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Publicités, propos polémiques... Sur internet et les box, Cyril Hanouna est-il vraiment "libre" de tout faire?

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Plus obligé de suivre la convention d'une chaîne, l'animateur compte bien utiliser cette liberté pour donner un coup de jeune à "Touche pas à mon poste".

Si le retour de Touche pas à mon poste a été un événement, trois jours après la fin de diffusion de C8, le talk show star de la chaîne peut désormais profiter d'une nouvelle vie. "Vive la liberté" a lancé Cyril Hanouna, son animateur vedette, en introduction de sa première diffusion sur les box et sur les plateformes de streaming (Youtube et Dailymotion).

Et pour cause: même s'il est encore diffusé à la télévision, l'animateur n'a, en théorie, pas les mêmes obligations que lorsqu'il était présent sur C8. La chaîne, qui a cessé d'émettre le 28 février 2025, était dans l'obligation de respecter les obligations de sa convention de diffusion, signée avec l'Arcom. Ce n'est normalement plus exactement le cas avec la chaîne événement diffusée sur les box et MyCanal.

En réalité, le statut de la chaîne et du programme restent encore à définir auprès de l'Arcom.

Si la chaîne et TPMP sont considérés comme un "service de télévision"

Touche pas à mon poste et la chaîne peuvent ainsi tomber dans la catégorie "services de télévision". Le cas échéant, il s'agit d'un programme qui est proposé de façon à être reçu simultanément par le public, et non au moment choisi par l'utilisateur. Il s'agit de communication audiovisuelle. En théorie, c'est donc le cas: la quotidienne est proposée à heure fixe, aux alentours de 18h20, et ne peut donc pas être lancée au moment voulu par le spectateur.

Si l'Arcom estime donc qu'il s'agit d'un "service de télévision", la chaîne pourrait donc être dans l'obligation de respecter des règles en matière de publicités ou de marques présentées sans floutage à l'antenne.

Une obligation à laquelle Cyril Hanouna ne semble pas devoir se plier: dans la première émission diffusée le 3 mars, une séquence moquant les règles imposées par l'Arcom sur les marques a fait réagir. L'animateur y montrait des boissons, t-shirts et objets de marques, sans citer d'autres produits concurrents.

De plus, une dénomination comme "service de télévision" nécessite une convention, ce qu'a demandé H2O Productions, selon les informations de Tech&Co. Mais la société qui produit l'émission a également stipulé à ne pas être considérée comme un "service de télévision", ce qui pourrait changer beaucoup de choses.

Car si TPMP tombe sous le coup d'une convention sous l'appellation "service de télévision", elle pourrait alors être sanctionnée par l'Arcom si elle ne respecte pas ses obligations négociées avec l'autorité. Une sanction qui pourrait coûter cher: selon Le Figaro, Orange a ainsi pris soin de signer un contrat lui permettant de stopper la diffusion de cette chaîne événement en cas de mise en demeure.

Si la chaîne et TPMP sont considérés comme "autre"

Si H2O Productions arrive à convaincre l'Arcom que Touche pas à mon poste et la chaîne liée ne peuvent pas être considérées comme un "service de télévision" classique, ils pourraient donc être classé dans une catégorie "à part".

Autrement dit, l'émission ne serait pas soumise aux mêmes obligations qu'une chaîne classique. Mais cela reste à vérifier en fonction de ce qui sera mis à l'antenne, et la manière dont sera diffusé TPMP dans les prochains semaines.

La mise à disposition de la chaîne au public se ferait alors sans aucune formalité de conventionnement, ou même de déclaration préalable. En revanche, elle pourrait tout de même relever des compétences de l'Arcom puisqu'elle serait soumise aux dispositions générales de la loi de 1986 relatives aux services de communication audiovisuelle.

La question de la diffusion sur Youtube et Dailymotion

Pour la diffusion sur internet, l'Arcom est toujours en mesure de mettre en place des sanctions, mais ne peut pas pour autant contrôler ce qu'il s'y passe comme à la télévision. Sur son site internet, l'autorité explique ne pas être "le régulateur des contenus disponibles sur les réseaux sociaux", de fait, en cas de signalement d'un spectateur, l'Arcom n'est pas en mesure de le traiter et il faut se tourner vers la plateforme Pharos: "Les signalements ou alertes concernant une fausse information ou un contenu haineux ne relèvent pas des missions de l'Arcom."

Néanmoins, cela ne veut pas dire qu'aucune règle ne s'impose. Sur Youtube comme sur Dailymotion, le diffuseur, qu'il soit en direct ou non, se doit d'une part de respecter les conditions d'utilisation de la plateforme - qui peuvent être très strictes. D'autre part, ces mêmes plateformes doivent faire respecter le DSA, le règlement européen sur les services numériques.

En vigueur depuis février 2024, il contraint les plateformes à renforcer leur modération sur les contenus haineux ou liés à la désinformation. Dans le cas d'un dérapage dans Touche pas à mon poste, en cas de signalement d'un utilisateur à Youtube ou Dailymotion, les deux sites de streaming doivent donc constater s'il y a une nécessité de sanction ou non.

Une vidéo n'est pas non plus obligée de préciser s'il y a un contenu sponsorisé ou partenaire à l'intérieur. Les plateformes se rangent derrière la nécessité pour chaque utilisateur de respecter les lois locales. En France, il est ainsi obligatoire de préciser qu'il s'agit d'un contenu publicitaire si c'est le cas. Mais la loi ne nécessite pas de gommer les marques ou d'en citer plusieurs du même genre comme sur la TNT.

Cyril Hanouna, qui avait été sanctionné d'une amende de 200.000 euros pour publicité clandestine, pourrait donc avoir davantage de liberté sur ce sujet.

Le gestionnaire de la chaîne a néanmoins pris soin de supprimer le replay de l'émission sur Youtube et Dailymotion, elle n'est pas non plus proposée sur Mycanal. De même, et peut-être pour éviter les dérapages, les commentaires ne sont pas actifs durant la diffusion en direct et en streaming.

En clair, il va désormais falloir attendre de voir comment l'Arcom considère la chaîne et l'émission Touche pas à mon poste pour comprendre les obligations qui vont incomber à Cyril Hanouna et sa société de production.

Sylvain Trinel