grand-monde ne croit vraiment à sa candidature. Il a sûrement plus d'influence dans ses émissions que dans une campagne où il va se retrouver confronté à s'expliquer sur des propositions pas réalistes".
"Et puis après, une fois qu'il n'a pas passé la barre du premier tour? Je ne doute pas qu'il ait assez d'argent pour vivre sans travailler mais est-ce qu'il est prêt à se griller dans le monde médiatique?", s'interroge cet élu qui le voit plutôt "faire une Coluche".
En 1981, l'humoriste s'était lancé dans la course à la présidentielle sur le ton de la blague, puis de se prendre au jeu devant des sondages le donnant en troisième position derrière Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. Avant de finalement renoncer.